La revue d’actu de France-Soir : semaine du 12 juin 2023

Auteur(s)
Wolf Wagner, pour France-Soir
Publié le 18 juin 2023 - 09:57
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Le dessin du jour par Ara (17 juin 2023)
Le dessin du jour, par ARA (17-06-23)

La revue d’actu de France-Soir est une revue de presse hebdomadaire articulée autour de l’actualité politique, économique et médiatique, tant française qu’internationale. Sans pour autant chercher à les ignorer, cette rubrique n’a pas vocation à s’attarder sur les sujets les plus discutés de la semaine. Elle s’attache plutôt à revenir – avec un regard gentiment acerbe – sur des nouvelles parfois passées inaperçues au milieu de l’intense flux d’informations hebdomadaires.

Au programme de la "RDA" de France-Soir cette semaine : corruption, immunité judiciaire, purge parlementaire, reconnaissance faciale, Sahel, Conseil de l’Europe, ONU, petits salaires et gros profits, Nicolas Bouzou, Julien Pain, Laurent Alexandre… mais aussi Bernard Cazeneuve, Jean-Luc Mélenchon et Léon Blum.

Un casting de choix pour cette troisième RDA !
 

FRANCE

Lundi, Ouest-France prévenait qu’Anticor, l’association de lutte contre la corruption politique, risquait de voir son agrément ne pas être reconduit le 23 juin prochain. Cette autorisation spécifique, renouvelable tous les trois ans, « permet à l’association d’introduire une action en justice ou de se constituer partie civile dans les procédures de corruption ». Le quotidien avertit qu’en cas de non renouvellement, « toutes les affaires politico-financières engagées par Anticor, après avril 2021, pourraient être fragilisées »… comme, par exemple, celle du « secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, mis en examen pour prise illégale d’intérêts au sujet de ses liens avec l’armateur italo-suisse MSC ».

Vers l'immunisation du premier capo de l’Élysée ?

Cette possible perte d’agrément d'Anticor devrait plaire à l’économiste Nicolas Bouzou. Jeudi, sur son compte Twitter, ce proche du pouvoir résumait, en quelques mots, sa tribune publiée quatre jours plus tôt dans le Figaro : « Si nous n’allégeons pas les contraintes qui pèsent sur les élus, si nous n’augmentons pas leur rémunération, si nous ne limitons pas le risque judiciaire pénal qu’ils encourent, notre démocratie deviendra celle des incompétents et des inconscients ».

Retirons l’agrément à Anticor et offrons l’immunité judiciaire aux élus avec un salaire majoré !
Vive la République… de Corée du Centre !

Lundi, Le Monde rapportait que le Sénat avait voté en première lecture une proposition de loi visant à expérimenter l’usage de la « reconnaissance biométrique dans l’espace public ». Selon le quotidien, « les parlementaires [ont ouvert] la voie à un champ d’expérimentation inédit pour des technologies controversées, comme la reconnaissance faciale ».

Mardi, sur Twitter, l’avocat Arié Alimi avertissait que si ce texte venait à être « confirmé à l'Assemblée nationale, chaque personne sur le territoire sera immédiatement identifiable depuis un seul ordinateur. Plus de liberté, plus d'intimité. Si on doit se battre pour quelque chose, maintenant et avec force, c'est contre cela ».

Des arguments ridicules aux yeux de Stéphane Le Rudulier, l’un des sénateurs LR à l’origine de cette proposition de loi. La veille, lundi, d’abord au Sénat, puis ensuite sur Twitter, le parlementaire se moquait de ce qu’il estime être un paradoxe : « Les Français donnent accès à leur vie privée [et à] leurs données biométriques à des startups américaines mais il faudrait refuser à l’État la reconnaissance faciale dans l’espace public pour garantir notre sécurité ? ».

Le sénateur appuyait ensuite son message par un grand « oui à la vidéo protection encadrée et par reconnaissance faciale ».

CQFD ! Si des clients de multinationales consentent déjà (librement) à céder leurs données biométriques, pourquoi – diable – l’État devrait-il s’empêcher de violer l’intimité de l’ensemble des citoyens ?

