La "contagion" terroriste frappe une Europe en crise

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 28 juillet 2016 - 18:03
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Une rose à la place d'un impact de balle.
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©Pascal Rossignol/Reuters
Les attentats successifs revendiqués par Daech frappent une Europe déjà en proie aux divisions.
©Pascal Rossignol/Reuters
En moins de 15 jours, la France et l'Allemagne ont connu chacune deux attaques revendiquées ou inspirées par l'idéologie djihadiste. Tuerie de masse ou opérations ciblées, ces attentats restent extrêmement difficiles à décrypter mais se produisent dans une Europe affaiblie et en pleine crise existentielle.

Armés d'un camion, d'une hache, d'une bombe ou de couteaux, les tueurs de Nice, Wurtzbourg, Ansbach et Saint-Etienne-du-Rouvray ont suivi à la lettre les appels de l'organisation Etat islamique, exhortant ses troupes à "tuer les mécréants de n'importe quelle manière".

Ce "terrorisme de proximité" comme l'a qualifié le procureur de Paris François Molins, dont la fréquence augmente dangereusement et dont les auteurs présentent des profils très divers, peut faire "contagion", s'inquiètent des experts, et frappe des pays en proie au doute.

Réfugiés, Brexit, montée du populisme et crispations identitaires... L'Europe est en crise, et les attaques ont frappé les deux pays moteurs du continent européen: l'Allemagne, qui a accueilli plus d'un million de réfugiés, majoritairement syriens, depuis 2015, et la France, pays qui compte la plus importante communauté musulmane d'Europe.

"L'environnement actuel n'aide pas. Il est possible que le climat négatif que nous connaissons en Europe renforce la tendance violente de certaines personnes", estime Emily Winterbotham, chercheuse à Londres au Royal United Services Institute for Defence and Security Studies.

"Il faut rester très prudent car les motivations et implications de chacune de ces attaques sont très différentes", souligne-t-elle. "Mais il semble qu'il y a une propension grandissante à l'utilisation de la violence, pour quelque raison que ce soit", dit-elle.

"Contagion est un mot fort", estime de son côté Tahir Abbas, spécialiste de la radicalisation au sein du même centre de recherches Rusi. "Mais nous sommes clairement à un point de bascule", poursuit-il, en évoquant la crise des migrants, le séisme provoqué par la décision des Britanniques de quitter l'Europe, et la crise économique qui frappe les pays du continent.

"Nous devons prendre du temps, réfléchir, décomposer, essayer de comprendre comment nous en sommes arrivés là", insiste de son côté le psychanalyste français Roland Gori, qui a pris l'initiative il y a quelques années d'un appel pourfendant l'idéologie néolibérale.

"Les démocraties ciblées par Daech incarnent les Lumières, la morale, la liberté, mais ont aussi leur face sombre: la religion du marché, l'égoïsme, l'individualisme forcené...", estime-t-il. Même si certains des attentats peuvent être idéologiquement motivés, voire commandités par l'EI, les experts s'inquiètent aussi de l'effet d'émulation qu'ils peuvent susciter.

"Psychologues et politologues réfléchissent depuis longtemps aux liens" entre terrorisme et couverture médiatique, rappelle le Dr Michael Jetter, chercheur à l'université de Western Australia. Il a effectué des recherches sur ce thème en étudiant les attaques terroristes perpétrées dans le monde depuis 1970, environ 60.000.

"D'après les résultats préliminaires de mes recherches, il y a un rapport de cause à effet entre une importante couverture médiatique et davantage de terrorisme", indique-t-il. "Si vous vous placez du point de vue d'une organisation terroriste, une importante résonnance médiatique est exactement ce que vous voulez".

"Toute la couverture accordée à ces attaques peut encourager des copycats" (infraction inspirée par une autre), des individus qui reproduisent les actes violents dont tout le monde ne cesse de parler", avertit-il.

Ce débat a d'ailleurs commencé en France, plusieurs médias renonçant à publier les photos des auteurs d'attentats, voire à citer leurs noms, afin d'éviter toute glorification posthume et de ne pas tomber dans le piège de la propagande de l'EI.

 

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