Etats-Unis : Justice, le cheval qui avait porté plainte pour maltraitance a été débouté

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Jean-Marc Neumann, édité par la rédaction
Publié le 10 octobre 2018 - 14:33
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Une balance de la justice
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© LOIC VENANCE / AFP
La justice américaine a décidé de débouté le cheval Justice qui avait porté plainte pour maltraitance.
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La justice américaine a finalement décidé de rejeter la plainte déposée en mai dernier par les représentants d'un cheval maltraité par ses propriétaires. Jean-Marc Neumann, juriste chargé d'enseignement en droit de l'animal à l'université de Strasbourg, explique pour France-Soir pourquoi la procédure n'a pas abouti et surtout quel était l'objectif des plaignants.

Dans un précédant article pour France-Soir, j’évoquais la procédure engagée le 1er mai 2018 devant le tribunal du comté de Washington dans l’Etat de l'Oregon aux Etats-Unis par l'Animal Legal Defense Fund (ALDF) au nom d’un cheval dénommé Justice. Pour mémoire l'aminal réclamait 100.000 dollars à son ex-propriétaire, Gwendolyn Vercher, en réparation du préjudice subi par suite de la négligence dont il a été victime.

Afin d’obtenir gain de cause, le demandeur fondait sa procédure sur deux principes juridiques reconnus dans l’Orego: celui selon lequel les animaux peuvent être considérés comme des "victimes" et celui selon lequel les victimes d’une infraction peuvent engager une action en réparation de leur préjudice. Ce qui, sur le plan juridique, était "nouveau" en l’espèce c’était de combiner les deux principes et de faire en sorte qu’un animal puisse être dédommagé de son préjudice.

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Dans son "Opinion" (avis) qu'il a notifié à l’avocat du demandeur en date du 17 septembre (faisant suite à une audience qui s’est tenue le 14 septembre) et dont j’ai pu me procurer une copie, le juge John S.Knwoles du département de la Justice de l’Oregon (Circuit Court Washington County) estime que la demande du cheval Justice doit être rejetée.

Dans cette dernière le juge, après avoir rappelé que la question soulève des questions très importantes au niveau de l’état de l’Oregon et peut-être même au niveau national, fait droit à la requête de la défenderesse (Mme Vercher) selon laquelle la demande doit être rejetée en l’absence pour le demandeur (Justice) de qualité à agir.

Le juge poursuit en déclarant qu’un "animal non-humain" tel que Justice ne bénéficie pas d’un statut juridique ou des qualités nécessaires au soutien de droits et obligations juridiques devant un tribunal.

Le juge Knowles estime qu’une décision judiciaire selon laquelle un cheval, ou tout animal non humain, est une "entité légale" (personne juridique) qui a le droit de faire valoir une demande devant un tribunal entraîne des conséquences importantes. Une telle conclusion, selon lui, conduirait probablement à un véritable déluge de procédures judiciaires par lesquelles des animaux non-humains pourraient faire valoir les revendications que nous réservons actuellement aux êtres humains et aux "créations humaines" telles que les entreprises et autres entités.

Et le juge ajoute (l’un des arguments juridiques classiques lorsque l’on entend revendiquer des droits) qu’un animal non-humain est incapable d’accepter des obligations juridiques.

Le juge reconnait toutefois qu’une Cour d’appel pourrait conclure différemment si elle entrait dans ce débat de politique publique impliquant l'évolution des droits des animaux.

Il évoque également la possibilité pour la législature de l’Oregon de mettre en balance les implications en termes de politique publique d’une telle demande et de concevoir une législation qui accorderait à un animal le droit de réclamer réparation de son préjudice dans des cas spécifiques, tels que celui-ci, où l'animal a été maltraité et a subi un préjudice.

Le juge Knowles conclut en déclarant que le tribunal saisi est incapable de faire ce "saut",entendu au sens juridique et sociétal.

Le juge conclut toutefois son "Opinion" par des propos qui méritent d’être cités et qui sont encourageants d’un certain point de vue: il rejette la demande de condamnation du demandeur à supporter des frais d’avocats car il reconnait qu’il y a en l’espèce un fondement objectivement raisonnable à la procédure en négligence alléguée au nom de Justice.

Il déclare que le problème en l’espèce est qu’il n’existe pas de procédure adéquate pour le demandeur (le cheval) lui permettant d’avoir accès à la justice.

Il reconnait que l’avocat du demandeur a été très "créatif" pour tenter, sans succès toutefois, de surmonter cet obstacle et qu’en conséquence ce ne serait pas rendre justice que de condamner le demandeur à supporter les frais d’avocats de la défenderesse). 

La décision qui vient d’être rendue n’est pas surprenante et d’ailleurs l’ALDF ne s’attendait pas à une autre conclusion. L’objectif, par des arguments juridiques solides et audacieux, était de chercher à faire bouger les lignes en interpellant les juges sur la question de la personnalité juridique des animaux et de leur droit à obtenir réparation d’un préjudice.

Le juge a néanmoins reconnu que la procédure n’était pas abusive ("frivolous claim") et qu’une Cour d’appel pourrait parvenir à une conclusion différente. Eu égard aux implications considérables qu’une décision contraire aurait pu générer, il a préféré rejeter la demande en se fondant sur des arguments classiques (le cheval ou tout autre animal non-humain ne peut être débiteur d’obligations).

Voir:

Fudji, chien martyr symbole de la lutte contre les actes de cruauté envers les animaux

Plan Ours: difficile conciliation entre préservation de l’espèce et maintien des activités humaines 

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