Le monde d'après : la publicité est-elle à la hauteur de son rôle dans la transition écologique ?
Dans une France qui n’a pas attendu le déconfinement officiel total pour revenir à la normale les militants pour le développement durable alertent sur l’importance d’une relance économique plus verte. Les acteurs de la transition écologique y voient l'occasion de lancer des propositions notamment pour le secteur de la publicité qui est critiqué non seulement car les messages véhiculés sont en général peu favorables à l'économie durable, mais aussi parce qu’il consomme massivement des supports polluants et énergivores. Des rapports publiés récemment mettent en cause le rôle de la publicité dans l'impact écologique de l'économie, et donc dans la transition écologique.
D'un côté le rapport « Publicité et transition écologique », résultat d'une mission commandée par les ministres Elisabeth Borne et Brune Poirson, explore le modèle publicitaire français afin d'en évaluer les impacts économiques, sociaux et environnementaux et exhorte la publicité à modifier ses messages, car “la publicité n'est que le reflet de son époque et elle évolue avec elle”. Un autre rapport “ BIG CORPO Encadrer la pub et l'influence des multinationales : un impératif écologique et démocratique”, fruit d'un collectif académique et de la société civile, dénonce la place de la publicité comme outil de lobbying des grandes groupes pour nourrir la surconsommation.
Un nutriscore publicitaire pour que le consommateur puisse prendre du recul
Pour apporter une réflexion de fond sur ce sujet qui monte en puissance, Géraud Guibert et Thierry LIBAERT, ont élaboré un rapport commandité en octobre 2019 par le ministère de la Transition écologique.
Le secteur publicitaire, selon le rapport, devrait s'engager à «atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050». Pour cela, il faudra réformer le mécanisme d'auto-régulation du secteur pour empêcher que la publicité alimente les consommateurs et citoyens en messages contradictoires avec les objectifs environnementaux du gouvernement.
Faut-il interdire les publicités pour des produits amenés à disparaître (comme les plastiques à usage unique ou les voitures thermiques censées être retirées de la vente en 2040)?
Les auteurs du rapport recommandent plutôt de noter les publicités avec un dispositif visuel pour connaître leur degré d'adéquation avec les politiques environnementales. Cela permettrait de sensibiliser le consommateur et de l’informer que l'État veut décourager l'achat de certains produits.
Les supports publicitaires mis en examen
Les autocollants “stop-pub” dans les boîtes aux lettres sont très répandus, mais malgré cela, une moyenne de 31 kilos de prospectus par an et par boîte aux lettres, finissent sans être lus dans les poubelles. 13.6 kg par habitant d'imprimés non sollicités sont distribués en France chaque année, soit plus de 30 kg pour un foyer de trois personnes (près de 900 000 tonnes par an). Cependant, alors que les publicités papier peuvent se recycler, les panneaux d’affichages numériques sont-ils réellement économes en énergie? La question se pose, alors que les publicités papier sont devenues plus écologiques, et que les écrans envahissent les moindres recoins, jusqu'aux toilettes publiques.
A la suite de l'adoption de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire du 10 février 2020, une amende de 1 500€ a été créée pour le non respect de STOP PUB.
Deux nouvelles mesures sont également prévues par cette loi: l'interdiction du dépôt de “flyers” sur les voitures et l'interdiction de cadeaux de promotion commerciale non sollicitées dans les boîtes aux lettres. Selon l'association Zerowaste, malgré ces avancées, le chemin vers la fin des prospectus jetables est encore long.
Les associations signataires du rapport « Big Corpo » demandent également l'interdiction des panneaux lumineux numériques, car, selon elles, “ces panneaux consomment treize fois plus que le plus énergivore des mobiliers urbains non numériques”. Une mesure logique anti gaspillage, selon ce rapport, serait d'éteindre ces publicités la nuit, à l'exception de celles éclairant un mobilier fournissant au public un service d'intérêt général.
Alors, pour la publicité du “monde d’après”, allons-nous commencer à préférer une campagne publicitaire au détriment d'une autre en fonction de leur impact en matière d'émissions de GES ? Verrons-nous un jour une publicité qui ne nous vend pas du confort et du plaisir immédiat mais de la sobriété, et de la solidarité? Selon le rapport “Publicite et transition écologique” il est important que la publicité joue aussi un rôle proactif, par exemple, en faisant en sorte que les messages publicitaires « n'oublient pas » l'impact climatique des produits dont ils suscitent la vente, “en particulier bien sûr ceux qui émettent le plus de gaz à effet de serre”.
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