Libération des semences paysannes : allons-nous voir la différence dans nos assiettes ?
Le long combat pour l'autorisation de la vente de semences paysannes, celles qu’un agriculteur peut prélever directement de sa récolte, vient enfin d'aboutir! C'est une victoire des défenseurs de la biodiversité, officialisée par la publication au Journal Officiel du 11 juin, d'une loi qui avait été censurée il y a 4 ans par le Conseil constitutionnel du fait qu'elle n'autorisait que les seules associations à procéder à la vente. Même s'il s’agit pour l’instant d’une vente limitée à un but non commercial, elle pourrait avoir un impact important, avec peut-être, dans les années qui viennent, plus de formes et variétés dans nos assiettes.
Pourquoi les semences paysannes n'avaient pas le droit de circuler auparavant?
Pour chaque nouvelle variété de semences, une carte d'identité est attribuée. Cette carte valide son homogénéité, sa stabilité et sa performance. Pour maintenir la stabilité d'une semence, la loi interdisait aux agriculteurs de vendre les semences issues de leur production, et à se limiter à des dons ou échanges de semences gratuits, destinés à une production non commerciale. Des siècles de pratique paysanne et de circulation des variétés à travers les territoires ont fait réagir les acteurs sensibles à la protection de la biodiversité contre cette législation, et contre les pratiques industrielles qui suivent la même logique. L’extrême est représenté par Monsanto, qui s'est démarqué comme leader du marché des semences, et cible de nombreuses critiques et campagnes qui dénoncent le poids pour les agriculteurs de la dépendance à l’achat obligatoire des semences industrielles.
Ouverture à la vente des semences non inscrites au catalogue officiel
Le changement majeur apporté par de cette nouvelle loi concerne les semences non inscrites au catalogue officiel, car, la vente des semences issues de la production des agriculteurs était déjà autorisée pour celles inscrites au Catalogue officiel.
Comme explique le site RSP (réseaux semences paysannes) la vente des semences paysannes était déjà légale si la production n'était pas destinée a être commercialisé. Les artisans semenciers eux pouvaient en effet déjà proposer leurs graines du catalogue avec une inscription spécifique sur le sachet. Les échanges (à titre gratuit) entre jardiniers avaient déjà été explicitement reconnus dans la loi biodiversité d'août 2016, sous deux conditions : les semences doivent être du domaine public et ces échanges doivent respecter les règles sanitaires spécifiques de la sélection et de la production de semences.
Un grand pas pour la biodiversité et pour la variété dans nos assiettes
Nombreux sont ceux qui, avec le confinement, ont redécouvert les vertus du jardin potager. Sur Youtube, l'audience des vidéos de jardinage a augmenté considérablement, de 140 % depuis le 15 mars. Les agri-youtubers, de leur côté, developpent leur influence et alimentent en conseils les agriculteurs amateurs. Peut-être que malgré la non-commercialisation des semences paysannes, on verra de plus en plus des foyers qui bénéficier de la diversité des semences.
Selon Barbara Pompili, Présidente LReM au sein de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, la vente de variétés de semences du domaine publics non inscrites au Catalogue officiel à des amateurs est déjà assez importante en raison de la diversité génétique de ces semences. La prochaine bataille à mener selon elle est de parvenir à autoriser au plan européen la commercialisation de ces semences en agriculture conventionnelle.
Frédérique Tuffnel, également membre du groupe Écologie, démocratie, solidarité a déclaré au sujet de cette bonne nouvelle pour la diversité qu'en effet, aujourd'hui nos menus se sont appauvris, soumis à une standardisation des formes, des goûts et des saveurs.
Des semences anciennes préservées en toute ... illégalité
Des associations telles que Kokopelli s'étaient organisés pour assurer la propagation illégale des semences paysannes. Pour Kokopelli , la distribution de semences anciennes est plutôt logique et essentielle car elle existe en fait depuis des dizaines de milliers d’années
Depuis plus de vingt ans, cette association accomplie sa mission de préservation de biodiversité en illégalité mais non en clandestinité. Selon La Dépêche du Midi, en 2019, l'association comptait 130 000 comptes clients dans sa base de données et avait envoyé en 2017 plus de 700 000 sachets de semences en France et à l'étranger.
Bientôt la légalisation pour le commerce?
Cette ouverture à la biodiversité est pour l'instant limitée à la sphère du jardin potager et des agriculteurs amateurs, qui bénéficieront de nouveaux goûts et de nouvelles recettes. Cependant, Barbara Pompili aimerait aller un peu plus loin: autoriser au plan européen la commercialisation des semences paysannes en agriculture conventionnelle.
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