En Albanie, un paradis pour oiseaux redoute l'arrivée d'un aéroport

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France-Soir, avec AFP
Publié le 15 juin 2023 - 10:15
Cet article provient directement de l'AFP (Agence France Presse)
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F. Froger / Z9, pour FranceSoir
F. Froger / Z9, pour FranceSoir

DÉPÊCHE — Sur les rivages albanais, dans un paysage lagunaire d'une beauté à couper le souffle, des milliers d'oiseaux d'eau s'ébrouent dans leur paradis bleu azur. Mais à quelques encablures de là, les pelleteuses creusent la terre sur le chantier d'un futur aéroport.

Les ONG de défense de l'environnement s'insurgent contre le projet des autorités de construire sur les rives de l'Adriatique le troisième aéroport du petit pays des Balkans. Situé selon elles dans une aire protégée, l'aéroport de Vlora représentera "une grave menace" pour les populations de flamants roses, pélicans frisés et autres espèces migratoires qui y nichent ou se reposent.

À l'unisson de la population locale, le gouvernent soutient que l'infrastructure est indispensable pour développer le tourisme et les emplois dans un pays dont les habitants fuient en masse la pauvreté et le chômage. Il assure que le chantier respecte toutes les règles environnementales et que les oiseaux ne seront pas dérangés.

"Ce projet va à l'encontre des lois de la nature", dit à l'AFP Zydjon Vorspi, de l'ONG albanaise pour la Protection et la préservation de l'environnement naturel (PPNEA). "Construire une si vaste infrastructure dans une zone mondialement connue pour sa biodiversité exceptionnelle, cela veut dire barrer la route des oiseaux et créer de gros problèmes pour les populations locales, mais aussi internationales".

Des millions d'oiseaux passent chaque année par la lagune de Narta et celle de Karavasta plus au nord, étapes cruciales entre l'Europe du Nord et le continent africain.

Selon les écologistes, l'aéroport va considérablement réduire l'habitat de la faune et de la flore, le va-et vient des avions perturber les migrations, la reproduction et abîmer irrémédiablement un écosystème remarquable. "On voit déjà que des espèces sont inquiètes", dit à l'AFP Niko Dumani, spécialiste de la biodiversité.

Tranchées

À deux heures et demie de route au sud de Tirana, la lagune de Narta et ses marais abritent plus de 200 espèces d'oiseaux, dont 33 figurent sur la liste rouge des espèces de la flore et de la faune albanaises en danger.

Pour l'heure, seul le clapotis de l'eau et les pépiements des échasses blanches, chevaliers sylvains et autres avocettes élégantes troublent la quiétude des lieux. Ici, on est dans l'estuaire du majestueux Vjosa, l'un des derniers fleuves sauvages d'Europe, classé à grand bruit parc national par les autorités.

Mais à cinq kilomètres plus au nord, à vol d'oiseau, les engins de chantier creusent les tranchées du futur aéroport international de Vlora, la grande station balnéaire du coin.

Les travaux menés par le Suisse Mabco Constructions ont débuté fin 2021. Selon Tirana, l'infrastructure à 104 millions d'euros ambitionne d'accueillir deux millions de passagers par an à partir de 2025.

Risques de collision

Le gouvernement dément que l'aéroport se situe dans l'aire protégée de Vjosa-Narta et assure que les meilleurs experts de l'environnement ont été consultés.

"L'aéroport sera construit de toute façon", tonne le Premier ministre Edi Rama. "Ce sera une valeur ajoutée et en aucun cas une menace pour l'écosystème."

Aux ONG qui font valoir les risques de collisions entre avions et oiseaux, les autorités répliquent que "toutes les conditions de sécurité" seront réunies.

Surtout, elles arguent que l'aéroport créera 1 500 emplois directs et encouragera le tourisme dans un pays où le taux de chômage des jeunes de moins de 30 ans atteint 20% et où le salaire moyen est de 560 euros.

Les 1 500 habitants d'Akerni, localité extrêmement pauvre qui accueillera l'aéroport, attendent avec une impatience non dissimulée. Ils espèrent un nouveau souffle pour la région sous la forme d'un afflux de touristes.

"Je pense qu’il s’agit d’un investissement de bon augure pour le développement de cette zone, pour l'avenir de nos enfants, pour une meilleure vie ici", dit à l'AFP, Tokli Hysa, 70 ans, qui habite le village vidé par l'émigration, où un seul commerce vend de tout, du sucre, de la farine jusqu'à des sacs de ciments.

Mais justement, les ONG redoutent le tourisme de masse qui a déjà défiguré une partie des côtes, hérissées d'immeubles vue sur mer à Vlora ou à Durres, grande ville portuaire.

L'urbanisation, la surpêche et le changement climatique ont tous des effets néfastes sur les populations d'oiseaux migratoires, selon les experts.

En 2022, ils avaient constaté une baisse de 25% sur un an du nombre des oiseaux d'eau dans les marais de Divjaka-Karavasta.

Pour Ornold Bazaj, propriétaire d'une agence focalisée sur l'écotourisme, l'aéroport va tuer la poule aux œufs d'or dans un pays qui a accueilli l'an dernier 7,5 millions de touristes.

"Il aura bien à court terme des effets bénéfiques, mais à long terme, on va détruire l'environnement et à son tour le tourisme", dit-il.

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