L’étude Epiphare éclaire-t-elle vraiment sur l’effet de l’hydroxychloroquine contre la COVID-19 ?

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Le Collectif Citoyen pour FranceSoir
Publié le 14 juillet 2020 - 11:45
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L’étude EPIPHARE éclaire-t-elle vraiment sur l’effet de traitements à base d’hydroxychloroquine contre la COVID-19 ?
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L’étude EPIPHARE éclaire-t-elle vraiment sur l’effet de traitements à base d’hydroxychloroquine contre la COVID-19 ?
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ANALYSE : Une récente étude publiée par le centre EPIPHARE a été publiée au sujet de l’utilisation d’antipaludéens de synthèse (hydroxychloroquine et chloroquine, regroupées sous le terme APS) au long cours par des patients et son impact sur les formes graves ou létales de la COVID-19, et a conclu que les APS ne montrent pas de rôle préventif.

« L’objectif de cette étude était d’évaluer le risque d’hospitalisation, le risque d’intubation oro-trachéale et le risque de décès pour COVID-19 chez les patients utilisant des antipaludéens de synthèse (APS) au long cours et de les comparer aux risques en population générale ».

Et de conclure :

« Les résultats mettent en évidence un sur-risque d’hospitalisation, d’intubation et de décès liés au COVID-19 parmi les patients sous APS au long cours par rapport à la population générale française. Les analyses réalisées suggèrent que ce sur-risque est expliqué par les caractéristiques liées à la pathologie chronique sous-jacente justifiant l’utilisation des APS au long cours, notamment la comédication par corticoïdes oraux, plutôt que par l’exposition aux APS elle-même ».

On notera déjà que la conclusion est étrangement rédigée car une lecture rapide pourrait laisser entendre que les patients sous antipaludéens (APS) avaient même un risque accru de décès liés à la Covid-19, alors que l’étude conclut en réalité que la surmortalité de ces patients est uniquement due à l’usage conjoint en comédication des APS avec des corticoïdes oraux ou du méthotrexate pour ce type de patients.

Par ailleurs, les données concernant les patients sous hydroxychloroquine ou chloroquine, mais sans corticoïde ni méthotrexate ne sont pas révélées. L’étude ayant montré que les traitements à base d’APS avec comédication corticoïdes d’une part ou méthotréxate d’autre part montraient un facteur de risque beaucoup plus important de mortalité des patients, il nous a semblé curieux que ces données-là n’aient pas été étudiées pour vraiment connaîre l’effet des APS.

Nous avons voulu faire une estimation des décès de ces patients prenant des APS sans corticoïdes ou sans méthotrexate, et là ? À notre grande surprise, les résultats semblent favorables aux APS. Nous avons estimé que sur les 19 décès de la cohorte, il y a 0 décès de patient sous APS au long cours ne prenant ni corticoïdes ni méthotrexate.

Voici comment nous avons procédé, mais nous devons commencer par vous donner quelques détails sur cette étude. En fait, deux études composent cet article.

 

L’étude 1 : «comparaison au sein de la population traitée par APS au long cours des nombres de cas observés et attendus des hospitalisations/ décès/ décès ou intubation oro-trachéale, effectuées par standardisation indirecte en calculant les ratios de morbidité/mortalité standardisé (SMR) correspondant aux rapports entre les nombres de cas observés et attendus, en considérant l’ensemble de la population française comme population de référence ».

Pour bien comprendre la suite de l’étude, il est important déjà qu’ici le lecteur soit informé que nous avons là des patients sous APS au long cours dont environ 1/3 (31,3%) sont en comédication soit avec des corticoïdes, soit avec du méthotrexate.

Cohorte sous APS au long cours : 54 874 patients

Le tableau 4 nous donne le nombre de décès et d’hospitalisations d’une cohorte APS de 54 874 patients, traités au long cours pour maladie immunitaire chronique (lupus, polyarthrite,…) toutes comédications confondues, 114 hospitalisations et 19 décès.

