Emploi : la faiblesse de l'industrie française sera-t-elle un frein à la baisse du chômage ?
Promis, juré a annoncé le gouvernement, l’année 2016 sera celle de "l’inversion de la courbe du chômage" promise depuis 2012. Et même si les dernières donneés sur l’emploi sont légèrement dans le rouge (+9.200 demandeurs d'emploi, chômage à 10,5% de la population active pour le mois de mai), les prévisions de croissance faites soit par l’Insee (+1,6% pour 2016), soit par la Banque de France (+1,4%) laissent penser qu’une baisse du chômage est possible. Du moins dans les statistiques.
Mais certains économistes s’inquiètent: le tissu économique français générera-t-il réellement des emplois pour accompagner cette croissance? En ligne de mire de ces inquiétudes: la faiblesse du secteur industriel. Or, dans les pays développés où le chômage reste bas ou s’amoindrit, l’Allemagne (4,7%) et les Etats-Unis (5,5%) notamment, c’est un puissant secteur industriel qui maintient le dynamisme et fait sortir les demandeurs d'emploi de la case "chômage".
"L’industrie française n’est pas assez forte, elle souffre d’un déficit structurel, et il ne pourra pas y avoir de baisse durable de l’emploi sans un vrai plan de relance. En l’état actuel, le potentiel de réduction du chômage doit être de 300.000 personnes maximum" s’inquiète Patrick Levy-Waitz président de la fondation ITG-Travailler autrement. Qui se désole d’ailleurs d’une faiblesse du secteur secondaire, dans "un pays où les entreprises industrielles sont performantes, qui possède une géographie exceptionnelle, et où un vrai mouvement est en marche. Mais les autorités politiques n’arrivent pas à l’assumer".
De fait le tissu industriel français recule encore, même si des usines s’ouvrent encore dans l’Hexagone. Le cabinet Trendeo, qui les a recensé pour l’année 2015, en a ainsi dénombré ainsi 146 nouvelles pour 2015, principalement dans des secteurs comme le traitement des déchets, la chimie et la méthanisation. Mais, revers de la médaille, durant la même période, 190 autres ont définitivement mis la clé sous la porte. Soit une "déficit" de 44 sites industriels.
Subtilité statistique
L’industrie est un secteur d’autant plus fragile qu’il est structurellement destructeur d’emploi: les gains de productivité, le progrès technique, peuvent en période de faible croissance, suffire à maintenir une activité en baissant les besoins humains. "Non seulement l’industrie est un secteur qui a traditionnellement de moins en moins besoin d’emplois, mais il est en outre très exposé aux facteurs extérieurs comme le prix de l’énergie et la concurrence internationale. Ce n’est pas le cas des services qui, en comparaison, sont un secteur protégé" explique à FranceSoir Mathieu Plane, Directeur adjoint du Département analyse et prévision à l’OFCE. Qui tempère cependant la vision statistique d’une industrie faible qui serait un frein à la baisse du chômage, rappelant que le diagnostic est plus complexe qu'il n'y paraît: "il existe beaucoup d’activités périphériques comme la maintenance ou les services juridiques qui ont été externalisés alors qu’avant ils étaient inclus dans l’activité de l’entreprise. Or cette externalisation a fait statistiquement passer ces emplois du secteur industriel au secteur des services. Or, ils existent toujours! C’est un peu comme l’intérim qui est toujours considéré comme un emploi dans les services même lorsqu’il est effectué dans une usine".
Et si la période semble sur la durée peu favorable à l’industrie française, les choses pourraient s’améliorer: boostée par un contexte économique favorable et la chute des cours de l’énergie, le taux de marge dans le secteur industriel après avoir plongé pendant la crise retrouvent des niveaux records à 40% de la valeur ajoutée. Un niveau que l’on avait plus connu depuis l’année 2000. Une époque où le chômage en France était tombé à 8,1%. Heureux présage?
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