Pèlerinage à La Mecque : les mille visages du hajj
Ils sont venus de pays en guerre ou ont dépensé les économies de toute une vie: derrière les quelque 1,8 millions de pèlerins participant au hajj de La Mecque, qui se termine mercredi, se cachent autant de parcours et d’histoires.
>Après le hajj, "la guerre"
Dans quelques jours, Abou Fadel al-Chaouch rentrera dans sa province de Rima au Yémen. Il y retrouvera "la guerre" et "les routes qu’on prend sans savoir si on arrivera à bon port". Comme lui cette année, 20.000 Yéménites ont pu accomplir le hajj et sortir un temps de leur pays où attentats et bombardements tuent chaque jour. Pour venir, l'homme de 43 ans a dû emprunter ces routes pour rejoindre al-Wadia, l'unique poste-frontière encore en service entre le Yémen et l'Arabie saoudite, qui soutient le gouvernement et mène des frappes contre les rebelles chiites Houthis. En tout, Abou Fadel a parcouru un millier de kilomètres en bus. Mais, dit-il, "s'il avait fallu faire la même route sans véhicule, on l'aurait faite à pied". "Un Yéménite ferait n'importe quoi pour accomplir le hajj", assure cet employé du ministère de la Justice.
>"Voir en vrai"
Il y a 40 ans, Talib ul-Haq accomplissait le hajj. A l’époque, âgé de 26 ans, il était l’un des milliers de travailleurs pakistanais employés en Arabie Saoudite. Grâce à ses cinq années de labeur dans le royaume où est né l'islam, il a pu rentrer au pays, se marier et assurer l'avenir de ses six filles. Aujourd'hui, à 66 ans, il revient avec son épouse et les trois plus jeunes d'entre elles. Pour lui, "tout, absolument tout, a changé" à La Mecque. "La première fois, j'étais venu en voiture et je m'étais presque garé à l’entrée des lieux saints", raconte-t-il sur l'une des nombreuses avenues piétonnes qui mènent aux différentes étapes du pèlerinage. 40 ans plus tard, il a fait le déplacement en avion depuis Karachi, un voyage qui lui a coûté plus de 7.500 dollars. Mais, dit l'homme vêtu d’une djellaba bleue et une calotte noire vissée sur son crâne rasé, rien ne vaut le bonheur "de voir en vrai les lieux saints vers lesquels on se tourne pour prier depuis tout petit".
>"Rester humble" au retour
Au Sénégal, Soukaïna Ba mène une vie dynamique et bien remplie, entre son travail de conseillère juridique et ses activités au sein d'une association de femmes juristes. Alors pour "se ressourcer", elle vient régulièrement à La Mecque. A 60 ans, cette élégante mère de famille qui porte un voile blanc à travers lequel transparaissent des boucles d'oreille en or a déjà accompli le hajj plus de cinq fois. Cette année encore, elle est venue avec des amies de son association. Et comme à chaque fois, dit-elle, "on se remet en question, on remet en question beaucoup de choses de la vie matérielle". Le défi maintenant, c'est "de garder au retour à la maison l'humilité qui entre en nous à La Mecque quand nous sommes face à la grandeur d’Allah".
>"On vient ici pour se trouver"
Karim Rfass a 33 ans. Il a grandi dans le sud de la France et est maintenant installé à Dubaï, où il travaille dans l'industrie. Cette année, il a rejoint son père, sa mère et son frère, partis de France. "Il n'y a pas d'âge pour le hajj car on vient ici pour se trouver", explique-t-il, en tenant sa mère par le bras pour remonter une longue avenue au milieu d'une foule bigarrée de pèlerins venus de tous les horizons. Karim affirme qu'il n'a "pas eu de difficultés financières". En revanche, ce pèlerinage lui a demandé "un investissement en terme de temps": pour venir, il a dû demander des vacances à son patron. Mais cela en valait la peine car, pour lui, ce pèlerinage "est un accomplissement de la foi".
>"Au service des lieux saints"
Abdallah al-Ghamdi, lui, n’est pas exactement un pèlerin. Tous les ans, ce médecin saoudien, récemment diplômé, prend des vacances au moment du hajj et se rend à La Mecque, à 250 kilomètres de sa province d’al-Bahah. Mais ce n'est pas pour accomplir les différents rituels que le jeune homme qui porte une petite moustache et d'imposantes lunettes fait le déplacement. Depuis trois ans maintenant, il encadre une dizaine d'élèves infirmiers et médecins, volontaires au sein du Croissant-Rouge saoudien. "C’est très important pour moi d'aider les pèlerins malades ou âgés: c'est ma façon à moi de me mettre au service des lieux saints", dit le jeune homme en uniforme bleu marine et gilet orange fluo.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.