Terrorisme : six mois après les attentats de Paris, où en est l'enquête ?
Un réseau tentaculaire, une enquête hors norme: six mois après les pires attentats commis en France, la cellule djihadiste a été en grande partie démasquée mais, face aux zones d'ombre, la justice attend beaucoup des réponses du suspect-clé Salah Abdeslam. Quelles sont les dernières avancées de l'enquête ?
La cellule djihadiste a subi un coup dur avec l'arrestation, le 18 mars dans son quartier de Molenbeek à Bruxelles, de Salah Abdeslam, le dixième homme des commandos. Quatre mois après les attentats de Paris et Saint-Denis qui, le 13 novembre, ont tué 130 personnes et blessé des centaines d'autres. Mais cette arrestation, épilogue d'une longue cavale, n'a pas permis d'empêcher, quatre jours plus tard, une réplique d'un scénario djihadiste dans la capitale belge, qui a causé 32 morts dans un double attentat fomenté par la même cellule.
Kamikazes, soutiens, complices: à ce stade, les enquêteurs ont identifié une quarantaine de personnes dans le réseau franco-belge à l'oeuvre derrière les tueries de Paris et Bruxelles. Une vingtaine de suspects ont été mis en examen ou inculpés en France et, pour la plupart, en Belgique, base arrière du réseau lié au groupe Etat islamique (EI), qui a revendiqué les attentats. Quelles sont les zones d'ombre ? L'identification des commanditaires reste une priorité de l'enquête française, confiée à six juges antiterroristes et assistée par une équipe commune franco-belge.
Le belgo-marocain Abdelhamid Abaaoud, tué dans un assaut du Raid cinq jours après les attentats de novembre, est considéré comme l'inspirateur des attaques. Et le rôle de Fabien Clain, vétéran du djihadisme français parti en Syrie au premier trimestre 2015 et dont la voix résonne dans la revendication audio des attentats, pose toujours question. Qui a donné le feu vert pour frapper la capitale française? Comment ont été recrutés les assaillants? Qui a fourni les armes? Et qui finançait les retours de Syrie?
La recherche du ou des commanditaires, rendue compliquée par les ramifications internationales de l'enquête, a toutefois progressé en Autriche où un Algérien et un Pakistanais avaient été interpellés en décembre dans un centre de réfugiés. Dans leurs relations, celui qui se cache derrière le nom de guerre "Abou Ahmad" intéresse de près les enquêteurs: il est soupçonné d'avoir organisé depuis la Syrie l'arrivée en Europe, avec deux des kamikazes du Stade de France, de ces deux djihadistes, probablement missionnés pour participer aussi aux tueries de Paris.
Que peut révéler Salah Abdeslam ? Seul membre encore vivant des commandos du 13 novembre, Salah Abdeslam doit être entendu le 20 mai par les magistrats antiterroristes. Lors de sa première comparution le 27 avril, quand il a été mis en examen pour assassinats à caractère terroriste après sa remise à la France, il a assuré au juge qu'il allait "s'expliquer ultérieurement", selon son avocat français, Me Frank Berton. Ami d'Abaaoud, il était au coeur de la logistique de l'entreprise meurtrière. C'est lui qui a loué des véhicules et des planques en région parisienne. Et c'est lui qui a déposé trois djihadistes au Stade de France avant d'être exfiltré vers la Belgique. Il a multiplié les voyages en Europe avant les attentats pour convoyer certains membres, notamment Najim Laachraoui, possible artificier du 13 novembre et l'un des deux kamikazes de l'aéroport de Bruxelles. De par son rôle décisif, il peut livrer des informations précieuses.
Mais va-t-il parler? Les déclarations de son avocat belge, Me Sven Mary, le décrivant comme un "petit con" à "l'intelligence d’un cendrier vide", laissent présager qu'Abdeslam va chercher à minimiser son rôle, comme il semble l'avoir fait devant les enquêteurs belges, en assurant avoir fait "machine arrière" alors qu'il devait se faire sauter au Stade de France. "Plutôt un suiveur qu'un meneur", a résumé son avocat.
Que faut-il attendre des autres suspects ? L'arrestation de Mohamed Abrini, petit délinquant radicalisé de Molenbeek, a scellé le lien entre les attaques de Bruxelles et Paris. Inculpé en Belgique, il a reconnu être "l'homme au chapeau" qui a déposé un bagage piégé à l'aéroport bruxellois avant que les deux kamikazes ne se fassent exploser. C'est un autre suspect-clé de l'enquête française: il a été repéré avec les frères Abdeslam peu avant les tueries de Paris, notamment dans le convoi emmenant les assaillants de la Belgique en région parisienne. S'il est visé par un mandat d'arrêt des juges français, son transfèrement n'est cependant pas d'actualité, selon une source proche du dossier. Tout comme d'éventuelles confrontations entre les protagonistes, qui restent pour l'instant difficiles à organiser: hormis deux seconds couteaux en France, les autres inculpés sont actuellement incarcérés en Belgique, en Turquie et en Autriche.
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