Zoophilie : les animaux ne sont pas des objets sexuels

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Lalia Andasmas, édité par la rédaction
Publié le 07 novembre 2018 - 13:41
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Justice.
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© LOIC VENANCE / AFP/Archives
La zoophilie est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende.
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La zoophilie est-t-elle un délit ou une pathologie psychiatrique? La législation française protège-t-elle les animaux de tels sévices? Lalia Andasmas, juriste spécialisée dans le droit animalier, revient en détail pour France-Soir sur les réponses à apporter à la zoophilie.

La zoophilie est le fait d’imposer une relation sexuelle à un animal. Selon le professeur Jean-Pierre Marguénaud, "la zoophilie sur laquelle reposent de nombreux mythes ne fut pas qu’une réalité rurale au Moyen Age qui s’en empara pour instruire de nombreux procès de bougrerie: à l’aube du XXIe siècle, elle existe, dans les milieux urbains, «bien plus qu’on ne le suppose» même si elle «reste encore un sujet tabou[1]»". Depuis ces lignes, le droit pénal a évolué puisqu’il sanctionne par une disposition spécifique la zoophilie. En effet, l’article 50 de la loi n°2004-204 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004[2] a modifié l’article 521-1, al. 1er du code pénal. Cet alinéa dispose: "Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende".

Cet article est le fruit du travail de la Ligue des droits de l’animal qui pendant plusieurs années a tenté de faire évoluer le droit et c’est finalement par le biais d’une militante lyonnaise que la démarche a abouti. Cette dernière s’est rapprochée du député de sa circonscription lequel a rencontré le garde des Sceaux qui a modifié l’article 521-1 du code pénal[3].

Lire aussi - La justice condamne un zoophile pour le viol d'une chèvre enceinte

Avant cette modification, ces actes étaient considérés comme des sévices ou des mauvais traitements[4]. Après l’intervention du législateur, la première décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 4 septembre 2007[5], a été très commentée. En l’espèce, à titre de jeu, le prévenu avait pratiqué une sodomie sur son poney Junior. Il contestait qu’en l’absence de violence, de brutalité ou de mauvais traitements, la pénétration sexuelle sur un animal par une personne puisse être qualifiée de sévices de nature sexuelle. Ce moyen a été rejeté par la chambre criminelle de la cour de cassation. Elle affirme que des actes de pénétration sexuelle[6] commis par une personne sur un animal constituent des sévices de nature sexuelle réprimés par l’article 521-1 du code pénal. Par conséquent, la violence, la brutalité ou les mauvais traitements n’ont pas à être caractérisés. Ainsi la cour de cassation met l’accent sur l’interdiction générale des actes de zoophilie en donnant une définition large du délit de nature sexuelle. D’autres juridictions sont intervenues en la matière[7].

Toutefois l’interprétation du 1er alinéa de l’article 521-1 du code pénal pose des difficultés. Il en est ainsi de la signification de "«la formule sévices de nature sexuelle?»Englobe-t-il, comme pour les victimes humaines d’agressions sexuelles, des actes de nature sexuelle sans pénétration (si oui, lesquels?)? Son application doit-elle être limitée aux seuls cas de pénétration sur animal? Faut-il, comme le suggérait le demandeur au pourvoi, exiger plus restrictivement encore, en plus de la pénétration, que le prévenu ait agi avec violence, brutalité et/ou mauvais traitements? La notion de «sévices», proche de celle de «mauvais traitements», n’induit-elle pas une souffrance physique avérée de l’animal, distincte et indépendante de la souffrance morale ressentie par l’homme ou la femme spectateur(trice) ou informé(e) desdits sévices?[8]".

Evidemment la France n’est pas le seul pays concerné par ce fléau. Certains Etats membres de l’Union européenne ont également légiféré en la matière. C’est le cas de l’Allemagne par exemple. Depuis juillet 2013, la loi sur la protection des animaux punit "le fait d’utiliser un animal pour ses propres activités sexuelles, de former un animal à des relations sexuelles ou de le forcer à des agissements contraires aux intérêts d’une espèce[9]". Cette loi a été contestée par deux personnes, qui sont restées anonymes, devant la cour constitutionnelle allemande[10]. Ils ont fondé leur argumentation sur l’insuffisante précision du texte et sur leur droit à l’autodétermination sexuelle. La cour constitutionnelle[11] a rejeté le recours et a affirmé qu’interdire la zoophilie ne viole pas le droit fondamental à l’autodétermination sexuelle d’autant que la protection du bien-être animal est un objectif légitime pour le législateur allemand.

