Insémination post-mortem : le Conseil d'Etat doit trancher
Mariana Gonzalez-Gomez, Espagnole, veuve de Nicola Turri, Italien, mort à Paris en juillet 2015 d'un cancer, se bat pour le respect de leur projet d'enfant et de son droit à décider elle-même de sa vie. Déboutée de sa demande par le tribunal administratif, le Conseil d'Etat est, en France, son dernier recours.
Nicola Turri atteint d'un cancer (un lymphome) avait fait congeler son sperme en 2013, avant un traitement risquant de le rendre stérile. Il entre en rémission, mais se voit diagnostiquer une leucémie en 2015.
En dépit de la gravité de son état, il voulait concrétiser son projet parental. Mais il décède juste avant que l'insémination soit mise en oeuvre, "une heure avant le rendez-vous chez le notaire pour donner son consentement à la PMA (Procréation médicalement assistée) de son vivant", selon Me David Simhon, conseil de son épouse. Son sperme est conservé à Paris où il résidait avec sa compagne à l'époque de son décès, le 9 juillet 2015 alors qu'il avait 30 ans.
En Espagne, l'insémination post-mortem est possible dans un délai d'un an après le décès de l'homme qui en a exprimé la volonté notamment par testament. Vendredi 27, seront présentées les conclusions du rapporteur public, Aurélie Bretonneau, devant la section du contentieux, formation solennelle du Conseil d'Etat où sont jugées "les affaires d'importance remarquable" comme celle sur la fin de vie de Vincent Lambert. La plaignante saura alors si la balance penche ou non en sa faveur. Toutefois, la décision sera annoncée ultérieurement.
Plusieurs femmes en France ont déjà demandé à récupérer les paillettes de sperme de leur conjoint décédé, sans succès. L'insémination est réservée en France aux couples vivants. Et c'est au nom de cette interdiction que la restitution des gamètes et leur transfert en Espagne sont refusés.
La défense de cette position, basée sur la loi, est assurée devant le Conseil d'Etat par l'Agence de la Biomédecine et l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, dont relève l'hôpital Tenon où la semence du défunt est conservée.
Me Simhon, et son représentant au Conseil d'Etat, soutiennent de leur coté que "la prohibition légale" de l'insémination post-mortem et le refus fait à Mme Turri est contraire au droit à la vie privée et familiale de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
En l'occurrence, ce refus d'autoriser l'exportation des gamètes en Espagne où l'insémination post-mortem est autorisée porte "atteinte à une liberté fondamentale": le droit d'être parent au sens biologique du terme.
Par ailleurs, avoir un enfant par insémination post-mortem ne représente pas une grande différence avec une procréation faite un mois avant le décès d'un père emporté par la maladie, argue Me Simhon. D'autres juristes font remarquer que rien n'interdit en France de fonder une famille monoparentale.
"Le plus important est qu'on respecte notre volonté, qu'on me respecte moi; ma liberté en tant femme de vouloir un enfant toute seule et surtout que je puisse décider moi-même de mon futur", a récemment témoigné la jeune femme auprès de France 2 qu'elle avait reçue en Espagne où elle habite désormais. "Il ne s'agit pas de ramener Nicola à la vie, car je sais qu'il n'est plus là". Cet enfant "sera une partie de nous deux: le sang de notre sang".
Et si ce projet devenait réalité que dira-t-elle à l'enfant? "Je lui dirais que c'était un enfant désiré; que son papa le voulait autant que moi, que c'était notre rêve à nous deux et que finalement Nicola n'a pas pu être ici avec nous", ajoutait-elle.
C'est une course contre la montre, le 10 juillet il sera trop tard.
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