 

De ces 19 décès et de la cohorte complète de patients sous APS, nous pouvons déduire le taux de mortalité qui est 19/54874, soit 0,035%.

Lorsque l’on veut comparer cela avec le reste de la population, un point attire notre attention. C’est le nombre de décès au 2 juin en France de 11 871 pour une population générale de 67 063 703, soit un taux de mortalité qui serait alors de 0,0177%.

Cependant, ce chiffre nous paraît erroné, car le nombre réel de décès au 2 juin donné par Santé publique France était de 18 570 en hôpital et de 10 350 en EHPAD, donc 28 920, ce qui pour le coup donne un taux de mortalité de 0,043% (qui est deux fois plus élevé que le taux de mortalité des patients sous APS de cette étude). (https://mapthenews.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/5df19abcf8714bc590a3b143e14a548c)

Mais, afin de pouvoir utiliser les mêmes taux de mortalité que cette étude, nous nous sommes basés tout du long sur les chiffres proposés par Epiphare. Notons également que si nous nous étions basés sur les chiffres de la partie droite du tableau 4 les résultats et les conclusions auraient été quasi identiques.

Donc après standardisation sur l’âge, le sexe et la région, l’étude nous donne les résultats suivants pour les patients sous APS au long cours, dans le tableau 5 pour les hospitalisations et le tableau 6 pour les décès.

  • Fréquence des hospitalisations pour Covid-19 : SMR = 1,88 (IC 95% : 1,54-2,25)
  • Fréquence des décès lors des séjours hospitaliers pour Covid-19 : SMR = 2,14 (IC 95% : 1,29- 3,35)

De ce tableau, on peut déduire que le taux attendu de mortalité de la cohorte APS (inféré à partir du nombre de décés attendus par rapport à la taille de la cohorte de 54 874) qui a été utilisé par les auteurs serait de 0,016%. (ce qui est, notons-le, un peu moins que le taux de mortalité de la population donné tableau 4).

On peut aussi déjà noter que le taux observé de décès de la cohorte est de 0,035%, soit le double.

Cohorte sous méthotrexate au long cours : 55 392 patients

La même méthodologie a été appliquée à une population de patients sous methotrexate au long cours dans le tableau 8 pour les hospitalisations et le tableau 9 pour les décès.

 

  • Fréquence des hospitalisations pour Covid-19 : SMR = 1,77 (IC 95% : 1,49-2,08)
  • Fréquence des décès lors des séjours hospitaliers pour Covid-19 : SMR = 1,73 (IC 95% : 6 1,14-2,52)

Le taux de décès dans ce groupe méthotrexate est donc de 0,049%.

Le taux attendu de décès dans ce groupe témoin (taux utilisé pour la comparaison) est de 0,028% (déduit du nombre de morts attendus dans la cohorte de 55 392 patients).

Très clairement, on voit ici que la prise de méthotrexate, que 7,1% (3 906 / 54 874) des patients prennent dans la cohorte APS, engendre une augmentation très significative du SMR (morbidité/mortalité standardisé).

Grâce à ces résultats, on peut approximer le nombre de décès de la cohorte APS qui sont dus à la comédication avec le méthotrexate. En effet, la cohorte APS comporte 3 906 patients (tableau 3), avec un taux de mortalité de 0,049%, cela donne environ 2 patients sur les 19 décès de la cohorte APS.

Il resterait donc 17 patients dont le décès peut être attribué à l’exposition APS avec ou sans corticoïdes.

 

Etude 2

« Une seconde analyse basée sur une étude de cohorte exposés/non exposés a été réalisée afin de prendre en compte plus finement les caractéristiques individuelles ayant pu jouer un rôle sur les risques d’hospitalisation, de décès ou d’intubation liés au COVID-19. Les sujets exposés étaient ceux identifiés précédemment (i.e. sous APS au long cours), les non-exposés étaient des personnes tirées au sort dans la population générale et appariées aux exposés sur l’âge, le sexe, le recours à la CMU-C et le département de résidence.

