Pédophilie : le cardinal Barbarin soutenu par le Vatican
Le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, se retrouve fragilisé pour n'avoir pas réagi assez tôt à une ancienne affaire de pédophilie, mais le Vatican lui a apporté son soutien, estimant qu'il gérait le dossier "avec beaucoup de responsabilité". Monseigneur Barbarin "n'a absolument pas pris d'initiatives pour couvrir (les faits incriminés), mais il s’est trouvé face à une situation qui remontait à des années auparavant", a expliqué ce vendredi 19 février le porte-parole du Vatican Federico Lombardi.
Le père Lombardi était interrogé par Radio Vatican sur des propos tenus la veille par le pape François dans l'avion qui le ramenait du Mexique à Rome et qui pouvaient paraître incriminer le prélat français. "Un évêque qui change de paroisse un prêtre alors qu'il sait qu'il est pédophile est un inconscient et la meilleure chose qu'il puisse faire est de présenter sa démission", avait alors dit le souverain pontife.
Le pape François parle à des journalistes dans l'avion le ramenant de Mexico en Italie, le 18 février 2016 Le pape n'était pas interrogé sur l'affaire lyonnaise mais sur un scandale survenu au Mexique. Il n'a pas mentionné l'archevêque de Lyon. Mais l'allusion a semblé claire pour les victimes car le déplacement du prêtre incriminé avait été précisément la réponse apportée par la hiérarchie religieuse aux agissements du père Bernard Preynat.
"Même si la formulation n'est pas tout à fait directe et que le nom du cardinal n'est pas mentionné, il est difficile de ne pas reconnaître qui est visé", a dit Bertrand Virieux, secrétaire de l'association "La Parole libérée", qui rassemble d'anciennes victimes du prêtre. Mais le porte-parole du Vatican a contesté cette interprétation: "Je ne pense pas que cette réponse du pape puisse se référer à ce cas".
Dans l'entourage du prélat, on souligne de même que "cette phrase ne vise en aucune façon Monseigneur Barbarin qui a justement suspendu le père Preynat après avoir rencontré une première victime et avoir pris l'avis de Rome, et ce, avant même qu’une première plainte ne soit déposée". Soupçonné d'agressions sexuelles contre de jeunes scouts il y a plus de 25 ans, le père Preynat, aujourd'hui septuagénaire, a été mis en examen fin janvier.
Il fait l'objet d'une information judiciaire ouverte pour "agressions sexuelles et viols sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité" concernant quatre victimes "pour des faits susceptibles de s'étaler de 1986 à fin 1991". Il y a dix jours, le cardinal Barbarin avait reconnu dans un entretien avec le quotidien La Croix avoir été mis au cours des "comportements" du père Preynat dès 2007-2008.
Il revenait ainsi sur un communiqué de son diocèse publié le 12 janvier affirmant que les premiers témoignages au sujet de ce prêtre avaient été reçus "à l'été 2014". Selon son avocat, le père Preynat a déclaré devant le juge "que les faits étaient connus par les autorités ecclésiastiques depuis 1991", date à laquelle il avait été écarté du groupe scout indépendant qu'il encadrait depuis près de 20 ans.
Philippe Barbarin, 65 ans, primat des Gaules depuis 2002, est l'une des figures les plus éminentes du catholicisme français. Très engagé en faveur des chrétiens d'Orient, mais aussi du dialogue interreligieux, il avait été en pointe dans l'opposition au mariage pour tous, ce qui lui vaut une grande popularité dans les courants conservateurs. Mais "Monseigneur 100.000 volts" -son surnom- séduit au-delà de ces cercles par son énergie joyeuse et ses talents d'évangélisateur.
Sur le site de la revue France Catholique, l'essayiste Gérard Leclerc qualifie de "lynchage" le traitement médiatique de l'affaire Preynat, en soulignant l'"extrême rigueur" de l'archevêque "dans un domaine où il n'a jamais transigé". Le cardinal Barbarin se trouve actuellement en Afrique et ne devrait être de retour à Lyon qu'en fin de la semaine prochaine.
Interrogé par la radio catholique RCF depuis le Burkina Faso, Mgr Barbarin a souligné qu'il fallait pour l'heure attendre les résultats de l'enquête en cours. "Une fois que la situation de la justice sera claire et qu'on verra où on en est, alors on prendra la parole. Pour l'instant j'attends de savoir quelle situation la justice française donne à ce problème extrêmement douloureux", a-t-il dit.
L'affaire reste embarrassante pour l'épiscopat français, qui a mené un grand travail sur la prévention de la pédophilie depuis la condamnation de l'évêque Pierre Pican en 2001 pour non dénonciation des viols sur mineurs commis par un prêtre.
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