Le Bourget : la construction du métro règle le problème d'une mosquée salafiste
Depuis son installation en 2010 dans un bâtiment industriel en tôle, à côté de la gare RER de cette commune au nord de Paris, la mosquée Al-Imane vivait sous la menace d'une fermeture. Le sénateur-maire UDI Vincent Capo-Canellas ne voyait pas d'un bon œil l'arrivée d'un deuxième lieu de culte musulman dans sa ville de 15.700 habitants, où le prédicateur controversé Nader Abou Anas donnait régulièrement des conférences.
Chaque vendredi affluaient un bon millier de fidèles en tenue traditionnelle, débarqués du train ou venus en voiture de tout le département.
Dès 2010, le maire avait pris un arrêté de fermeture au motif que les conditions de sécurité n'étaient pas réunies pour accueillir autant de monde. La justice administrative lui avait donné raison, mais la mosquée avait continué à prospérer.
Fort opportunément, l'emplacement de la mosquée sur le site de la future gare du Grand Paris Express, le réseau de métro automatique en rocade autour de la capitale, a fourni aux autorités un motif de fermeture incontestable.
Depuis les attentats de novembre, deux mosquées en banlieue parisienne et une près de Lyon ont été fermées pour cause de radicalisation, dans le cadre de l'état d'urgence. Ce qui n'est pas le cas au Bourget où cette "expulsion locative", selon la préfecture de Seine-Saint-Denis, est l'aboutissement d'une procédure engagée mi-2014 par le propriétaire du bâtiment, racheté par l'Établissement public du Grand Paris.
Le préfet a reçu les représentants de l'Association culturelle des musulmans des deux rives, qui gérait la mosquée, en février et mars "pour les inciter à trouver rapidement un nouveau local", soulignent les autorités.
De leur côté, les responsables de la mosquée avaient demandé de pouvoir rester jusqu'à la fin du ramadan début juillet mais la justice a refusé car le temps presse: les travaux de construction de la gare des lignes 16 et 17 du métro doivent commencer au plus tard en juillet.
"Le maire n'a jamais accepté cette mosquée. On a essayé par tous les moyens de trouver un autre endroit, mais il était fermé à toute discussion", déplore M'hammed Henniche, de l'Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM 93), dont la mosquée Al-Imane était adhérente. "Sachant qu'il y a une surexploitation des lieux de prière dans le voisinage, où les fidèles vont-ils prier?", s'interroge-t-il.
Le Grand Paris est-il un prétexte pour fermer une mosquée qui, selon plusieurs sources, était surveillée par les services de renseignements pour sa "radicalité" supposée et où, selon ses parents, le kamikaze du Bataclan Samy Amimour venait prier? "Ce n'est pas à ce titre que l'expulsion a eu lieu, ça n'a rien à voir avec la radicalité de cette association cultuelle", a assuré M. Capo-Canellas à l'AFP.
Selon le maire, les responsables de l'association "sont venus troubler les musulmans du Bourget" dont la plupart prient à la mosquée Al-Irchad, en service depuis 2007 et dont le local trop exigu ne peut recevoir plus de 700 fidèles. "Notre mosquée s'inscrit dans un cadre républicain", affirme son responsable Mouloud Benzaoui, qui met en avant ses "bonnes relations avec la préfecture et le maire".
Mais pour M'Henniche, la "focalisation" du gouvernement sur le "salafisme" a pour effet de renforcer les Frères musulmans, qui disposent de plus de soutiens institutionnels. Au Bourget, "on ferme une mosquée salafiste et on pousse les fidèles à fréquenter une mosquée gérée par les Frères musulmans, or les musulmans ne veulent ni l'un ni l'autre, mais pratiquer un islam français", assure-t-il. Rencontré aux abords d'Al-Imane, un fidèle dont le fils fréquente l'école coranique commente: "c'est malheureux, ici c'est calme, on n'embête personne".
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