Vidéosurveillance : la justice rejette la demande de Salah Abdeslam
Les caméras qui filment Salah Abdeslam 24 heures sur 24 dans sa cellule portent-elles une atteinte grave à ses droits fondamentaux ? Non, ont répondu ce vendredi 15 les juges administratifs en rejetant la requête du djihadiste, qui demandait la suspension du dispositif. Les attentats du 13 novembre, les pires commis en France, "nécessitent la prise de dispositions exceptionnelles en vue de s'assurer contre les risques" d'évasion ou de suicide du seul membre encore en vie des commandos, notent dans leur ordonnance les trois juges des référés (procédure d'urgence) du tribunal administratif de Versailles.
Prisonnier le plus surveillé de France, Salah Abdeslam, 26 ans, est détenu à l'isolement à Fleury-Mérogis (Essonne), la plus grande prison d'Europe, dans une cellule spécialement aménagée, sous la surveillance ininterrompue de caméras, deux dans sa cellule, d'autres dans sa salle de sport et ses cours de promenade. Il s'agit-là d'une "atteinte manifestement grave et illégale à sa vie privée", estime son avocat Me Frank Berton, qui avait demandé lors de l'audience mercredi 13 la suspension de la décision ministérielle du 17 juin qui ordonne sa mise sous vidéosurveillance 24 heures sur 24 et pour trois mois.
Le ténor lillois attaquait aussi l'arrêté pris par le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas le 9 juin 2016, permettant la mise en place d'un tel dispositif. De telles mesures doivent être encadrées par la loi et non par un simple arrêté, avait-il plaidé, s'appuyant sur la Constitution, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme sur le droit au respect de la vie privée et un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Les magistrats ont estimé qu'un arrêté pouvait suffire selon la jurisprudence européenne - d'autant que Salah Abdeslam a pu en prendre connaissance lors d'une procédure "contradictoire" - mais pas selon la loi française. Dans un langage "extrêmement prudent", signale une source judiciaire, ils mettent en cause la décision ministérielle du 17 juin 2016, "prise sur le fondement de l’arrêté du 9 juin 2016, qui serait illégal car méconnaissant la compétence confiée au législateur" par la Constitution.
"Si le tribunal me disait que ce que j'ai fait est sans fondement juridique suffisant, eh bien, je chercherai un fondement satisfaisant, par la loi", avait indiqué mercredi le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas. Pour autant, le seul fait que cet arrêté soit illégal ne suffit pas à établir qu'il y ait "une atteinte grave" à la vie privée de Salah Abdeslam, nuancent les juges. En outre, alors que cette vidéosurveillance constante "rend dingue" Abdeslam, selon sa défense, les magistrats relèvent qu'il n'a "jamais" sollicité la visite d'un médecin, y compris psychiatre, et que le "souci de respect de l'intimité (a été pris en compte) par la pose d'un pare-vue fixé dans la cellule permettant la restitution d'images opacifiées" au niveau des sanitaires. Il n'y avait pas matière à une requête en urgence, concluent les juges, qui siégeaient exceptionnellement à trois au lieu d'un seul.
Arrêté le 18 mars en Belgique après une cavale de plus de quatre mois, transféré en France le 27 avril, Salah Abdeslam a jusque-là refusé de s'expliquer. Selon sa défense, "il ne passe son temps qu'à parler des caméras".
Une visite à Fleury-Mérogis le 29 juin du député LR Thierry Solère avait déclenché la colère de l'avocat du djihadiste. L'élu avait eu accès à la salle de vidéosurveillance d'Abdeslam et décrit ce qu'il avait vu dans Le Journal du dimanche, du brossage de dents à la prière du détenu. "Il n'a plus de vie privée, il a une vie publique", avait déclaré Me Berton lors de l'audience. Interrogé par l'AFP, l'avocat a indiqué qu'il souhaitait "consulter son client pour savoir s'ils allaient former un recours devant le Conseil d'Etat". Mercredi, il avait affirmé qu'il ferait appel si la justice devait rejeter sa requête.
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