Comment bien lire un article scientifique ?

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FranceSoir
Publié le 04 juin 2020 - 11:17
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Comment bien lire un article scientifique ?
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National Cancer Institute / Unsplash
Lorsqu'on lit un article scientifique, il est important de maintenir un scepticisme raisonnable, tant pour les articles révisés par les pairs que pour ceux qui n'ont pas été révisés
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Pendant la crise du Coronavirus, de nombreux citoyens se sont plongés dans la littérature scientifique pour chercher des réponses à leurs doutes et inquiétudes, attitude bien compréhensible au coeur d'une période inédite et stressante. Les chercheurs, eux aussi, se sont impliqués de manière exceptionnelle, lançant des projets de recherche sur le sujet à toute vitesse. Les publications scientifiques liées au Coronavirus ont explosé. La base de données de la NLM (National Library of Medicine) comptait début juin plus de 17 000 articles publiés sur le nouveau coronavirus et le site bioRxiv, qui héberge des articles qui n'ont pas encore fait l'objet d'un examen par les pairs, recense plus de 4 000 articles sur le sujet. Cet engouement pour la science est un phénomène très positif, mais parfois source de malentendus très profonds, car le commun des mortels n'est pas habitué à la lecture et à l'interprétation de documents scientifiques. Carl Zimmer, journaliste scientifique pour le New York Times, donne quelques conseils pour bien lire ce “genre littéraire” très particulier, que nous résumons ici.

L'ouverture des données scientifiques pour éclairer les mesures de santé publique

Le 31 janvier 2020, le Wellcome Trust, fondation caritative de médecine dont le siège est en Grande-Bretagne, a qualifié le coronavirus de « menace significative et immédiate pour la santé dans le monde » et a encouragé à l'ouverture des données scientifiques pour que la communauté scientifique puisse apporter sa contribution à la réponse à la crise sanitaire.  Chercheurs, revues et organismes de financement ont réagi pour que les résultats de la recherche et les données en lien avec l'épidémie soient partagés rapidement et ouvertement.
Le monde entier a pu accéder, de manière exceptionnelle, à un grand nombre d'articles scientifiques, habituellement inaccessibles sans abonnement payant à des revues scientifiques.
Mais, face à ce tsunami d'articles, il faut savoir filtrer. Le journaliste du New York Times recommande tout d'abord d'utiliser un moteur de recherche comme Google Scholar, par exemple, pour rechercher des articles par mot clé ou par auteur. La profusion d'articles publiés doit inviter à la plus grande prudence car tous les articles ne se valent pas. Il faut donc éviter de prendre comme une vérité le premier article venu et chercher d'autres publications similaires pour les comparer.

L'origine et l'importance de l'examen par les pairs

Les premiers articles scientifiques ressemblaient davantage à des lettres entre amis, qui étaient ou non publiés dans les revues scientifiques. À partir de 1900, suite aux avancées de la science, les éditeurs de revues n'étaient plus experts en tout et ont commencé à envoyer les articles à des spécialistes extérieurs qui comprenaient mieux les détails, pour les aider à valider le contenu qu'ils allaient publier. Après quelques dizaines d'années, cette pratique s'est structurée et systématisée, comme une manière de garantir la qualité des articles publiés. Cette étape du processus de publication est maintenant connue sous le nom d'examen par les pairs (peer review en anglais).
Une revue ne publiera un article seulement après qu’un groupe de chercheurs externes, le comité de lecture, en aura validé le contenu comme acceptable.
La relecture par les pairs est donc un gage de qualité, mais il faut toujours faire attention! Tout d'abord, un bon article peut très bien être diffusé avant de passer par la revue par les pairs. Cela n'en fait pas pour autant un mauvais article, à classer immédiatement dans la catégorie “fake news”. C'est simplement un article en attente de validation. À l'inverse, un article de qualité moyenne peut très bien passer au travers du filtre de la lecture par les pairs. Ça n'est donc pas parce qu'un article a été validé qu'il représente automatiquement une vérité absolue.
Selon Zimmer, lorsqu'on lit un article scientifique, il est important de maintenir un scepticisme raisonnable, tant pour les articles révisées par les pairs que pour ceux qui n'ont pas été révisés: “ce n'est pas parce qu'un document passe l'examen par les pairs qu'il est au-dessus de tout examen.”
Le #Lancetgate, qui fait rage actuellement, est un cas d'école: une étude validée par les pairs et publiée par la prestigieuse revue The Lancet, le 22 mai, établissant la non-efficacité de la hydroxychloroquine, voire sa dangerosité. Cette étude  a été vivement critiquée par une partie de la communauté scientifique.

La revue a fini par prendre ses distances avec l'article en alertant les lecteurs “sur le fait que de sérieuses questions scientifiques ont été portées à (son) attention”.


Des textes au format inhabituel (en quatre parties)

Les articles scientifiques ont un format particulier, bien différent des articles journalistiques ou de la littérature classique. Ils commencent généralement avec un peu de contexte pour justifier les nouvelles recherches qu'ils contiennent. Les auteurs exposent ensuite les méthodes qu'ils ont utilisées pour effectuer cette recherche, présentent ensuite les résultats de leurs recherches et terminent par une discussion sur la signification de ces résultats. Les scientifiques soulignent généralement les lacunes de leurs propres recherches et proposent des idées pour de nouvelles études afin de voir si leurs interprétations peuvent être complétées ou confirmées.
En général, les chercheurs ne sont pas formés pour écrire et leur style linguistique peut être parfois difficile à comprendre. À cela s’ajoutent les demandes des publications ou relecteurs qui peuvent modifier la structure et compliquer sa compréhension.

Il faut donc lire ces textes avec attention et ne pas se hâter vers des conclusions, sans être sûr d'avoir bien compris le jargon utilisé.

Les réseaux sociaux : des sources fiables?

Selon Zimmer du New York TImes, les réseaux sociaux ne sont pas bons ou mauvais en soi pour trouver des informations scientifiques. Ils sont même un endroit très riche, qui permet d'accéder à des fils de discussion, sur Twitter par exemple, de très grande qualité, avec des débats de haut niveau, argumentés, entre scientifiques sérieux qui discutent de la validité de tel ou tel article.  Il faut simplement veiller à suivre des personnes possédant une expertise approfondie et non des robots ou des comptes complotistes ou qui ne diffusent que des fake news.

Enfin, lorsque vous lisez un article scientifique, essayez de penser comme le font les autres scientifiques. Posez-vous quelques questions de base pour juger leur valeur. Est-ce que les données prennent en compte seulement quelques patients ou des milliers? L’article confond t-il corrélation et causalité? Les auteurs présentent-ils réellement les preuves nécessaires pour tirer leurs conclusions? Jugez par vous mêmes!

Et surtout, n'oubliez jamais: la science ne présente pas une vérité absolue, mais seulement l'état actuel des connaissances faisant consensus, à un instant donné.

La science est donc faite pour évoluer et parfois pour être réfutée très rapidement!

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