La "grande démission" frappe la recherche et le milieu universitaire
La vague de départs des salariés et le mécontentement généralisé des travailleurs ne sont par limités aux start-ups et aux grandes entreprises. Les démissions massives touchent aussi l’université et le milieu de la recherche, comme le signale un reportage paru récemment dans la revue scientifique Nature. De nombreux scientifiques en milieu de carrière quittent la recherche pour mettre leurs connaissances au service de l'industrie. Le mot-dièse #leavingacademia est d'ailleurs dédié à ce phénomène. Une vague de démissions qui trouverait son origine dans la pression importante pour obtenir des subventions, surtout pendant la crise sanitaire.
Un mécontentement accru en milieu de carrière
Selon l’enquête de Nature, réalisée en 2021 auprès de plus de 1 200 chercheurs du monde entier, le phénomène touche essentiellement les chercheurs en milieu de carrière. Cette étape de la vie scientifique s'accompagne de défis et d'incertitudes, qui poussent les intéressés à s’interroger sur leur avenir. Les résultats révèlent que 37 % des chercheurs en milieu de carrière sont insatisfaits de leur poste actuel, alors que le pourcentage d’insatisfaction est de 32 % pour les chercheurs en début et fin de carrière. 24 % d'entre eux se disent extrêmement insatisfaits de leurs possibilités d'avancement professionnel, alors que le pourcentage est plus faible pour les chercheurs en début de carrière (17 %) et les chercheurs en fin de carrière (19 %).
La pandémie a ouvert la voie à un exode massif
Pour certains chercheurs, l’épidémie de Covid-19 est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. En Australie, par exemple, la crise sanitaire a empêché les universités d’encaisser les revenus liés à la scolarité des étudiants étrangers, ce qui a représenté une réduction considérable du budget alloué à la recherche.
En mai 2021, un emploi universitaire sur cinq avait été supprimé en Australie. "Nous voyons beaucoup de gens chercher du travail ailleurs, ou prendre leur retraite s'ils peuvent se le permettre", explique Lara McKenzie, une anthropologue qui étudie les tendances de la main-d'œuvre universitaire à l'Université d'Australie occidentale à Perth. Ceux qui restent perdent des collègues de confiance et ne veulent pas assumer les énormes charges de travail laissées par leurs camarades "déserteurs". D’autres raisons jouent aussi en faveur du départ du milieu académique : le manque de valorisation, les postes contractuels précaires, la réduction des pensions de retraite, le racisme et le sexisme systémiques, ainsi que des préjugés structurels.
Ces départs menacent en outre les progrès en matière de diversité, d'équité et d'inclusivité au sein du personnel universitaire, car ils concernent beaucoup les femmes.
Le difficile sort des femmes dans le monde de la recherche
Les mères chercheuses ont vécu une période particulièrement stressante. Freinée par les obligations de garde d'enfants pendant l'épidémie, la carrière de nombreuses femmes a davantage souffert que celle des hommes. Un groupe Facebook, appelé PhD Mamas et lancé en 2015, est passé de 1 500 membres à 12 000 membres en quelques années.
Pour Meredith Gibson, directrice générale par intérim de l'Association of Women in Science basée à Washington DC, les inégalités de la formation universitaire contribue aux démissions de chercheurs en milieu de carrière. Selon cette association, la vague de démissions n’est pas ponctuelle et elle pourrait se poursuivre.
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