Zika : un colloque pour combattre le virus
Dengue, fièvre jaune, chikungunya, paludisme et désormais Zika: la lutte contre les moustiques, qui transmettent des virus dangereux à l'homme, sera l'un des questions abordées lors d'un grand colloque ce lundi 25 et mardi 26 à Paris sur Zika. Faut-il pour autant éradiquer tous les moustiques ? Apparus bien avant l'homme (le plus vieux fossile découvert a 95 millions d'années!), les moustiques sont aujourd'hui partout, sauf dans les zones trop froides aux pôles Sud et Nord. Environ 3.500 espèces sont connues, mais il y en a sûrement beaucoup plus.
La quasi-totalité pique: les femelles ont besoin de sang pour fabriquer leurs oeufs. Mais seule une centaine d'espèces posent problème pour la santé humaine: une quarantaine transmettent le paludisme (600.000 morts et 200 millions de personnes infectées annuellement, selon l'OMS). Les +aedes+ peuvent être porteurs des virus du zika, de la dengue, du chikungunya et de la fièvre jaune. Un autre groupe, les +culex+, amène des maladies invalidantes dues à des vers.
Les moustiques migrent, profitant de l'intensification des échanges et du commerce mondial, voyageant dans les pneus, les soutes d'avions... Et s'adaptent aux conditions environnementales que nous pouvons leur créer. Ainsi, la progression de l'Aedes albopictus (ou moustique Tigre) dans le sud de la France a suivi les axes autoroutiers: l'intrus entre dans une voiture et sort plus loin. Puis il se pose car cet insecte, qui vit une dizaine de jours, bouge peu par lui-même (200 à 300 m maximum). "Les moustiques ne feront pas 2 km pour trouver du sang si vous vous trouvez à 10 m!", souligne Eskild Petersen, professeur de médecine tropicale à l'université d'Aarhus, au Danemark. Se pose aussi le problème du réchauffement climatique qui, selon les scientifiques, favorise la propagation des espèces.
Les moustiques doivent-ils être éradiqués? Les bénéfices du moustique sont "très peu étudiés", admet Fabrice Chandre, directeur du Centre national d'expertise sur les vecteurs (CNEV). "Quoi qu'il en soit, ce sont des êtres vivants qui ont leur place dans un écosystème". Ils servent de nourriture à d'autres espèces. En infectant des animaux, ils jouent également un rôle "dans le contrôle des populations animales", abonde le biologiste Gilles Boeuf. En outre, seules les femelles de certaines espèces sont vecteurs de maladies. "Il n'y a pas d'intérêt à tuer tous les moustiques, ce serait écologiquement aberrant et d'ailleurs personne ne le propose", pointe M. Chandre. En revanche, "on peut imaginer éliminer les espèces invasives". Comme le moustique tigre, originaire du sud-est asiatique, qui a colonisé 20 pays d'Europe dans les années 2000.
Comment cibler les espèces dangereuses? "On ne va pas éradiquer une espèce de moustique, on va essayer de la contrôler au maximum", explique M. Chandre. Car "une partie échappe toujours aux traitements". Et notamment les oeufs, explique Anna-Bella Failloux, virologue à l'Institut Pasteur: "ils sont entourés d'une structure très résistante. Les insecticides ne peuvent pas entrer". Et quand bien même on traiterait tout un pays, il serait vite reconquis via les pays frontaliers.
Pour les scientifiques, il faut donc toute une palette de moyens: des insecticides, mais en quantité limitée en raison de leur impact environnemental et parce qu'ils entraînent des phénomènes de résistance des moustiques. Mais aussi la "lutte mécanique" (asséchement des habitats, moustiquaires imprégnées ou non d'insecticides, destruction des larves en milieu aquatique, etc ..). Mais les moustiquaires ne sont pas forcément un bon rempart face aux Aedes qui mordent surtout dans la journée, alors que d'autres espèces mordent surtout la nuit.
Le moustique tigre, lui, prolifère dans de tout petits points d'eau: coupelle, gouttière bouchée, mais aussi chiffon contenant un peu d'eau... "Là, ça devient compliqué de détruire tous les gîtes", relève M. Chandre. Autre piste: les scientifiques travaillent aujourd'hui à la mise au point de moustiques génétiquement modifiés. Une stratégie consiste à lâcher des mâles stériles. Une autre est d'immuniser les femelles (seules à piquer) contre le virus.
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