Chronique Covid N°18 – « Retour sur la Mayenne : Les chiffres étaient faux, les bulletins d’information de l’ARS Pays de Loire sont bourrés d’erreurs depuis des semaines, et la situation était plus grave »
(ndlr : le 20 août 2020, cette chronique a fait l'objet d'un erratum expliqué dans la première partie de l'article. Cet erratum ne change en rien les conclusions de l'article. Cliquez ici pour la ChroCo 19 se trouve ici)
CHRONIQUE : On n’est jamais mieux servi que par soi-même et les journalistes manquent vraiment de curiosité. Le minimum serait qu’ils vérifient les informations avant de les diffuser. Alors quand ceux qui produisent l’information ne vérifient pas eux-mêmes, l’erreur peut avoir de lourdes conséquences
Souvenez-vous dans ma chronique N°13, Roselyne Dubois, la spécialiste Santé de BFM-TV était catastrophée car le seuil d’alerte avait été franchi en Mayenne, avec 50,76 nouveaux cas sur 7 jours pour 100.000 habitants
Toujours à la recherche d’une explication à ce franchissement du seuil d’alerte en Mayenne, je fini par tomber sur les « bulletins d’information régional » de l’agence régionale de santé des Pays-de-Loire.
Je commence par télécharger les deux derniers bulletins, celui du 21 juillet 2020
Ce qui m’intéresse ce trouve dans le tableau des « données épidémiologiques », encadré en rouge, et plus particulièrement ce sont les données de la Mayenne que je souhaite explorer
Puis je télécharge le dernier bulletin publié, celui du 28 juillet 2020
Une chose saute aux yeux, les « cas testés positifs » sont exprimés en données cumulées depuis le 13 mai 2020.
Cette précision d’importance n’était pas présente dans le bulletin du 21 juillet…
Dès lors, il est impossible de vérifier le calcul, puisque le taux d’incidence concerne les 7 derniers jours et que le nombre de personnes testées positives est, lui, cumulé sur 76 jours
Afin, de pouvoir calculer les taux d’incidence sur une fréquence hebdomadaire, je télécharge 12 bulletins d’information, entre le 13 mai et le 28 juillet 2020. Je rentre les données dans un tableur.
Incohérences, confusion entre données cumulées depuis le 13 mai, données sur 7 jours, ou moyenne des 7 jours glissants, erreurs de calcul !
Tout est faux (en rouge) ou presque. C’est stupéfiant, consternant.
Seul le taux d’incidence calculé sur le cumul au 13 mai 2020 est juste. Sans que n’ait été précisée la date de début de ce cumul
En dehors du bulletin du 13 mai, aucun taux d’incidence recalculé à partir des données des 11 autres bulletins ne correspond…
Les calculs de taux d’incidence (colonne C) ont été réalisés en prenant l’estimation INSEE de la population de la Mayenne au 1er janvier 2020, à savoir 305.317 habitants
Ne parvenant pas à comprendre quelles erreurs ont été commises par l’ARS, je décroche mon téléphone hier matin, en cherchant à joindre le Dr Pierre BLAISE, Directeur scientifique de l’ARS Pays-de-Loire. L’assistante du Directeur Général de l’ARS qui me répond m’indique que c’est une autre personne de l’agence qui est responsable des données épidémiologiques figurant sur les bulletins, et que cette personne me rappellera.
Plus de 24h après, j’attends toujours son appel.
J’obtenais tout de même la confirmation par l’assistante que ce sont en réalité le Directeur scientifique, mais aussi le Directeur général de l’ARS, Jean-Jacques Coiplet qui valident ensemble le bulletin…
Le soir-même, toujours sans rappel de l’agence, je me décide à refaire moi-même les calculs à partir des données générées par Santé Publique France, en téléchargeant sur data.gouv.fr la base de données « SI-DEP » : ici
Je l’importe dans une base de données relationnelle (Microsoft Access 365) et ne tarde pas à sortir les « data »
Je suis alors stupéfait d’apprendre que la Mayenne avait franchi le seuil d’alerte non pas le 16 juillet, mais 16 jours auparavant, le 30 juin 2020, et qu’elle était actuellement en pleine épidémie. C’est-à-dire avec des taux d’incidence cette fois-ci supérieurs aux seuils épidémiques couramment admis par le réseau Sentinelles !
De « petites erreurs » qui malheureusement pourrait bien avoir de très graves conséquences, si l’on n’a pas su protéger correctement les personnes les plus vulnérables pendant cette flambée qui passait inaperçue
Nota : Ce n’est pas une 2ème vague, mais une 1ère vague dans un département jusqu’ici peu touché par le SARS-COV-2
D’ailleurs le pic a été atteint, je vous dessine la courbe avec les données SI-DEP :
Je pense que l’IGAS devrait s’autosaisir de cette affaire et même que les commissions d’enquête de l’assemblée nationale et du Sénat, devrait sans attendre convier les protagonistes pour savoir ce qui s’est passé !
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