Les risques d’hospitalisation pour COVID-19, de décès et d’intubation oro-trachéale lors des séjours hospitaliers pour COVID-19 ont été comparés entre sujets exposés et non exposés par une analyse univariée puis multivariée ajustée sur : les co-morbidités cardio-vasculaires, respiratoires, rénales, hépatiques ; l’addiction alcoolo-tabagique ; et la prise d’immunosuppresseurs, d’AINS ou de corticoïdes ».

La cohorte APS (antipaludéens de synthèse, hydroxychloroquine ou chloroquine) était de 54 874 patients auto-immuns qui « avaient reçu 5 délivrances supplémentaires dans les 12 mois précédents la dernière délivrance. Du 01 au 15 février 2020, 22 017 patients avaient au moins une délivrance d’APS ; 41 668 en janvier 2020 ; 42 206 en décembre 2019 ; 42 006 en novembre 2019 et 44 505 en octobre 2019 ».

Dans cette cohorte initiale de 54 874 patients (tableau 19), on peut noter les comédications notoires dans l’année précédant l’inclusion, dont :

  • 9,4% sous méthotrexate, soit 5 182 patients,
  • 31% sous corticoïdes, soit 17 019 patients.

De sorte que la cohorte de patients sous APS qui ne prennent ni corticoïdes ni méthotrexate est de 32 672 patients.

La cohorte APS est comparée à un groupe de patients non exposés aux APS dans le tableau 18 ci-dessus.


L’étude 2 montre une analyse multivariée de ces patients (tableau 21 mal numéroté dans l’étude).

« Dans les modèles multivariés ajustés sur les variables d’appariement et également sur les co-morbidités cardio-vasculaires, respiratoires, rénales, hépatiques, l’addiction alcoolo-tabagique et la prise d’immunosuppresseurs, d’AINS (anti inflammatoire non stéroïdien) ou de corticoïde. » 

En analyse multivariée après ajustement les sujets exposés aux APS, l’étude montre :

  • AUCUNE différence de risque d’hospitalisation pour Covid-19 (OR ajusté = 1,17 ; IC95% 0.85-1.61, p = 0.34)
  • AUCUNE différence du composite décès ou intubation (OR ajusté 0,85 ; IC95% 0,34 – 2,13, p=0.73)
  • AUCUNE différence de décès (OR ajusté = 1,17 ; IC95% 0,55-2.51, p=0,69)

Les corticoïdes pris par les malades auto-immuns sous APS (soit 31% des patients) confèrent un risque significatif de mortalité, d’hospitalisation pour Covid-19 et de composite accrue, statistiquement significatif en analyse multivariée : décès ORa = 3 377 (1.517- 7.518, p= 0.0029), hospitalisation QRa = 2,538 (1,585-4,063) et de composite QRa = 4,255 (1,23-14,421).

Par la suite, l’étude présente dans le tableau 23 une analyse multivariée de la cohorte APS contenant toujours le groupe avec comédication méthotrexate, mais plus le sous-groupe prenant des corticoïdes.

« De plus, nous avons réalisé une analyse complémentaire en excluant les patients sous corticoïdes oraux (total 137 898, n=36028 exposés et n=101870 non exposés appariés). Cette analyse ne met pas en évidence d’association entre l’exposition aux APS et le risque d’être hospitalisé, intubé ou de décéder ».

  • AUCUNE différence de risque d’hospitalisation pour Covid-19 (OR ajusté 1,13 ; IC95% 0.90-1.81, p=0.167)
  • AUCUNE différence du composite décès ou intubation (OR ajusté 1,34 ; IC95% 0,58 – 3,1, p=0.49)
  • AUCUNE différence de décès (OR ajusté 1,17 ; IC95% 0,55-2.51, p=0,69)

Mais alors que l’on pouvait s’attendre à une diminution du ratio QRa du fait d’avoir enlevé du groupe analysé des patients sous corticoïdes dont l’étude avait montré une augmentation des risques des décès ORa = 3.377), des hospitalisations QRa=2,538 et des composites QRa = 4,255), on voit des risques qui ne diminuent que très peu sur les hospitalisations, qui augmentent sensiblement pour le composite, mais surtout qui sont EXACTEMENT identiques pour les décès, avec exactement les mêmes intervalles de confiance, ce qui est sûrement improbable au vu des 18 845 patients enlevés dans cette cohorte.

