Mayotte : plus d’un millier d’étrangers expulsés de chez eux par des collectifs de Mahorais
Plus d’un millier d’étrangers, pour la plupart des Comoriens en situation régulière ou non, ont été expulsés depuis janvier de leur domicile par des collectifs d’habitants de diverses communes de Mayotte, qui les accusent de "vols, agressions et meurtres".
Ces chiffres ont été communiqués mercredi à l'AFP par l’antenne mahoraise de la Cimade, association nationale de défense des droits des étrangers.
Les premières expulsions, annoncées à l'avance, ont eu lieu dans le sud de l’île, mais d’autres opérations sont prévues dans le nord. A chaque fois, d’importants dispositifs de gendarmerie sont mis en place pour contenir d'éventuels débordements.
Le modus operandi est toujours le même: des résidents d’une commune, rassemblés en collectif, diffusent des tracts annonçant les expulsions à venir et appelant à des actions "contre l'immigration clandestine" ou contre les "étrangers", que les collectifs accusent de "vols, agressions et meurtres au quotidien", d’occupation illégale des terrains, et d’être responsables des "écoles surchargées" et du "système de santé débordé" de l'île.
Mayotte, qui compte 40% d’étrangers, connaît une forte pression migratoire des îles voisines des Comores, ce qui contribue aux tensions communautaires. L’Etat a reconduit à la frontière plus de 18.000 personnes en 2015. En outre, l’immigration clandestine a un impact sur le système de santé et les écoles de Mayotte, complètement saturés.
Parmi ces expulsés figurent des clandestins, mais également des étrangers en situation régulière.
Mounira, Comorienne en situation régulière habitant Bouéni (sud de l’île) depuis 2002, raconte ainsi à l'AFP avoir été chassée de chez elle dimanche. Des individus ont détruit la porte de sa maison au pied de biche et lancé des cailloux sur son habitation, tout en criant "Qu’ils partent!" en shimaoré, la langue locale.
"J’ai un titre de séjour pour 10 ans, je travaille en CDI, mon bail est en règle, je ne comprends pas", explique, encore sous le choc, Mounira, qui s’est réfugiée avec ses trois filles et son mari chez son ancien employeur.
Plus de 500 "expulsés" se sont réfugiés place de la République à Mamoudzou (chef-lieu de l'île), où ils sont pris en charge par des associations mahoraises mais également par la Cimade et la Croix-Rouge, qui tentent de les reloger et de rescolariser les enfants.
Depuis dimanche, ces familles dorment dehors. Nombreux ont été les habitants à venir leur apporter nourriture, médicaments et soutien. Le recensement étant en cours, la proportion de personnes en situation irrégulière parmi les "décasés" de la place de la République n’est pas encore connue.
La préfecture, qui "condamne fermement ces expulsions", a rencontré mardi l’association des maires pour "traiter le mieux possible les personnes chassées de leur habitation", a indiqué à l'AFP la directrice de cabinet du préfet. "Chaque personne qui a un titre de séjour bénéficie d’un certificat d’hébergement (un garant qui accepte d’héberger le demandeur de titre de séjour, ndlr). Nous en appelons donc à la responsabilité de chacun", a-t-elle déclaré.
Dans un communiqué publié mardi soir, les ministères de l'Intérieur et des Outre-mer ont condamné "les violences commises" et rappelé que les individus impliqués auront à rendre des comptes à la justice.
Selon ce communiqué, 822 policiers et gendarmes sont mobilisés à Mayotte pour "mettre fin à ces exactions inadmissibles" et 76 policiers supplémentaires seront affectés à la lutte contre l'immigration clandestine. Un plan d’action contre l'insécurité et l'immigration clandestine devrait en outre être présenté à la fin du mois à la demande de Manuel Valls.
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