La Quadrature du net estimait, mardi, que ce « texte aussi fourbe que brouillon » n’avait en réalité que peu de chance d’être transformé en loi… au moins à court terme : « Si cette énième attaque sécuritaire n'est clairement pas rassurante, elle est très probablement vouée à l'échec » puisque « la majorité présidentielle ne devrait pas voter ce texte. Mais le symbole est là, non sans dangers ».

Ou bien : les dangers sont là, non sans symboles.

Selon France Info, il n’est pas anormal que des propositions de loi soient présentées sans avoir aucun espoir d’aboutir. La preuve, « lors de la session 2022-2023 (…) sur 574 textes, 70 ont été examinés en séance et seuls 17 ont été adoptés. 97% des propositions de loi n’aboutissent donc pas ».

France Info considère que ces «textes d’appel [ont] une fonction plus politique que législative » et précise « [qu’]une proposition de loi permet de faire un coup, d'essayer d’imposer une question dans l’agenda politique. En un mot, c’est tenter, tout simplement, d’exister ».

« Attention », prévient néanmoins France info, ce phénomène n’est pas sans incidence, « plus il y a de lois qui ne voient pas le jour, plus vous créez un risque démocratique ».

Le type de risque qui n’effraie pas Nicolas Bouzou.

Dans un registre différent, ce même mardi, Le Point s'amusait à comparer Jean-Luc Mélenchon (LFI) avec l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve… alias le leader d’un tout nouveau mouvement politique – La Convention – dont l’un des objectifs affichés est de faire barrage à la France Insoumise et à la NUPES.

L’hebdomadaire pense avoir identifié une différence notable entre les deux hommes : Jean-Luc Mélenchon « se croit libre, [mais] se montre puritain ; [il] prétend être intègre quand il apparaît intégriste ; [il] dit aimer la démocratie, et méprise la légitimité », alors que « Bernard Cazeneuve adopte au contraire une stratégie éprouvée, celle de la nuance, de la patience, de la méticulosité, de la diversité, aussi ».

L’estime du Point pour le projet politique de l’ancien Premier ministre est telle que l’hebdomadaire n’a d’ailleurs pas hésité à titrer son article : « Bernard Cazeneuve dans les pas de Léon Blum ».

Inconsciemment, Le Point relève tout de même une légère et subtile antinomie entre Blum et Cazeneuve. Si, en 1936, le premier est parvenu « au pouvoir à la tête d'une des coalitions les plus mémorables de l'histoire de la gauche », l’initiative du second serait, selon l'hebdomadaire, totalement « solitaire et possiblement vouée à une désillusion ».

In fine, à en croire Le Point, en cherchant à s’opposer, seul, à l’actuelle coalition de la gauche, Bernard Cazeneuve marche bel et bien « dans les pas de Léon Blum »… mais à contre-sens.

Mercredi, Stéphane Troussel (PS), le président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, et Magalie Thibault, la vice-présidente en charge des Solidarités et de la Santé, visitaient le « collège Albert-Camus » de Rosny-sous-Bois. Le but de cette opération de communication politique relayée par le Département dans une vidéo sur Twitter ? Simplement montrer qu’au sein de l’établissement scolaire des « toilettes rénovées et mixtes [avaient] été installées pour plus de propreté et de confort ».

Des toilettes d’un genre unique qui valent manifestement le déplacement.

Jeudi, Le Figaro publiait un article intitulé : « Assemblée : le plan des macronistes pour exclure le RN et LFI des postes clés ».

Selon le quotidien, le groupe Renaissance envisagerait de ne pas reconduire dans ses fonctions « le président de la commission des finances, Éric Coquerel, qui s’est illustré ces dernières semaines en prononçant la recevabilité de la proposition de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans ». Également visés par cette purge, les « vice-présidents de l’Assemblée Caroline Fiat [LFI] et les députés du RN Sébastien Chenu et Hélène Laporte ».

Selon un « responsable de la majorité parlementaire » interrogé par Le Figaro, cette restructuration viserait à « distribuer des cadeaux au groupe Les Républicains, avec qui la collaboration s’est plutôt pas mal passée lors de la première année de la mandature ».

Le roi et ses courtisanes, un grand classique de l'histoire de France.

