Déficit de l'Unédic : l'Etat assis sur une bombe budgétaire
Comment les négociations de l’Unedic, qui ont commencé officiellement le 22 février, vont-elles se terminer? Mal très probablement, du moins sur un plan comptable. Sauf miracle, le régime devrait une nouvelle fois afficher un déficit entre 3 et 4 milliards d’euros (il a été de 4,4 milliards en 2015, environ 3,6 sont attendus pour 2016) pour un total cumulé –pour l’instant– de 25,8 milliards fin 2015. On devrait se rapprocher dès cette année des 29 milliards de déficits cumulés et atteindre avant 2020, si rien ne change, un montant égal à l’ensemble des cotisations collectées sur une année (34 milliards d’euros actuellement).
Une très mauvaise nouvelle pour une caisse paritaire dont l’équilibre dépend très largement d’un niveau de chômage qu’elle ne maîtrise pas: plus le chômage est faible, plus les cotisations rentrent et moins le nombre de personnes à indemniser est important. Or, le contexte est exactement l'inverse. Les chômeurs sont aujourd’hui 2,6 millions à recevoir une allocation. Soit d'ailleurs à peine plus de 40% du nombre de personnes inscrites à Pôle Emploi.
Or, ce déficit de l‘Unédic, bien qu’il ne soit pas stricto sensu du ressort de l’Etat –le régime étant géré paritairement, il est donc privé– fait peser une menace pour la dépense publique qui pourrait se retrouver avec le devoir de tout éponger. Et cela hors du radar des comptes publics.
Chaque année, l’Etat se porte "caution bancaire" de l’Unédic, qui comble ses milliards de déficit en empruntant sur les marchés les fonds nécessaires à l’équilibre, par la dette, entre les cotisations reçues insuffisantes pour soutenir les allocations versées, selon des critères définis par les organismes paritaires. Une aubaine pour les investisseurs: "Comme l’Etat garantit la dette de l’Unédic, les marchés font confiance. C’est même une affaire intéressante pour eux!" ,explique Jacques Bichot, économiste et membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Une dynamique qui fait grossir la dette potentielle de l’Etat. Potentielle car comme il s’agit d’une caution, et comme l’Unédic arrive pour l’instant à réemprunter sur les marchés chaque année pour éponger son déficit, rien ne sort des caisses de l’Etat. Mais si un jour les prêteurs privés perdent confiance, la caution s’enclenche. Et l’addition qui vient avec de tous les déficits cumulés.
L'Etat poussé à cautionner le déficit
L’Etat n’est pourtant, en théorie, pas obligé de se porter garant du déficit de l’Unédic. Il n’a en réalité pas le choix comme l’explique Jean-Yves Archer, économiste spécialiste des finances publiques: "Vous imaginez si demain l’Unédic n’arrive plus à se financer? Cela signifie que l’on ne pourra plus verser les indemnités chômage aux 2,6 millions d’allocataires, du jour au lendemain. Autant vous dire que le résultat en termes de mouvement social sera plus brutal que du blocage de raffineries…".
A défaut de bombe sociale, l’Etat choisit donc la bombe budgétaire. Et cela en toute opacité. En effet, les engagements de l’Etat ont, en finances publiques, la particularité d’être placé en "hors bilan" comme ils ne correspondent pas à un décaissement immédiat. Le chiffre n’apparaît donc pas dans le déficit officiel (70,5 milliards en 2015). Et Jean-Yves Archer l’assure, la question n’est pas débattue à l’Assemblée nationale lors des débats du projet de loi de finances: "Le choix de placer un engagement en hors bilan est une décision qui vient directement de l’Elysée et du gouvernement. Les députés n’ont pas leur mot à dire".
Et la cocotte-minute du déficit de l’Unédic n’a que peu de chance de se résorber. D’une part car il faudrait que le chômage baisse nettement et sur la durée pour amorcer une épuration du passif avec plus de cotisations et moins de dépenses. D’autre par cart, comme le souligne Jacques Bichot, c’est le système de gestion de l’Unédic qui pousse à cette dérive: "Un système efficace serait celui où l’Etat décide des critères d’indemnisation et où les partenaires sociaux gèrent la caisse. Or, actuelement, ce sont ces mêmes partenaires sociaux qui prennent les décisions et gèrent la suite de ces décisions. L’Etat, lui, se contente de faire les gros yeux". Et de garantir le déficit toujours croissant.
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