Calais : l'évacuation de la "Jungle" se déroule dans le calme
L'évacuation totale de la "Jungle" de Calais a démarré dans le calme et sur un rythme soutenu, avec le départ d'une quinzaine de cars ce lundi 24 en fin de matinée, une gigantesque transhumance qui n'est pas sans "risque" de l'aveu même du gouvernement. Bien avant le lever du jour, une centaine de migrants, essentiellement des Soudanais, attendait patiemment devant l'entrée. Une heure plus tard, à la sortie de la "Jungle", un groupe de migrants quittait les lieux avec sacs et valises en criant "Bye, bye, Jungle!". Puis la foule, venue à pied du plus grand bidonville de France où vivent 6.000 à 8.000 personnes, a rapidement grossi. Vers 11h00, la file d'attente faisait 200 m de long. Soit "1.500 personnes" selon le président de France Terre d'asile, Pierre Henry. "C'est conforme à ce qu'on pensait, il y a beaucoup de monde", a-t-il dit.
Un premier autocar transportant 50 Soudanais a pris la route de la Bourgogne vers 08h45 (vers les villages de Chardonnay et Digoin). Soit trois quarts d'heure seulement après l'ouverture, devant quelque 500 migrants, du centre de transit installé à 300 m du camp. Seize bus étaient partis à 11h30 de la "gare routière" installée juste derrière le centre de transit, appelé "sas". Soixante cars doivent emmener ce lundi les migrants vers l'un des 451 Centres d'accueil et d'orientation (CAO) ouverts un peu partout en France. Quarante-cinq cars sont prévus mardi 25, 40 mercredi.
"C'est un moment historique, parce que je crois qu'enfin (les migrants) vont pouvoir construire leur avenir d'une meilleure façon", a déclaré la préfète du Pas-de-Calais Fabienne Buccio, chef d'orchestre de l'opération. L'évacuation se déroule "pour l'instant dans le calme et la maîtrise", a commenté le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. "L'objectif est de procéder à la mise à l'abri de ceux qui relèvent du statut de réfugié en France et qui n'ont pas vocation à être dans la précarité, dans la vulnérabilité à Calais", a-t-il rappelé. Toutefois, une brève altercation entre migrants dans la queue, vers 11h30, a manqué de dégénérer et les bousculades et querelles entre migrants se multipliaient.
Quelque 1.250 policiers et gendarmes sont mobilisés à Calais pour veiller à la sécurité de ce mégatransfert: éviter les mouvements de foule, mais aussi empêcher de nuire les militants ultragauche de No Border, partisans de l'abolition des frontières. Les candidats au départ sont répartis en quatre files: adultes seuls, familles, personnes vulnérables et mineurs. Ils doivent décliner nom, prénom, date de naissance et nationalité, mais il n'y a aucun examen de la situation administrative de chacun.
A l'entrée du Centre d'accueil provisoire (CAP) jouxtant la "jungle", plusieurs centaines de mineurs attendaient le départ des migrants majeurs pour obtenir une place. Ils ne sont pas concernés par l'évacuation et vont être hébergés au CAP, constitué de conteneurs, et au centre Jules Ferry. Achram, un adolescent afghan de 17 ans qui vit depuis 10 mois sur la Jungle, revient du hangar où il s'est fait identifier. Il peut désormais rejoindre le CAP où le Home office instruira son dossier pour un éventuel transfert en Angleterre: "S'ils ne me laissent pas passer, je me cacherai illégalement pour tenter à nouveau de me cacher dans des camions. J'ai l'habitude maintenant".
Malgré ce bon départ, la réserve est de mise dans le camp gouvernemental. "Là, ça se passe dans le calme depuis ce matin. On va voir dans les jours qui suivent", a confié Yann Capet, député PS de Calais. Christian Salomé, de L'auberge des migrants, s'est dit "beaucoup plus inquiet pour la fin de la semaine, quand il ne restera que les gens qui ne veulent pas partir et qui veulent persister à rejoindre l'Angleterre". Selon lui, les autorités et les associations sur place estiment que 2.000 personnes sont dans ce cas. "Il y a un certain nombre de résistances", a affirmé de son côté Pierre Henry.
La maire de Calais, Natacha Bouchart (Les Républicains), s'est dite "perplexe". "Nous n'avons aucune garantie, aucun dispositif pour nous confirmer qu'il n'y aura plus ces difficultés par lesquelles nous passons depuis maintenant trois ans", a soutenu Mme Bouchart, qui réclame pourtant ce démantèlement total depuis des mois.
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