Mort d'un SDF à Paris : "on essaye de gérer l'urgence plutôt que d'agir sur les causes"

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Propos recueillis par Pierre Plottu
Publié le 22 janvier 2016 - 17:24
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Un sans-abri à Paris.
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©Michel Euler/Sipa
Si le déficit d'accueil d'urgence est une réalité, Matthieu Hoarau tient à souligner que "l'idée reçue qu'on déroulerait le tapis rouge aux migrants au détriment de +nos pauvres+", est fausse.
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Un SDF a été retrouvé mort, tué par le froid, jeudi à Paris. Un problème qui n'est "malheureusement pas nouveau", rappelle Matthieu Hoarau, responsable des questions d'accueil d'urgence pour le Secours catholique, pour "FranceSoir". Si ce drame met en lumière le problème du manque d'hébergement d'urgence, il n'en faut pas moins agir sur les racines du mal, dit celui qui souligne que les associations "s'alarment toute l'année de l'état d'urgence social".

Le décès d'un SDF, retrouvé mort de froid jeudi 21 à Paris, relance le débat sur le rôle des pouvoirs publics pour aider les exclus vivant dans la rue et met en lumière le manque de places d'accueil d'urgence. "Chaque année l'émotion saisit les citoyens et les élus sur ces enjeux au moment de l'hiver. Mais le problème est vrai toute l'année", souligne toutefois Matthieu Hoarau, chargé de projet "de la rue au logement" au Secours catholique, contacté par FranceSoir.

Pour ce spécialiste de la question, "le vrai problème c'est qu'on essaye de gérer l'urgence plutôt que d'agir sur les causes, ce qui ne règle rien". Interview.

Un SDF a été retrouvé mort jeudi à Paris, tué par le froid. Il avait pourtant fait de nombreuses demandes d'hébergement, sans succès. Comment cet homme a-t-il pu être abandonné ainsi?

"Ce n'est malheureusement pas nouveau. Chaque année l'émotion saisit les citoyens et les élus sur ces enjeux au moment de l'hiver. Mais le problème est vrai toute l'année. Avec la crise du logement, de plus en plus de personnes sont à la rue, ce qui conduit à l'explosion des demandes d'accueil d'hébergement d'urgence. Parmi ces exclus on retrouve beaucoup de familles monoparentales, ce qui est plutôt un fait nouveau. La conséquence est que les personnes seules, et encore plus les hommes seuls, sont encore plus exclus des structures d'urgence.

"Aujourd'hui, environ une personne sur deux qui appelle le 115 (le numéro d'urgence géré par les associations du SAMU social, NDLR), quand elle arrive à les joindre, ce qui est une vraie gageure, n'obtient pas de solution d'hébergement. C'est malheureusement ce qui est arrivé dans le cas du SDF retrouvé mort jeudi à Paris. Ce +parcours du combattant+ peut mener à renoncer à faire appel au SAMU social, aux 115 ou aux structures d'hébergement. Mais le vrai problème c'est qu'on essaye de gérer l'urgence plutôt que d'agir sur les causes, ce qui ne règle rien".

Avec le froid qui commence à s'installer, craignez-vous que la situation n'empire dans les prochaines semaines?

"Oui, encore une fois malheureusement. Mais il faut rappeler que ce n'est pas en hiver qu'il y a le plus de décès dans la rue, mais plutôt au début de l'été, en juin, notamment du fait de la chaleur, de problèmes de santé ou encore des suicides. Nous au Secours catholique, ainsi que nos partenaires, nous nous alarmons toute l'année de l'état d'urgence social. Les autorités augmentent le nombre de place chaque année, prévoient des places spécifiques durant l'hiver, mais pas suffisamment, et, surtout, ne se saisissent pas véritablement de la question du logement abordable, de la prévention des expulsions, ou encore de l'accompagnement des personnes exclues, pour qu'elles puissent rebondir".

Comment est-il possible, au XXIe siècle, en France, que de nombreuses personnes sans logis meurent chaque année dans la rue? Que faire?

"Il faudrait des places toute l'année, dans des structures pérennes, permettant un accueil inconditionnel et un accompagnement social jusqu'à la réinsertion. Ce serait moins cher sur le long terme, car plus efficace que de mettre des fonds pour répondre toujours dans l'urgence, et plus humain.

"Beaucoup d'élus veulent agir mais sont contraints par un certain nombre de nos concitoyens qui ont des peurs vis-à-vis des personnes dans la précarité, et ne veulent pas que des structures d'accueil soient installées près de chez eux par exemple. Dans le contexte de ces derniers mois, s'y ajoute l'idée reçue qu'on déroulerait le tapis rouge aux migrants au détriment de +nos pauvres+. En Ile-de-France, le préfet de Région a annoncé +que personne ne prend la place de personne et qu'il n'y aura pas de passe-droits dans l'hébergement des réfugiés+. Il faut ainsi que les migrants, comme les autres, aient un accès aux dispositifs de droits commun".

 

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