En parallèle, le même jour, Le Figaro s'entretenait avec Sarah El Haïry. La secrétaire d’État expliquait au quotidien que le service national universel (SNU) allait « être intégré en classe de seconde » pour permettre « à des élèves, issus de lycées volontaires, de réaliser le séjour de cohésion de douze jours – première étape du SNU (…). Il n'y aura pas d'obligation, un peu comme un voyage scolaire ».

Sarah El Haïry rappelait que « le projet du président de la République a toujours été le même : aller chercher une universalité, faire en sorte qu'un maximum de jeunes puissent participer au SNU. Quelle forme doit prendre la généralisation de ce dispositif ? Le débat est ouvert. La question de l'obligation n'est pas un tabou. Mais notre objectif est de créer de l'engouement, pas de la coercition. (…) Former les jeunes aux défis de notre époque : unité nationale, solidarité, questions démocratiques, transition écologique. Il existe aussi un enjeu de cohésion ».

Et, pour donner envie aux jeunes de rejoindre ces jeunesses macroniennes qui « devraient commencer vers mars 2024 », la secrétaire d’État préconise d’offrir aux lycéens concernés « des points bonus intégrés dans le calcul algorithmique de Parcoursup ».

La carotte universitaire… avant le bâton de « l’obligation » et de la « cohésion » ?


MONDE

Mercredi, Le Point rapportait une bonne nouvelle en provenance d’Afrique, où les experts constatent que le « Sahel reverdit ». Selon Luc Descroix, un hydrologue interrogé par l’hebdomadaire, « l'Afrique de l'Ouest a connu un épisode de sécheresse brutal de 1968 à 1993 (…), [mais] c'est du passé. Nous avons désormais des données robustes qui nous permettent de dire que la pluviométrie est revenue à son niveau moyen de long terme ». Le magazine annonce même « que le Sahel connaît parfois maintenant des inondations ! ».

Pour Luc Descroix, « on est parti pour des moussons efficaces au moins jusqu'en 2100 ». L’hydrologue observe « un reverdissement accéléré dans les régions les plus peuplées (…). Les terres sont très médiocres, mais, avec un travail intensif, elles nourrissent 400 habitants par kilomètre carré », soit l’équivalent d’une « densité quatre fois supérieure à celle de la France, plus proche de celle des Pays-Bas », précise Le Point.

Résultat, le magazine s’interroge : « La surpopulation n'épuiserait-elle [finalement] pas forcément une terre spontanément nourricière ? ». Luc Descroix constate que cette « idée fait son chemin, mais elle ne fait pas encore consensus. Disons [qu'il] fai[t] figure d'afro-optimiste… ».

À quand les euro-optimistes ?

Le même jour, France Info annonçait que « la Commission de Venise, groupe consultatif du Conseil de l'Europe », critiquait sévèrement la France et son « article 49.3 [qui] "soulève des interrogations au regard de la séparation des pouvoirs" » puisqu’il permet « "dans certains cas", l'adoption d'une loi "sans une discussion réelle et approfondie de son contenu" (…) [et] constitue une ingérence significative de l'exécutif dans (…) le rôle du pouvoir législatif ».

Également dans le viseur de la Commission de Venise : le rôle du Conseil constitutionnel qui « limite la garantie de suprématie du pouvoir législatif ».

Traduction : en France, le Parlement perd de plus en plus de pouvoir face à l’exécutif.
Nicolas Bouzou n'aurait rien contre l'idée.

De son côté, vendredi, dans un communiqué relayé par France-Soir, l’Organisation des Nations unies (ONU) n’était pas non plus tendre à l’égard de la France, évoquant « de sérieuses préoccupations quant aux allégations relatives à l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre envers des manifestants pacifiques, ainsi que des journalistes (…), notamment de la part des membres de la brigade 'Brav-M' ».

Le communiqué de l’ONU revient sur « l’usage disproportionné et inadapté par les forces de l’ordre de grenades lacrymogènes et de la méthode de désencerclement pendant les manifestations [qui] soulèvent de graves préoccupations, au regard du nombre de personnes touchées ou affectées par ce type d’armes et de méthode ».

Les experts de l’ONU se disent également « vivement préoccupés quant à de nombreuses dispositions de la loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations ».

La France, le pays des droits de l’Homme et du… maintien de l’ordre.


