Hépatite-C : des traitements efficaces mais réservés à certains patients
Des traitements très efficaces permettent aujourd'hui de guérir plus de 95% des cas d'hépatite-C mais ils ne profitent pour l'instant qu'à une minorité des 170 millions de malades dans le monde, en raison de leur coût élevé, ont déploré des spécialistes réunis à Paris. "C'est l'exemple d'une victoire scientifique et médicale totale mais l'accès aux traitements reste problématique", souligne le Pr Patrick Marcellin, hépatologue à l'hôpital Beaujon (banlieue parisienne) qui préside le congrès Paris Hepatitis Conference (PHC) organisé lundi et mardi dans la capitale.
Apparus sur le marché ces dernières années, les nouveaux traitements de l'hépatite-C comme le Sovaldi (molécule sofosbuvir, du laboratoire américain Gilead) sont des "antiviraux à action directe" (AAD) qui bloquent la capacité de multiplication du virus et sont nettement plus performants que les traitements conventionnels (interféron et ribavirine). Ils provoquent de surcroît moins d'effets secondaires que l'interféron.
Mais leur coût, de l'ordre de 40.000 à 60.000 euros pour un traitement standard de 12 semaines, rend leur accès très difficile dans de nombreux pays. "La plupart des pays n'ont pas de système universel de santé", rappelle le Dr Ana Carolina Cardoso, une hépatologue brésilienne.
Au Brésil où le nombre de personnes infectées par le virus de l'hépatite-C (VHC) est évalué à 2,2 millions de personnes, dont près de la moitié présentent déjà des fibroses sévères (inflammation chronique qui endommage le foie) ou des cirrhoses, seulement 30.000 traitements sont prévus chaque année, précise-t-elle.
La situation est également très variable dans les pays développés, certains, comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni, ayant décidé de donner les antiviraux à tous les porteurs du virus, tandis que d'autres, comme la France, ne les remboursent que chez les plus sévèrement atteints.
"Cette limitation pose problème, on est obligé de dire à certains patients qu'on ne peut pas les traiter alors même qu'ils pourraient en tirer un bénéfice en termes de qualité de vie", relève le Pr Marc Bourlière de l'hôpital Saint Joseph à Marseille. Son point de vue est partagé par plusieurs associations, dont Médecins du monde, qui réclament l'accès au traitement pour tous les malades, quel que soit leur état. Soit environ 120.000 à 150.000 personnes en France, alors que seulement 14.000 patients ont été traités par les nouveaux antiviraux l'an dernier.
Malgré un budget annuel nettement plus important, de l'ordre de 1,4 milliard d'euros alloué à l'hépatite-C (contre 700 millions d'euros en France) et l'absence de restrictions de prescription, l'Allemagne n'a pourtant pas traité plus de patients l'an dernier.
"Les médecins traitent moins que ce qu'on espérait", reconnait le Pr Michael Manns, président du réseau hépatites allemand, tout en estimant, comme ses collègues, que le principal problème reste le dépistage.
Souvent effectué de manière aléatoire, le système de dépistage actuel ne permet de repérer qu'une partie des personnes infectées, alors que celles-ci ne présentent généralement aucun symptôme pendant des années. Le Pr Marcellin préconise pour sa part "un dépistage universel", avec un test réalisé au moins une fois au cours de la vie, "pour éviter qu'on ne découvre des patients au stade de la cirrhose, voire du cancer du foie", les deux complications les plus graves de l'infection.
Pour lui, comme pour d'autres spécialistes, l'éradication de l'hépatite est pour la première fois à portée de main dans plusieurs pays dont la France, et ne dépend que de "la volonté des autorités de santé de systématiser le dépistage et traiter tout le monde".
Interrogé sur le coût élevé des traitements, le président de Gilead France, Michel Joly, a fait valoir que celui-ci avait été divisé par deux en l'espace d'un an dans l'Hexagone. Il estime également que la maladie pourrait être éradiquée en France d'ici à 2022, à condition de traiter 20.000 personnes par an.
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