El Mouadan, annoncé mort en Syrie, proche d'un kamikaze du Bataclan
Le djihadiste français Charaffe El Mouadan, dont les Américains ont annoncé la mort en Syrie, mardi 29, était proche d'au moins un des kamikazes du Bataclan, Samy Amimour, sur lequel il exerçait un ascendant.
Selon le Pentagone, ce Français a été tué le 24 décembre. Washington le présente comme "lié directement" à Abdelhamid Abaaoud, le djihadiste belge soupçonné d'être l'organisateur des attentats du 13 novembre à Paris, et affirme qu'il "préparait activement d'autres attaques" au nom de Daech. Une source française est moins affirmative: "en l'état, rien ne permet d'affirmer son implication" dans ces attentats, les plus meurtriers jamais commis en France. Mais, sans évoquer de liens établis avec Abaaoud, cette source relève qu'El Mouadan, 26 ans, était un ami d'Amimour. Le pavillon blanc de la famille El Mouadan à Drancy, au nord de Paris, a d'ailleurs été perquisitionné quatre jours après les attaques, selon une source proche du dossier.
Mardi les volets du pavillon étaient baissés et la famille refusait de s'exprimer devant la presse. "On l'a connu enfant, c'est trop dur", dit une voisine. "Il avait l'air très calme", ajoute une autre habitante du quartier, Rosa, 23 ans, qui parle d'une famille "discrète, sans histoire" et sans "signe apparent de radicalisation".
El Mouadan et Amimour avaient été arrêtés mi-octobre 2012 avec un troisième habitant de Drancy, Samir Bouabout: ils projetaient de partir combattre, au Yémen ou en Afghanistan, via la Somalie. Dans le trio, visé par un mandat d'arrêt depuis octobre dernier, l'ascendant était clairement exercé par El Mouadan, se souvient une source proche de l'enquête de l'époque.
Dernier d'une fratrie de huit enfants, ce fils d'un mécanicien est né à Bondy de parents marocains. C'est dans le pavillon familial que le jeune homme semble basculer dans l'islamisme radical, en "surfant" sur internet. Un mode d'initiation "virtuel" qui semble avoir été celui d'Amimour et de Bouabout. Selon un proche entendu par les services antiterroristes, El Mouadan, qui a grandi dans une famille pratiquante, n'était "au départ, pas trop religion" avant d'en adopter une "vision extrémiste". Il ne fréquentait pas de mosquée particulière, selon ce témoignage rapporté à l'AFP par une source proche du dossier.
Le maire de Drancy Jean-Christophe Lagarde a toutefois évoqué mardi le rôle d'un "recruteur qui fréquentait la mosquée du Blanc-Mesnil", commune voisine. En mars 2012, El Mouadan, Amimour et Bouabout s'inscrivent dans un club de tir sportif, pour s'aguerrir, reconnaîtront-ils. El Mouadan contracte un prêt à la consommation de 20.000 euros pour financer le périple avorté. Mais après le coup de filet d'octobre 2012, il affirme aux enquêteurs avoir abandonné tout projet de djihad, préférant opter pour une "hijra", une immigration en terre d'islam avec pour but affiché de parfaire ses connaissances en arabe.
Il semble d'ailleurs avoir brièvement séjourné en Tunisie comme Bouabout, selon une source proche du dossier. Le projet "yéménite" avait échoué en raison du manque de contacts et d'une mauvaise maîtrise de l'arabe. Les trois hommes sont mis en examen mais laissés libres. Un an plus tard, ils sont en Syrie: El Mouadan part le premier. Rapidement suivi par Bouabout et Amimour, repérés en Turquie le 6 septembre 2013. Ils sont accompagnés d'Omar Mostefaï, autre kamikaze du Bataclan.
Auprès de ses proches, El Mouadan invoque la dimension "humanitaire" du séjour syrien. Mais il incite en vain un de ses aînés à le rejoindre et envoie à un autre des photos de lui souriant et armé, rapporte une source proche du dossier. Selon cette source, Mostefaï, Amimour, Bouabout et El Mouadan ont pu rester dans le même secteur en Syrie. Les deux premiers sont morts au Bataclan. Après avoir cru qu'il pouvait être passé en Grèce en septembre, les enquêteurs sont convaincus que Bouabout était en Syrie au moment des attaques.
Quel rôle a joué El Mouadan? Selon un témoin, au Bataclan, avant l'assaut policier, l'un des assassins a demandé à son comparse s'il comptait appeler "Souleymane". Agacé, son complice lui aurait répondu qu'ils allaient terminer l'opération "à leur sauce". "Abou Souleymane" (le père de Souleymane) est la "kounya" (surnom) qu'utilisait El Mouadan en Syrie et sur son compte Twitter, suspendu. Mais c'est un prénom commun. Les enquêteurs travaillent notamment sur un autre "Abou Souleymane", qui serait un Belge.
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