Harcèlement sexuel : deux gendarmes condamnés à 6 et 8 mois de sursis
Six et huit mois de sursis, une interdiction d'exercer: la justice a condamné ce mardi 12 deux gendarmes pour avoir harcelé sexuellement une collègue, ce qui pourrait "libérer la parole" au sein de l'armée, veut croire l'avocate de la jeune femme.
L'adjudant Julien G., le plus gradé et le mieux noté, a écopé de la peine la plus lourde, huit mois avec sursis, et 2.500 euros de dommages et intérêts, mais sans interdiction d'exercer. Le parquet en avait requis une, de cinq ans. Le maréchal des logis chef Ludovic F. a lui été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à six mois de prison avec sursis et 1.500 euros de dommages et intérêts. Comme le demandait la procureure, qui avait souligné son "habitude ancienne" de tenir des propos "particulièrement grossiers" aux femmes, il a aussi écopé d'une interdiction définitive d'exercer. Ludovic F. a en revanche été relaxé en ce qui concerne une accusation plus grave, celle d'avoir menacé la jeune plaignante de son arme de service. Pour ce qui concerne les peines, le tribunal n'a pas suivi le parquet, qui avait demandé un an avec sursis, sans faire la différence entre les deux hommes.
L'avocate de Marie (son prénom a été modifié, NDLR), s'est malgré tout dite "très satisfaite". "Aujourd'hui dans la +Grande muette+ le silence c'est terminé, la parole est libérée", a dit Me Élodie Maumont, lançant: "Quel combat, quel combat long et douloureux!". Marie avait à l'audience accablé ces deux gradés de la brigade de Joigny, sur les bords de l'Yonne, où elle a travaillé d'octobre 2012 à novembre 2013.
"Ça te dit un plan à trois?" dans une voiture de patrouille aux sièges tachés de sperme; "Fais-moi une pipe"; "Les Réunionnaises, elles sont chaudes, montre-moi ce que tu sais faire". Sans compter des "gémissements" sur son passage, ou un geste obscène mimé avec une matraque... "C'était normal, c'était habituel", avait-elle dit. Elle travaille désormais en région parisienne.
Jacques Bessy, président de l'Association de défense des droits des militaires (Adefdromil), partie civile, a lui parlé de peines "exemplaires", et d'un "message très clair aux harceleurs qui servent dans l'armée". Il a balayé l'argument de la défense, à savoir que les gendarmes étaient dans le registre de la plaisanterie de mauvais goût: "Tous les harceleurs disent que c'était pour mettre de l'ambiance". "Qu'on oblige des jeunes femmes à faire la bise à dix, quinze hommes tous les matins, c'est inadmissible", a estimé M. Bessy.
Lui comme Me Maumont se sont étonnés du fait qu'aucune interdiction d'exercer n'ait été prononcée contre le plus gradé des gendarmes, tout en rappelant que la procédure disciplinaire interne n'était pas terminée. La porte-parole de la gendarmerie, le lieutenant-colonel Karine Lejeune, n'a pas souhaité commenter la décision de justice. Mais, a-t-elle assuré, "la gendarmerie nationale applique la tolérance zéro pour ce type d'agissements et des sanctions disciplinaires sont actuellement à l'étude". "Depuis mars 2014, la gendarmerie a déployé un dispositif de signalement des discriminations pour libérer la parole", a-t-elle ajouté.
L'avocate de Ludovic F., Me Véronique Costamagna, a estimé qu'il y avait dans la gendarmerie un "apprentissage (à faire) des deux côtés", hommes et femmes, ces dernières devant selon elle "s'abstenir de faire référence à leur féminité" au travail. Me Costamagna a dit qu'elle comptait réfléchir avec son client, qui reconnaît avoir eu des propos "inadaptés", à la possibilité de faire appel.
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