À moins bien sûr qu’une erreur malencontreuse ne se soit glissée précisément à cet endroit-là du tableau, c’est-à-dire sur cette partie qui permet d’évaluer l’effet positif ou non des APS.

Et toujours aussi curieusement, alors que les auteurs ont pris soin tout au long de leurs analyses de mentionner dans le texte les chiffres des tableaux pour en résumer les résultats, pour cette partie du tableau 23 qui est la plus importante pour évaluer l’effet positif ou non des APS sur les décès, les auteurs ne mettent que cette simple phrase sans donner les valeurs :

« Les analyses supplémentaires menées pas-à-pas montraient que pour les 3 événements d’intérêt étudiés, l’association avec l’exposition aux APS disparaît lors de l’ajustement sur la comédication par corticoïdes oraux ».

 

 

Alors, on refait le match ?

Puisque les auteurs semblent avoir fait une erreur de retranscription dans leur tableau, nous avons voulu voir si nous pouvions estimer ce nombre de décès pour les patients uniquement sous APS (donc sans corticoïdes ni méthotrexate). Nous avons déjà vu un peu plus haut, grâce à l’étude 1, que le nombre de décès qui pouvaient être attribués à la comédication méthotrexate était de 2 sur les 19 décès que compte la cohorte totale. Concernant les patients sous corticoïdes et APS, ce que l’on sait c’est que le facteur de risque de décès pour ce sous-groupe est de 3,377 (tableau 21).

Ce facteur est calculé par rapport à un groupe témoin. Mais nous ne pouvons qu’estimer le taux de mortalité de ce groupe témoin. Nous savons qu’il y a eu 19 décès au total dans la cohorte de 54 574 patients, soit un taux de décès de 0,0349%.

Or l’analyse multivariée (table 21) nous dit que le facteur de risque de mortalité de l’ensemble de la cohorte APS est de 1,17, ce qui signifie que le taux de mortalité du groupe témoin est donc de 0,0298% (c’est ce qui a permis de calculer ce facteur de 1,17).

Afin d’estimer le nombre de patients décédés dans ce sous-groupe, nous pouvons utiliser 0,0298% pour l’estimation sur le groupe APS + corticoïdes en n’omettant pas de prendre en compte le facteur de risques dus aux corticoïdes (OR ajusté = 3,377), ce qui nous donnerait 0,101% pour ce sous-groupe APS + corticoïdes. 

Soit pour les 17 019 patients de ce sous-groupe, 17 décès.

Au final, cela signifierait donc que sur les 19 décès de la cohorte APS, on aurait 2 décès dans le sous-groupe méthotrexate, 17 dans le sous-groupe corticoïdes, et 0 dans le sous-groupe sans méthotrexate ni corticoïde. Ce qui changerait toute la conclusion de l’étude.

 

Conclusions et questions aux auteurs

Selon nos estimations approximées, il y aurait eu 0 décès chez les patients sous APS au long cours sans comédicamentation corticoïdes ni méthotrexate.

Bien sûr, ce ne sont que des estimations sur une analyse adhoc, et nous pensons qu’elle reflète en partie la réalité. Mais quelles sont alors les données brutes concernant les décès dans les sous-groupes corticoïdes et méthotrexate ?

Étant donné l’importance des conclusions de cette étude, nous invitons ses auteurs à communiquer le nombre de décès précis dans chacun des sous-groupes (APS sans corticoïdes ni méthotrexate, APS sans méthotrexate, APS sans corticoïdes) et à corriger les erreurs manifestes dans le tableau 23 au niveau des facteurs de risque des décès.

On pourrait ainsi vraiment conclure si oui ou non l’hydroxychloroquine ou la chloroquine ont protégé les patients atteints de maladie auto-immune sous traitement au long cours.

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