Développement pré-clinique d'un médicament
Les essais cliniques sous toute forme ont défrayés toutes les chroniques. Les bons essais, les mauvais essais, les « j’ai raison car ce chiffre le dit » ou bien les « cette étude c’est n’importe quoi car elle n’est pas en double aveugle ou randomisée ». Ou encore les déclarations sur la loi bio éthique rendant impossible de conduire un essai clinique ou tous les patients sont atteints d’une pathologie avec un traitement placebo (c’est-à-dire aucun traitement). Il est difficile d’y voir clair devant un tel amalgame de mots scientifiques, d’outils statistiques, d’éléments médicaux aux termes savants mais inconnus, parfois « barbares » pour des néophytes. Dans l’article qui suit, nous avons essayé de reprendre les éléments nécessaires au développement d’un médicament.
Les essais pré-cliniques permettent d'obtenir les éléments d'information dont la connaissance est jugée nécessaire préalablement à la mise en œuvre d'une première administration chez l'homme. Outre des données analytiques et galéniques qui seront regroupées dans le dossier pharmaceutique du dossier d'AMM (autorisation de mise sur le marché), ce sont les pré-requis toxicologiques et pharmacologiques qui sont recherchés. Le cadre de ces pré-requis a été défini par l'International Conference of Harmonization (ICH) (www.ich.org) qui se tient tous les deux ans pour compléter ou remplacer officiellement les exigences des Etats-Unis, de l'Union Européenne et du Japon.
Toxicité aiguë ou à dose unique
La toxicité aigüe vise à déterminer les doses toxiques chez l'animal et les organes souffrant électivement de cette toxicité. Cette étape doit être réalisée chez au moins 2 espèces de mammifères (généralement rat et souris), avec 2 voies d'administration (dont l'une sera la voie d'administration utilisée chez l'homme). Le produit est administré à dose croissante. Chaque animal reçoit une dose unique de produit. La durée de suivi après l'administration est généralement courte, de l'ordre de 14 jours. Cette étape permet de déterminer :
- la DL50 : dose létale tuant la moitié des animaux ; à noter que la détermination de cette DL50 n'est plus obligatoire depuis 1991,
- la dose maximale tolérée : dose qui provoque un effet toxique mais qui n'affecte pas la survie des animaux,
- la dose maximale sans effet toxique.
Toxicité chronique ou à doses réitérées
La toxicité chronique vise à obtenir des renseignements sur l'aptitude du produit à s'accumuler dans les tissus et à confirmer quels organes souffrent électivement de cette toxicité. Cette étape doit être réalisée chez au moins deux espèces de mammifères dont une non-rongeur (généralement rat et chien/singe). La voie d'administration utilisée sera celle choisie pour l'administration à l'homme. L'administration du produit est quotidienne ou bi-quotidienne. Lors de cette étape, 3 doses de produit sont testées : une dose forte, une dose moyenne, une dose faible. La durée recommandée dépend de la durée des essais cliniques futurs, elle-même gouvernée par les indications futures chez l'homme. En général on distingue les essais de toxicité sub-chronique qui dure de 1 à 3 mois et les essais de toxicité chronique qui durent 6 mois.
Fonctions de reproduction
Ces études ont pour objectif d'évaluer l'impact du produit sur la fertilité et sur la gestation. 3 types d'études sont réalisés :
- fertilité et développement embryonnaire précoce jusqu'à implantation : réalisée sur une espèce de rongeur, en général le rat. Administration du produit plusieurs semaines avant l'accouplement. Comme précédemment, 3 niveaux de doses sont utilisés. Un groupe témoin d'animaux non traités est nécessaire,
- développement embryo-fœtal/étude de tératogénèse : menée sur deux espèces, un rongeur et un non-rongeur, généralement rat et lapin. Cette étude est réalisée chez des femelles en gestation, toujours avec 3 niveaux de doses. Administration du produit depuis l'accouplement jusqu'à la fin de l'organogénèse.
- développement pré et post-natal : réalisée sur une espèce de rongeur. Cette étude évalue l'impact du produit sur la parturition, le comportement maternel, l'allaitement et développement des petits. Administration du produit de la fin de l'organogénèse jusqu'au sevrage des petits, toujours 3 niveaux de doses. La génération de petits peut être suivie sur du long terme et sa descendance également.
Chez les femelles : en fonction de l'inclusion ou non de femmes fertiles, sous contraception ou non, lors des essais cliniques, les tests exigés avant le passage chez l'Homme seront différents. Chez les mâles : seule l'étude de fertilité est indispensable avant un essai de phase III. Néanmoins, lors des études de toxicologie animale, un examen des gonades mâles et femelles est systématiquement effectué.
Mutagénèse / Génotoxicité
La mutagénèse a pour objectif de détecter d'éventuelles modifications du matériel génétique induites par le médicament (effet mutagène ou clastogène), que ce soit un risque de cancer pour la génération actuelle ou un risque génétique pour les générations futures. Généralement les tests réalisés sont les suivants :
- 1 test de mutation génique. Généralement il s'agit du test d'Ames, test réalisé sur des souches de Salmonella typhimurium,
- 1 test d'aberration chromosomique in vitro sur cellules de mammifères,
- 1 test d'aberration chromosomique in vivo sur cellules hématopoïétiques de rongeur (rats ou souris). Les tests seront adaptés à chaque spécificité de médicaments testés (antibiotiques, composés non absorbés...).
Cancérogénèse
Cette étape permet de détecter un éventuel pouvoir cancérigène du produit. Ces études peuvent être menées en parallèle des études de première administration chez l'Homme sauf en cas de signes d'appel (ex : tests de mutagénèse positifs). Administration au long cours du produit (2 ans ou plus), chez 2 espèces (généralement rat et souris) avec 3 niveaux de doses. La voie d'administration sera identique à celle utilisée en clinique. Il est nécessaire d'apporter la preuve de l'exposition au produit par des mesures répétées de concentration plasmatique.
Pharmacodynamie
Ces études sont constituées d'une batterie de tests utilisant des modèles in vivo et in vitro permettant de distinguer :
- les effets propres à la molécule (pharmacodynamie spécifique) avec mise en évidence d'une relation effet-dose et effet-temps, la détermination de la DE50 (Dose Efficace 50 ou dose entraînant 50% de l'effet maximum) toujours exprimée en mg/kg et recherche du mécanisme d'action de la molécule,
- les effets généraux,
- les éventuelles interactions.
Pharmacocinétique
C'est le devenir de la molécule dans l'organisme dont on distingue en général 4 phases nommées " ADME " pour : Absorption, Distribution, Métabolisme et Elimination. Elle doit être étudiée chez l'animal en utilisant la voie d'administration la plus pertinente compte tenu de la voie d'administration clinique et doit être réalisée avant les essais de phase I.
Pré-requis spécifiques aux essais cliniques chez des enfants
Avant d'inclure des enfants dans un essai, il est recommandé d'effectuer tous les tests de toxicologie animale ainsi que dans la mesure du possible d'avoir exposé des adultes en pratique clinique courante.
Cas particulier des produits issus des biotechnologies
La nature particulière de ces produits ainsi que leur potentialité immunogène conduit à adapter les tests de toxicologie dans leur déroulement et l'élaboration de leur protocole.
Toutes les études doivent être effectuées conformément aux Bonnes Pratiques de Laboratoire (Arrêté du 20 janvier 1986)
Sur base d’un texte proposé par la Société Française de Pharmacologie et Thérapeutique
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