La question se pose de savoir si de tels agissements ne relèvent pas plus de la psychiatrie que du droit. En agissant de la sorte, l’individu transforme l’animal, être vivant doué de sensibilité[12], en un objet sexuel et dévalorise l’espèce humaine. Ce qui semble être un progrès, la prise en compte spécifique par le droit pénal de la zoophilie, n’en est peut-être pas un, car cela signifie que l’individu est sain d’esprit or de tels agissements prouvent le contraire… De plus, peut-on se contenter d’un délit face à une telle déviance? Ne sommes-nous pas face à un crime… de notre humanité?

Voir:

A 17 ans, la jeune femme pédophile et zoophile violait des fillettes de 2 et 3 ans

Chien euthanasié à cause de viols répétés, 6 mois ferme pour le zoophile



[1] Jean-Pierre Marguenaud, L’animal en droit privé. Publication de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de l’université de Limoges, 1992, p.506 et 507.

[2] JO 10 mars, p. 4568 ; D. 2004. Lég. 737.

[3] Elisabeth Hardouin-Fugier, Evaluer l’impact des messages animalistes ou Jeter une Bouteille à la mer. Revue Semestrielle de Droit Animalier, 2/2013 p. 326. http://www.unilim.fr/omij/files/2014/03/RSDA-2-2013.pdf

Marie-Laure Rassat pense que cette modification a un caractère superflu puisque les sévices sexuels envers un animal sont graves. Droit pénal spécial, 5e éd., Dalloz, 2006, p. 278.

[4] Cf. CA Rouen, ch. corr., 20 nov. 2000 : JurisData n°2000-139065, "le prévenu étant poursuivi notamment pour le «viol» [sic] d’une brebis". Exemple cité par Jean-Yves Marechal, Fasc. 20 Sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux JurisClasseur Pénal Code.

[5] Cass. Crim., 4 sept. 2007, n° 06-82.785 : JurisData n° 2007-040538.

[6] Michel Veron "Il est remarquable que la Cour de cassation emploie ici les termes de «pénétration sexuelle» pour qualifier les faits reprochés au prévenu. Ce sont, en effet, ceux utilisés par l'article 222-23 du Code pénal pour définir le viol commis sur une personne". Droit pénal n° 11, Novembre 20007, comm. 133.

[7] Exemples cités par Jean-Yves Marechal, Fasc. 20 Sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux JurisClasseur Pénal Code: actes de pénétration sexuelle subis par une jument CA Montpellier, 13e ch. Corr., 7 août 2008, n° 807/D/2008: JurisData n°2008-002158; par un chien: CA Montpellier, 3e ch. corr., 4 févr. 2009.

[8] Damien ROETS, Cass. Crim., 4 sept. 2007, Bull. crim. N°191 (extrait). Revue Semestrielle de Droit Animalier 1/2009, p. 53 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/50_RSDA_1-2009.pdf

[9] Olivier LE BOT, La cour constitutionnelle allemande confirme l’interdiction de la zoophilie. Revue Semestrielle de Droit Animalier 1/2016, p. 113 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2016/12/RSDA_1_2016.pdf

[10] Olivier LE BOT, La cour constitutionnelle allemande confirme l’interdiction de la zoophilie. Revue Semestrielle de Droit Animalier 1/2016, p. 113 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2016/12/RSDA_1_2016.pdf

[11] BVerfG, 8 décembre 2015, 1 BvR 1864/14, Madame S. et Monsieur F.

[12] Jean-Pierre Marguenaud, "L'entrée en vigueur de «l'amendement Glavany»: un grand pas de plus vers la personnalité juridique des animaux". Revue Semestrielle de Droit Animalier 2-2014 p.15 http://www.unilim.fr/omij/files/2015/04/RSDA-2-2014.pdf; Jean-Pierre Marguenaud, "Une révolution théorique: l'extraction masquée des animaux de la catégorie des biens", la Semaine Juridique Edition Générale n° 10-11, 9 mars 2015, doctr. 305. Jean-Pierre Marguenaud, Article 515-14- Fasc. unique: Biens. Les animaux, êtres vivants doués de sensibilité, 15 Février 2016.

 

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