Bataclan : elle voulait 10.000 euros, 6 mois avec sursis pour une fausse rescapée

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 13 juillet 2016 - 22:37
Image
Le Bataclan à Paris.
Crédits
©Joel Saget/AFP
"On ne peut pas jouer avec la mémoire de 130 personnes pour 144 euros", a dit la procureure à l'accusée.
©Joel Saget/AFP
Une femme déjà hospitalisée pour une intervention bénigne le 13 novembre a tenté de se faire passer pour une victime du Bataclan. Elle a réclamé 10.000 euros d'indemnisation, insistant sur ses blessures et l'impact psychologique. Elle a été condamnée mercredi à six mois de prison avec sursis.

Pour obtenir 10.000 euros d'indemnisation, elle avait tout inventé: sa présence au Bataclan le 13 novembre au côté d'une victime décédée, sa fuite par une fenêtre, les "blessures", la "dépression". Une jeune femme de 31 ans a été condamnée mercredi à six mois de prison avec sursis.

Dans le box du tribunal correctionnel de Bobigny, l'impassibilité de la prévenue, veste en cuir beige sur une robe légère, soleil tatoué sur le cou, tranche avec le malaise des magistrats et des avocats.

La présidente déroule le récit des faits: Le 13 novembre 2015, la jeune femme est hospitalisée dans une clinique de la région parisienne pour une intervention bénigne, lorsqu'elle prend connaissance de la tuerie perpétrée à Paris et Saint-Denis. "L'infirmier m'a donné l'idée", dit-elle.

Trois semaines après les attentats, elle sollicite le Fonds de garantie des victimes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), auquel elle déclare avoir été blessée dans la salle de concert parisienne, où elle se serait trouvée avec un ami -un homme réellement décédé sur place, qu'elle présente comme un proche. Elle prétend avoir réussi à s'échapper par une fenêtre en "se faisant un bobo au doigt".

Après avoir réuni un dossier compilant certificats médicaux falsifiés, fausses attestations et faux témoignage, elle réclame 10.000 euros. Mais les juges d'instruction parisiens, pointant des incohérences, saisissent le parquet de Bobigny pour des vérifications.

Ne voyant pas le versement arriver, la fausse rescapée relancera pas moins de sept fois le fonds, évoquant dans ses courriels "blessures", "flash-back" et "dépression". Ce n'est que lors de son placement en garde à vue, mardi 12, qu'elle a admis avoir tout inventé.

"Pourquoi avoir trompé le fonds de garantie? Les policiers? La société?". "J'avais des problèmes, je n'arrivais pas à payer la facture de la clinique, il restait 144 euros à payer. Et puis j'avais des problèmes de loyers impayés, j'ai perdu mon travail" chez Franprix. Réfugiée politique camerounaise arrivée en France en 2007, elle va jusqu'à accuser le fonds de "discrimination".

"On ne peut pas jouer avec la mémoire de 130 personnes pour 144 euros", s'émeut la procureure. "Vous avez pensé à la victime? À sa compagne qui a été appelée six mois après par la PJ (qui cherchait à vérifier la véracité de son témoignage, NDLR)? Cette compagne qui vous a contactée par Facebook pour que vous lui racontiez ce qui s'est passé ce soir-là, et que vous avez envoyée bouler." "Il y a aussi de la morale dans cette affaire très particulière", lance la magistrate avant de réclamer douze mois avec sursis.

"Je ne veux pas jouer sur la mémoire des morts", a répondu la prévenue, concédant que ce n'était "moralement pas bien, malsain d'avoir commis cette démarche". Présentée comme "totalement déphasée" par son avocate, elle lâche sans grande conviction le mot de "honte".

Le tribunal l'a finalement condamnée à six mois avec sursis et lui a demandé de verser 1 euro de dommages et intérêts au Fonds de garantie, partie civile.

Pour Me Jean-François Laigneau, l'avocat du fonds, "l'infraction est moralement intolérable". Les salariés, qui ont déjà indemnisé 2.600 personnes pour un total de 35 millions d'euros, "ont été ébranlés, choqués par son insistance", a-t-il dit.

Une autre jeune femme, âgée de 24 ans, sera jugée à Versailles le 21 novembre pour escroquerie et tentative d'escroquerie. Elle avait prétendu s'être trouvée sur la terrasse du bar Le Carillon, cible des djihadistes le soir des attentats parisiens.

Me Laigneau a précisé que seuls ces deux cas avérés de fraude se retrouvent devant la justice. Mais des "doutes" existent sur d'autres dossiers.

 

À LIRE AUSSI

Image
Attentats Paris 13 nov 2015 Bataclan Fleurs
Attentats de Paris : "Bien entendu qu'on aurait pu éviter le Bataclan" selon Georges Fenech
Le président de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015 estime que les attentats de Paris, et notamment ceux de novembre, n'étaient pas une fat...
06 juillet 2016 - 14:30
Société
Image
Policier décoré cazeneuve attentat Paris bataclan
Bernard Cazeneuve décore un policier héroïque, paraplégique depuis le Bataclan
Un commissaire de police, paraplégique après avoir été blessé au Bataclan lors des attentats du 13 novembre, a reçu mercredi les insignes de chevalier de la Légion d'h...
23 juin 2016 - 12:32
Société
Image
Une rose à la place d'un impact de balle.
Attentats de Paris : des victimes veulent attaquer l'Etat en justice
Dix-sept victimes des attentats du 13 novembre ont mandaté leur avocate pour attaquer la responsabilité de l'Etat. Elles s'appuient notamment sur les failles relevées ...
12 juillet 2016 - 21:30
Société

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
ARA
Décès de ARA, Alain Renaudin, dessinateur de France-Soir
Il était avant toute chose notre ami… avant même d’être ce joyeux gribouilleur comme je l’appelais, qui avec ce talent magnifique croquait à la demande l’actualité, ou...
07 novembre 2024 - 22:25
Portraits
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.