Réouverture du procès d'AZF : 15 ans après, l'explosion fait toujours des victimes
L'explosion de l'usine AZF à Toulouse, le 21 septembre 2001, a eu des conséquences dévastatrices, physiques et mentales, sur des milliers de victimes dont la liste, 15 ans après, s'allonge toujours. L'explosion a fait 31 morts, dont 21 travailleurs et un lycéen. Selon le bilan établi en septembre 2002 par la préfecture, 2.242 personnes ont été blessées. 3.378 accidents du travail avaient été comptabilisés.
En 2007, le nombre de blessés était réévalué à 8.000 par l'Institut national de veille sanitaire (InVs), qui précisait qu'une personne sur quatre se trouvant à moins de 1.700 m de l'explosion avait déclaré avoir été blessée. Selon Total, plus de 4.500 dossiers ont été ouverts pour des dommages corporels, un chiffre contesté par les victimes qui parlent, elles, de 19.000 dossiers au moins. Dès septembre 2002, la préfecture évaluait à 5.000 les consultations médicales pour troubles psychologiques mais reconnaissait que "l'impact est sans doute encore supérieur" car ce chiffre n'incluait pas les personnes qui n'avaient pas consulté.
Dans un rayon d'environ 3 km, "19% des femmes et 8% des hommes ont rapporté une symptomatologie d'état de stress post-traumatique (SESPT), des scores élevés de symptômes de dépressivité et une consommation élevée de médicaments psychotropes", selon un rapport de l'InVs d'octobre 2006. Les enfants ont été particulièrement touchés: dans la même zone, près d'un élève sur trois présentait une SESPT et un sur cinq des symptômes dépressifs, selon un autre rapport de l'Institut, de mars 2006.
Quant aux troubles auditifs, près de la moitié des personnes résidant dans un rayon de 1.700 m se plaignaient d'acouphènes et/ou d'hyperacousie, et un quart de vertiges, deux ans après la catastrophe. Six ans après l'explosion, ils étaient encore respectivement 40% et 20% environ, indique l'InVs dans sa dernière étude, publiée en 2015. Depuis 2001, d'autres décès ont été reconnus "imputables à l'explosion", mais "personne n'a obtenu de chiffre officiel", selon l'Association des sinistrés du 21 septembre. L'InVs a admis que, "parmi les personnes ayant déclaré des séquelles physiques, seulement une sur dix environ a demandé une reconnaissance officielle".
Plus de 15 ans après la catastrophe, "on découvre toujours des victimes", explique Pauline Miranda, présidente de l'Association des sinistrés. Comme Alain Fabresse, 61 ans. Ancien cadre chez Cegelec-Alstom, non loin d'AZF, il a ressenti de plein fouet le souffle de l'explosion. Mais il n'avait aucune séquelle. Ou du moins le croyait-il. "Je n'ai eu des bourdonnements qu'à partir de 2002. On m'a juste dit qu'il fallait souffler par le nez et que ça passerait", raconte-t-il à l'AFP. "Mais les sifflements ont empiré. Ce n'est qu'en 2009 qu'un ORL m'a dit que j'avais un traumatisme dû à AZF". Pour les assureurs de Total, il est cependant trop tard pour réclamer.
"Je ne comprends pas: si j'ai un problème quelques années après, ce n'est quand même pas ma faute". Non répertorié, M. Fabresse a le sentiment d'être une "victime invisible, oubliée". Comme des milliers d'autres, touchés par AZF, il vit avec des acouphènes qui ne lui donnent "aucun répit". "On l'entend toute la journée et la nuit. Quand on est plus de deux, je n'entends plus". Contre la perte d'audition dont il souffre également, il s'est appareillé, à 4.000 euros l'oreille, dont 420 remboursés par la Sécurité sociale et la mutuelle. "Et les appareils doivent être changés tous les cinq ans". Pour tenter d'obtenir le défraiement par l'assurance de Total, comme les victimes qui se sont déclarées peu après la catastrophe, M. Fabresse se fait aider par l'Association des sinistrés. "Des victimes invisibles, il y en a plein", assure sa présidente, Pauline Miranda.
Selon Total, 99% des demandes ont été traitées à l'amiable dans l'année qui a suivi la catastrophe et le reste lors du premier procès, en 2009. Il n'y a aujourd'hui aucun dossier en souffrance, assure le géant pétrolier, qui ne chiffre pas les montants moyens versés aux victimes. Selon l'Association des sinistrés, AON, l'assureur de Total, aurait versé 300 millions d'euros pour les seuls préjudices corporels.
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