Japon : la ville de Kobe, déjà ravagée par un séisme, attend son prochain "big one"

Auteur(s)
Damien Durand (Kobe, envoyé spécial)
Publié le 22 novembre 2017 - 16:22
Mis à jour le 23 novembre 2017 - 07:52
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La ville de Kobe
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Un total de 85% des bâtiments de la ville de Kobe sont aux meilleures normes sismiques assurent les autorités locales.
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La ville de Kobe, dans la préfecture de Hyôgo (sud du Japon), a été ravagée en 1995 par un tremblement de terre meurtrier, éclipsé depuis par le drame de Fukushima en 2011. Le grand port japonais se prépare maintenant à la prochaine secousse dont la probabilité est élevée. Et oscille entre certitude d'être mieux préparée, et fatalisme face à des ravages -et des morts- inévitables.

(De notre envoyé spécial) Kobe l’attend. La ville le sait et se prépare. Elle en a surtout l’expérience: la capitale de la préfecture du Hyôgo (sud du Japon) a été frappée le 17 janvier 1995 par un tremblement de terre qui a secoué, alors que le jour ne s’était pas encore levé, cette cité dynamique, sixième ville du Japon et qui a longtemps été le plus grand port d’Asie. Le bilan a été effroyable: plus de 6.400 personnes ont trouvé la mort dans la ville et les environs. Kobe a été reconstruite, plus forte, plus solide face aux secousses sismiques. Elle est par la force des choses devenue l’une des villes les mieux préparées à un "big one", un tremblement de terre de grande ampleur. Et c’est avec une pointe de fatalisme que les autorités locales l’admettent: oui, il y aura des morts. Charge maintenant à l’action publique de se préparer au pire pour que tout finisse au mieux.

Le fatalisme de Kobe, nourri de son expérience, est même troublant pour l’observateur, tant la ville se prépare à ce qui semble presque inévitable. "Il y a une probabilité de 80% environ que dans les 30 prochaines années, nous soyons touchés par un secousse majeure", confirme à France-Soir Hidetoshi Shiraishi, le directeur exécutif adjoint du Disaster Reduction and Human Rénovation Institution (DRI) de Kobe, le centre d’étude sur les tremblements de terre monté dans la foulée de la catastrophe. A Kobe, assure-t-il, 85% des bâtiments sont maintenant conformes aux normes sismiques les plus rigoureuses. A savoir une capacité de résistance complète face à une secousse sismique d’une magnitude de moment de 7. Le tremblement de terre de 1995, lui, affichait 6,9 et son épicentre n’était pas situé dans le cœur de la ville. Mais, à titre de comparaison, le tremblement de terre de Fukushima, lui, était d’une magnitude de moment de 8,9. Et le XXe siècle a connu trois secousses d’une magnitude supérieure à 8. Que se passera-t-il donc si la "secousse majeure" annoncée dépasse la fameuse échelle des 7 contre laquelle, en principe, la ville est maintenant presque immunisée? "Si nous faisons face à une secousse d’une magnitude de 8 ou plus, les bâtiments seront endommagés, voire inutilisables. Mais nous espérons que les gens qui sont à l’intérieur pourront survivre. Et nous avons préparé au mieux les procédures de survie pour que chacun sache où se procurer très vite de la nourriture et de l’eau en cas de problème", nous assure le chercheur qui promet également que dans l’optique des JO de 2020, l’ensemble des messages d’alerte seront rendus accessibles aux touristes internationaux. Comprenez traduits en anglais, "mais pas en français" s’excuse-t-il.

Lire aussi: Japon: Tepco jugé responsable de la catastrophe de Fukushima, pas l'Etat

L’approche froide et rationnelle d’une région qui se prépare à l’inévitable n’est pas seulement propre à la sphère scientifique. Au sommet de la préfecture du Hyôgo -la septième plus peuplée du Japon (5,6 millions d’habitants) sur quarante-trois- on assume clairement être prêt face à une échéance qui sera forcément mortelle pour certains, en ne craignant pas d’avancer des estimations de mortalité précises. "Depuis le tremblement de terre de 1995, nous nous sommes lancés dans un vaste programme pour nous préparer à une nouvelle secousse. Nous avons fini depuis cinq ou six ans cette démarche, même si nous continuons encore à renforcer les installations les plus sensibles, ce qui nous prendra encore cinq ou six ans" explique à France-Soir, le regard sûr, Toshizô Ido, le gouverneur de la préfecture, dans son bureau de Kobe. Pour lui, le sentiment du devoir accompli se chiffre clairement, comme il l'énonce d'une voix calme et sans louvoyer, malgré la gravité du propos: "Nous estimons que si nous n’avions rien fait, un séisme de grande ampleur, éventuellement doublé d’un tsunami aurait pu tuer 28.000 personnes. Maintenant, avec les programmes que nous avons mis en oeuvre, nous pouvons selon nos projections nous attendre à environ 400 morts". Pour les pouvoirs publics, c’est un succès.

Reste à attendre donc la venue -hypothétique- de cette secousse qui permettra de vérifier si un bâtiment pouvant résister jusqu’à une magnitude de 7 pourra malgré tout sauver la vie de ses occupants si c’est un "Fukushima bis" qui se produit au coeur de Kobe. Et pourtant, admet-on chez les chercheurs de Kobe, la science pourrait encore apporter une amélioration. "En théorie, nous connaissons la technologie permettant qu’un bâtiment ne s’effondre jamais, même avec une secousse maximale" nous certifie Hidetoshi Shiraishi. Pourquoi alors ne pas avoir opté pour ces technologies au lieu de faire le pari que des gens survivent dans des bâtiments qui s’écrouleront? "C’est une question de moyens tout simplement. C’est purement et simplement inabordable. Réellement. D’ailleurs, à ma connaissance, aucune infrastructure même les plus sensibles, comme les installations militaires ou nucléaires, n’est équipée de genre de technologie". Aucun scandale donc, dans la bouche des spécialistes. Mais ce sera –hélas– la future secousse qui en décidera.

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