Crash en Argentine : Florence Arthaud, la "petite fiancée de l'Atlantique"
Elle avait déjà frôlé la mort par deux fois, avant de finalement se faire rattraper par l'inéluctable, lundi 9 dans le ciel de l'Argentine. Florence Arthaud, 57 ans, pionnière des navigatrices en solitaire et championne au tempérament hors norme, n'est plus. "Demain, on sera tous morts", avait pour devise celle qui avait conquis un monde d'hommes par sa force de caractère, et son surnom de "petite fiancée de l'Atlantique" en remportant la mythique Route du Rhum.
Rien ne prédestinait pourtant cette fille d'une famille bourgeoise parisienne (son père est éditeur) à suivre cette voie. C'est un accident de la route, sa première expérience de la mort, à 17 ans, qui la mène sur ce chemin. Après un coma dont elle ressort paralysée et deux longues années de rééducation ("la chance de ma vie", dira-t-elle rétrospectivement), elle choisit le bateau. "C'est tout ce que je pouvais faire", car tous les autres sports lui étaient interdits suite à son accident, relate Le Monde.
Poussée par son père, avec lequel elle débute sur le voilier familial, la jeune "Flo" avance à toute vapeur et se révèle extraordinairement douée. A tel point qu'elle est sélectionnée pour prendre le départ de la toute première édition de la Route du Rhum en 1978, ralliant Saint-Malo à Pointe-à-Pitre, qui est un peu la Coupe du monde à la voile, ayant lieu tous les quatre ans. Mais la gamine qui vient de fêter ses 21 ans et qui était encore en rééducation à peine deux ans plus tôt, ne se laisse pas impressionner et, avec une jolie 11e place (sur 24 participants), elle fait une entrée fracassante dans la cour des grands.
Le respect, même des plus sceptiques, elle le conquiert en se déroutant, en 1986, pour sauver un autre marin tombé à l'eau pendant la tempête, toujours pendant une Route du Rhum. Au milieu d'une houle énorme et de vents monstrueux, Florence parvient à rejoindre le Royale-II de Loïc Caradec, mais trop tard: le catamaran flotte retourné, son maître introuvable.
Puisqu'il était écrit que la Route du Rhum serait le fil rouge de sa vie sportive, elle revient à la charge en 1990, pour cette fois remporter, face à ce qui se fait de mieux dans le genre, la victoire finale. Avec 8 heures d'avance sur Philippe Poupon, le tenant du titre, et dans une édition qui a notamment vu abandonner Loïc Peyron, Florence devient la première femme à remporter cette course. Un peu plus tôt la même année, elle avait battu le record de la traversée de l'Atlantique Nord détenu par Bruno Peyron (le frère de).
Mais la voile ne suffit pas à résumer Florence Arthaud, une passionnée un peu bohème qui a tout sacrifié au bateau. "J'ai eu une vie de patachon et d'aventurière", revendique ainsi celle qui reconnaît toutefois s'être assagie à la naissance de sa fille Marie (aujourd'hui âgée de 22 ans). Parfois chanteuse, comme sur le titre Flo, avec Pierre Bachelet, en 1989, ou encore quelques heures en garde à vue pour avoir pris le volant après une soirée arrosée en 2010. Autant d'anecdotes révélatrices de l'envie de cette femme de croquer à pleines dents cette vie qui a failli lui échapper.
Une vie qui croise régulièrement la route de la mort. Comme en 2011 lorsque, alors qu'elle a arrêté la compétition après avoir échoué à participer à une dernière Route du Rhum, elle tombe de son bateau en pleine mer. Alors qu'elle se soulage par-dessus le bastingage, comme son père le lui a appris à ses débuts, une vague la fait basculer. "J'ai vu mon bateau partir, avec mon chat, seul à bord", raconte-t-elle plus tard au Télégramme. Seule au milieu des flots, surtout. La terre la plus proche, le Cap Corse, est à près de 15 kilomètres de là… "Ce n'était pas mon jour, il y a eu un vrai miracle", et, grâce à un téléphone portable étanche acheté juste avant son départ, Florence parvient à prévenir ses proches, qui alertent les secours qui la retrouvent grâce à la géolocalisation de l'appareil. Elle s'en sort choquée, mais encore une fois saine et sauve.
Cet été, une course à la voile imaginée pour les femmes et par une femme partira de Marseille. Le dernier legs, posthume, de Florence à la cause des navigatrices pour laquelle elle a tant fait. Elle comptait y participer.
(Voir ci-dessous la victoire de Florence Arthaud à la Route du Rhum 1990):
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