Adama Traoré : que sait-on des causes exactes de sa mort ?
L’affaire Adama Traoré n’en finit pas de s’envelopper de mystères. Les circonstances de la mort du jeune homme de 24 ans, le 19 juillet à la gendarmerie de Persan dans le Val d’Oise, se clarifient mais plusieurs informations cruciales restent inconnues.
Le 19 juillet, un jour de canicule à Beaumont-sur-Oise, des gendarmes interpellent le frère d’Adama Traoré dans le cadre d’une enquête sur une extorsion de fonds vers 17 h 15. Présent lors de la scène, Adama Traoré prend la fuite et est recherché, à grands coups d’appel radio et de renforts.
Trois gendarmes le localisent et pénètrent dans l’appartement où le jeune homme se cache. Un sous-officier explique qu’il se débat: "Nous contrôlons avec le poids de notre corps l’homme afin de l’immobiliser. Il a commencé à se débattre et je lui ai fait une petite torsion de sa cheville gauche. Il a commencé à nous dire qu’il avait du mal à respirer. On se trouvait à trois dessus pour le maîtriser." Un autre gendarme précise: "J’étais sur ses jambes. Mes deux autres collègues contrôlaient chacun un bras".
Cette technique correspond à un plaquage ventral que l’ONG française de défense des droits de l’homme Action des chrétiens pour l’abolition de la torture souhaite bannir car "elle entrave fortement les mouvements respiratoires et peut provoquer une asphyxie", risque accru par l’agitation dont faisait, selon les gendarmes, preuve Adama Traoré. D’après l’ONG, plusieurs morts ont été provoquées ces dernières années par cette technique.
Le jeune homme porte donc l’équivalent de 250 kg sur son corps pendant plusieurs minutes.
Bien qu'Adama Traoré ait précisé au sous-officier souffrir de "difficultés à respirer", les trois gendarmes l’embarquent dans leur voiture et le conduisent à la gendarmerie pour "lui signifier sa garde à vue". En y arrivant, Adama Traoré perd connaissance. Craignant qu’il ne simule, les gendarmes le laissent menotté. Quand ils se rendent finalement compte que ce n’est pas le cas, les secours arrivent et tentent de le réanimer, en vain. Son décès est déclaré vers 19 heures.
Qualifiée de "bavure" par sa famille, la mort d’Adama Traoré a entrainé plusieurs nuits de violences dans la petite ville de Beaumont-sur-Oise, mais aussi des marches blanches, réunissant plusieurs milliers de personnes.
Sa mort a aussi suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, avec le hashtag #JusticePourAdama, souvent accompagné de #BlackLivesMatter (les vies des noirs comptent), habituellement utilisé pour dénoncer les violences policières sur les noirs aux Etats-Unis.
La première autopsie effectuée sur la personne d’Adama Traoré fait état d’une "infection très grave touchant plusieurs organes", thèse soutenue par le procureur de la République de Pontoise, Yves Jannier. La deuxième autopsie, demandée par la famille, révèle "un syndrome asphyxique", mais "sans traces de violences significatives".
Pour Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille Traoré, il est clair que toute la vérité n’est pas dite: "L’hypothèse que je privilégie, c’est que ce qui a provoqué l’asphyxie serait la compression thoracique telle qu’expliquée par les gendarmes".
Autre zone floue dans cette histoire, l’évaporation des rapports des secours intervenus lors du décès d’Adama Traoré, le Smur et les pompiers. Un autre élément factuel, crucial pour la procédure, est lui aussi absent: le rapport de la police scientifique et technique, s’étonne Mediapart.
Ces documents essentiels et manquants relatent l’intégralité de l’intervention détaillée. Mais sans eux, impossible de connaître l’heure d’appel des pompiers sur place ou encore la nature exacte des soins prodigués à Adama Traoré. Le temps que le jeune homme a passé sous le soleil dans la cour de la gendarmerie, menotté, devrait aussi apparaitre dans ces rapports.
Maitre Bouzrou estime que les pompiers et les médecins auraient du faire leur rapports le jour même et qu’il fait face à un "vrai problème judiciaire" et à une enquête qui "ne souhaitait pas arriver à la vérité".
Cette histoire n’est pas sans rappeler celle de Zyed Benna et Bouna Traoré en 2005, morts pour avoir pris la fuite. Pourquoi les gendarmes ont-ils ensuite couru derrière Adama Traoré alors qu’il n’était pas concerné par l’opération en cours? Et pourquoi n’ont-ils pas immédiatement vérifié son état médical et emmené à l’hôpital une personne sous leur responsabilité?
Les résultats des autopsies complémentaires seront rendues publics fin aout, ce qui pourrait éclaircir la cause de l’asphyxie d’Adama Traoré mais sa famille a déjà décidé de porter plainte pour "violences volontaires et mort sans intention de la donner" ainsi que pour "dissimulation de preuve".
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