Pipette et petites annonces : le parcours parallèle des dons de sperme "artisanaux" en France

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Par Lucie LEQUIER - AFP
Publié le 14 août 2023 - 18:25
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DÉPÊCHE — À raison de dizaines de "petites annonces" en ligne publiées chaque jour, l'intérêt pour les dons de sperme "artisanaux" ne faiblit pas en France, assurent à l'AFP ceux qui y ont recours, malgré la démocratisation du parcours légal d'aide à la procréation.

"J'en retire une forme de reconnaissance : quand la receveuse à qui j'ai fait un don est tombée enceinte, elle m'a remercié, j'ai pu voir quelques photos du bébé", livre un homme, géniteur de deux enfants avec une même femme via un don informel.

Ne souhaitant pas fonder de famille lui-même, ce cadre de 37 ans, qui préfère rester anonyme, explique à l'AFP vouloir "laisser une trace sur Terre".

L'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) en août 2021 aux couples de femmes et aux femmes seules aurait pu les détourner des réseaux sociaux et forums où se rencontrent donneurs "artisanaux" et parents en attente d'enfant. Mais ce public est toujours présent sur ces plateformes parallèles.

Exclues

La "PMA pour toutes" a de fait entraîné un afflux de nouvelles demandes de dons de spermatozoïdes — 15.000 en 2022 contre 2.000 annuelles auparavant selon l'Agence de la biomédecine  — et fait grimper les délais d'attente.

La PMA "classique" ? Un parcours trop "compliqué" et coûteux, raconte à l'AFP Alma (tous les prénoms sont modifiés), 26 ans, qui craignait en tant que jeune femme seule de devoir "prouver [sa] légitimité" en recueillant l'accord d'un médecin et d'un psychologue.

"Ces futurs parents estiment avoir le droit de faire famille en dehors du parcours institutionnel", analyse le sociologue spécialiste de la famille François de Singly.

Recourir à un don de sperme d'une connaissance (la "procréation amicalement assistée") ou d'un (semi) inconnu, permet parfois davantage de garantir "l'accès aux origines et la maîtrise des informations" sur le géniteur, indique Marie Jourdain de l'Association des parents gays et lesbiens (APGL).

Les enfants nés de dons légaux récoltés après le 1ᵉʳ septembre 2022 auront le droit d'accéder à des informations sur leur donneur une fois adultes. Mais les paillettes de sperme soumises à l'ancienne législation permettant l'anonymat du donneur pourront être écoulées jusqu'au 31 mars 2025.

Karl, dont la femme ne peut bénéficier d'un parcours d'aide à la procréation en France, souhaite que d'autres exclus de la PMA "ne subissent pas les mêmes souffrances psychologiques". À raison d'une dizaine de dons mensuels, ce consultant de 43 ans explique être à l'origine de quatre grossesses en moins de deux ans.

Un autre donneur "illicite", âgé de 64 ans, affirme avoir engendré depuis 2007 pas moins de 120 enfants, un chiffre que l'AFP n'a pas été en mesure de vérifier.

"Je tiens une liste des naissances, que je donne uniquement aux parents", déclare-t-il. Afin d'éviter les risques de consanguinité, la loi limite pourtant à 10 le nombre d'enfants issus d'un même donneur de sperme.

Médiatisé depuis 2016, époque où il disait comptabiliser moitié moins de naissances, celui qui se surnomme "Superpapa" confie ne plus être en contact avec ses quatre propres enfants.

Il anime plusieurs groupes Facebook de mise en relation entre donneurs et "receveuses". Chaque membre doit préciser s'il souhaite une coparentalité, et la méthode désirée : "artisanale" à l'aide d'une pipette ; "semi-naturelle" avec pénétration au dernier moment ; ou "naturelle".

"Pas mal de donneurs, en arrivant à un rendez-vous prévu en don artisanal, imposent aux parents une méthode naturelle", regrette le modérateur, qui cite aussi des cas de demandes de contreparties financières.

S'ajoutent l'absence de garanties de tests médicaux et génétiques, mais aussi un risque juridique. "Le donneur peut changer d'avis et reconnaître l'enfant comme le sien à partir de la conception, n'importe quand, dans le cadre d'un projet solo, ou jusqu'au jugement d'adoption dans le cadre d'un couple de femmes", prévient Marie Jourdan de l'APGL.

Une possibilité qui n'effraie pas Alma, qui a accouché d'un petit garçon en août 2022 grâce à un don artisanal, et l'assure : "C'est la meilleure décision que j'ai prise de ma vie."

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