ÉCONOMIE

Mercredi, Le Figaro notait que « les défaillances d'entreprises en France ont largement dépassé en mai, et sur un an, leur niveau d'avant la pandémie de Covid-19 ». Selon le quotidien, « toutes entreprises confondues, la Banque de France a dénombré 47.231 défaillances sur les douze derniers mois, en hausse de 45,8% par rapport à mai 2022 ».

Le Figaro observait également que, «par rapport à mai 2022, la remontée des défaillances est la plus forte (89,3%) pour les petites entreprises qui comptent entre 10 et 49 salariés, (…) [elle] est aussi très prononcée dans l'industrie. Avec une hausse de 56,6% sur un an, leur niveau dépasse désormais d'une courte tête celui de l'année 2019 ».

De la désindustrialisation à la réindustrialisation... La main invisible de la macronie.

Vendredi, Le Parisien donnait la parole à Benoît Cœuré. Le président de l’Autorité de la concurrence expliquait avoir constaté « un certain nombre d’indices très clairs et même plus que des indices, des faits, [qui] montrent que la persistance de l’inflation est en partie due aux profits excessifs des entreprises qui profitent de la situation actuelle pour maintenir des prix élevés ».

Normalement, selon Benoit Coeuré, « un tiers de l’inflation vient du comportement des entreprises, c’est-à-dire qu’elles augmentent leurs prix au-delà de leurs coûts. Et deux tiers viennent du comportement des salariés qui veulent des hausses de salaire. La BCE, cette année, dit que c’est le contraire qui se produit ».

En d’autres termes, cette année, les grosses entreprises se sont goinfrées sur le dos de leurs clients… mais aussi sur celui de leurs salariés.


MÉDIAS

Mercredi, le journaliste Alexis Poulin se demandait pourquoi son confrère de France Info, « Julien Pain, a[vait] bloqué la moitié de Twitter ? ». Myriam Palomba, journaliste, ou Béatrice Rosen, actrice et chroniqueuse TV, ainsi que de nombreux anonymes confirmaient n’avoir désormais plus accès au compte du journaliste. L’intéressé s'en défendait en expliquant qu’il a « bloqué pas mal de trolls, c'est vrai. Mais c'était il y a plus de deux semaines », avant de préciser que « c'est juste parce [qu’il} aimerai[t] bien rétablir un dialogue avec les gens [qui le] lisent et qui en ont, [il] imagine, aussi assez d'être pollués par des trolls agressifs ».

Julien Pain, le journaliste du (service) public… trié sur le volet.

Hier, samedi, Mediapart révélait que « les gouvernants européens prévoient d'autoriser la surveillance des journalistes, y compris l'utilisation de logiciels espions, si la "sécurité nationale" l'exige ». Selon le journal numérique, « plusieurs documents consultés par Investigate Europe [montrent que] plusieurs pays, dont la France et l'Allemagne, font pression sur les négociations européennes concernant la liberté des médias. Le risque : donner la possibilité aux États de surveiller les communications des journalistes ».

Mediapart explique « [qu']à l'origine, l’intention était louable. Ce texte législatif (…) devait garantir à la fois le pluralisme de la presse et la protection des journalistes »… sauf qu’entre temps, « le gouvernement français a proposé d’introduire une exemption pour les situations où la sécurité nationale serait engagée, ce qui reviendrait à neutraliser partiellement la portée [du texte]. ».

Le gouvernement français toujours très engagé sur le terrain de la défense de ses libertés.
 

DIVERS

Mardi, Laurent Alexandre, le célèbre transhumaniste refoulé, déclarait que son « nouveau livre La guerre des Intelligences à l’heure de ChatGPT [était] dédié à Olivier Véran [qui] a été super courageux pendant le Covid19 ».

Sans raison apparente, le cofondateur de Doctissimo choisissait ensuite de comparer l’ancien ministre de la Santé… à Didier Raoult :
« Dans 10 ans, Didier Raoult sera un Charlot aux yeux de tous.
Dans 10 ans, Olivier Véran sera respecté par tout le monde
 ».

Dans 10 jours, qui se souviendra du livre de Laurent Alexandre ?
 

  • Wolf Wagner, journaliste indépendant pour France-Soir

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