Hausse du Smic ? Pourquoi le gouvernement refuse

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DD.
Publié le 04 décembre 2018 - 19:02
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Le Smic augmentera de 1,24% au 1er janvier 2018
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© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives
Le gouvernement refuse d'augmenter le Smic.
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Le gouvernement exclut toute hausse du Smic au-delà de sa revalorisation mécanique au 1er janvier, malgré la demande des gilets jaunes excédés par l'érosion de leur pouvoir d'achat. Une hausse du salaire minimum, pour populaire qu'elle serait, représenterait un impact conséquent pour les finances publiques, ce que l'exécutif ne veut visiblement pas assumer... ou compenser par d'autres prélèvements.

C'est l'une des principales demandes des gilets jaunes protestant depuis trois semaines contre l'érosion de leur pouvoir d'achat. Et ce mardi 4, le Premier ministre Edouard Philippe n'en a pas dit un mot. La conclusion de ce silence: hors de question pour le gouvernement d'augmenter le Smic au-delà de la revalorisation automatique.

Pourtant, de prime abord, la hausse du Smic, outre qu'elle serait très populaire, pèserait surtout sur les entreprises. Une bonne affaire pour l'Etat donc. Mais la hausse du salaire minimum, et la volonté du gouvernement de ne pas l'augmenter –via un "coup de pouce"– au-delà de sa révision du 1er janvier cache aussi un autre élément: elle représenterait un coût considérable pour les finances publiques.

Car si l'Etat augmente le Smic, charité bien ordonnée commençant par soi-même, il devra d'abord le faire pour l'ensemble de ses personnels, contractuels ou sous statut, qui touchent le revenu minimum d'un travailleur, soit environ 890.000 personnes. De plus, les allégements de charges sur les bas salaires –jusqu'à 1,6 fois le Smic– sont réglés par l'Etat auprès de la Sécurité sociale. En conséquence une augmentation du salaire minimum se traduira par une hausse des versements compensatoires.

Pourtant autant, une hausse du Smic représente aussi des gains fiscaux supplémentaires pour l'Etat, via notamment des rentrées de TVA –sur la part (assez aléatoire) du salaire supplémentaire qui serait dépensée et non épargnée. Pas de gain a priori du côté de l'impôt sur le revenu toutefois, les personnes concernées restant non imposables même en touchant 100 euros nets ou un peu plus par mois.

Selon une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OCDE), une hausse de 1% du Smic coûte 0,02 point de PIB soit une dépense de 500 millions d'euros pour les caisses de l'Etat. Une hausse notable, par exemple de 200 euros net (sur un Smic net à payer de 1.149 euros) représenterait ainsi une dépense de 8,5 milliards d'euros. Pour rappel, l'ISF rapportait aux environs de 5 milliards d'euros (contre "seulement" 1,2 milliard pour l'IFI qui lui a succédé). Cette impôt dont les gilets jaunes demandent le établissement, complété par les apports de TVA, voire d'un maintien de la part alloué à l'Etat des hausses de la taxe carbone (dont Philippe a seulement annoncé la suspension, et pas la suppression) pourrait en théorie couvrir une telle dépense. Reste ensuite le choix politique.

Lire aussi: Philippe prêt à recevoir les "gilets jaunes", pas de coup de pouce au Smic

Ce dernier n'est d'ailleurs pas inédit. Augmenter de 200 euros net le Smic représente une hausse d'environ 17%. En 1968, les accords de Grenelle avait accouché d'une hausse de 35% du salaire minimum. Un changement considérable qui avait été en partie atténué par la forte inflation de l'époque puis celle due aux deux chocs pétroliers. Et si ce risque d'une hausse galopante des prix semble écarté aujourd'hui, une correction du marché est à attendre suite à une forte hausse du revenu pour environ 2,5 millions et demi de salariés du public et du privé. A noter que, dans l'exemple de l'après Mai 1968, la croissance des salaires ayant été supérieure à celle des prix, le gain de pouvoir d'achat était au final réel pour les concernés à l'époque.

Reste un dernier domaine où la hausse brusque du Smic serait un choc majeur: celui de la compétitivité des entreprises, et notamment des plus petites puisque 25% des salariés sont au Smic dans les TPE-PME (contre 4,5% dans les grandes entreprises). De plus, une hausse du Smic entraîne une hausse mécanique des salaires juste au dessus du seuil minimum. S'il passe ainsi à 1.300 euros, il faudra également augmenter les salariés à 1.200 euros qui n'étaient pas considérés comme au Smic. Un salaire minimal trop élevé peut donc agir comme un repoussoir à l'embauche.

Toujours selon l'étude de l'OFCE, une hausse de 1% du Smic détruirait environ 2.300 emplois. Une précédente étude du Centre de recherche en économie et statistique (CREST) estimait même un chiffre pouvant aller jusqu'à 25.000 emplois détruits. Soit théoriquement entre 40.000 et... plus de 400.000 postes supprimés dans l'hypothèse d'une hausse de 200 euros net! Et donc autant de chômeurs supplémentaires indemnisés par de la dépense publique. 

Une fourchette si large signifie surtout que l'impact d'une telle hausse du Smic est dificile à anticiper, pouvant virer à l'aubaine autant qu'à la catastrophe. Un pari pour les finances publiques autant que pour le marché de l'emploi ou la compétitivité des petites entreprises, dont certains patrons garnissaient les rangs des gilets jaunes, que le gouvernement n'a pas voulu prendre. Ce que les manifestants risquent fort de lui reprocher.

Voir aussi:

Député, François Ruffin (LFI) se paiera au Smic 

Gilets jaunes: Martinez réclame une augmentation du Smic

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