Privatisation de la Française des jeux : acheter des actions, le pari gagnant ?
Fin 2019, la vente d'actions de la Française des jeux, (FDJ) issue de la cession d'une majorité des parts de l'Etat, sera lancée. Des particuliers pourront se porter acquéreur. Acheter des titres d'une structure rentable pourrait s'avérer intéressant, mais non sans risques.
Le gouvernement, par la voix du ministre de l'Economie Bruno Le Maire, l'a annoncé: les particuliers pourront décider d'acquérir des actions de la Française des Jeux (FDJ) qui va quitter le giron public d'ici la fin 2019. L'Etat, qui détient actuellement 72% du capital de la société d'économie mixte, va baisser sa participation à 25% ou 30% selon une source de l'Agence France Presse.
Interrogé mercredi 5 sur BFMTV et RMC, le ministre a assuré que sa volonté était de "relancer l'actionnariat populaire" indiquant que le grand public pourrait aussi acquérir des titres qui seront donc mis sur le marché. Mais l'épargnant qui se laissera tenter fera-t-il une bonne affaire? En l'état, le flou est encore total, d'autant que l'on ignore avec précision quelle sera la part du capital qui sera effectivement mise à disposition des petits porteurs.
Sur le papier, certains éléments font de cette société, dont Bruno Le Maire a bien rappelé qu'elle était "rentable", une affaire alléchante pour les actionnaires. Si la FDJ dépense des sommes conséquentes en marketing, doit faire face à la concurrence d'opérateurs privés sur les paris sportifs et entretenir un réseau de plus de 30.000 distributeurs, la structure a engrangé 15,8 milliards d'euros de paris en 2018. Après les charges de son fonctionnement, l'Etat actionnaire a pu récupérer 3,5 milliards de contribution globale au budget et une centaine de millions d'euros de dividendes (voir ici). Et la législation reste encore très favorable verrouillant de faits certains secteurs des jeux d'argent à la concurrence extérieur: la FDJ garde un monopole légal sur tous les jeux de grattage, ceux de tirage et les paris sportifs en points de vente "physiques".
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Sauf que c'est justement là que le bât blesse: la FDJ doit aussi une large part de son succès financier à ces barrières légales. Les opérateurs privés qui ne peuvent pas aller sur les secteurs protégés doivent en outre se soumettre à une obligation de légale de 85% de "taux de retour aux joueurs" (TRJ, soit la part des paris distribués en gains) pour luter, officiellement, contre l'addiction (voir ici l'analyse de l'Arjel, l'Autorité de régulation des jeux en ligne).
Or, une libéralisation accrue du marché se traduirait par une concurrence plus forte des opérateurs qui serait préjudiciable à la FDJ, pouvant faire chuter sa rentabilité (et donc ses dividendes, voire le cours de l'action). Et les opérateurs piaffent d'impatience pour mettre la main sur la manne française. Malgré les régulations encore importantes les cantonnant aux paris sportifs ou hippique et au poker en ligne, ces entreprises affichent des chiffres de croissance à deux chiffres (voir ici) et se verraient bien bénéficier d'une nouvelle dérégulation du marché après celle de 2010. Une situation délicate pour le petit porteur qui voit donc l'intérêt de son investissement dépendre non pas d'une performance de marché mais de la préservation de verrous légaux… qui peuvent sauter d'une simple décision politique. Reste à savoir qui seront les autres investisseurs institutionnels, et quels seront leur pouvoir d'influence pour conserver les avantages monopolistiques. Le pari gagnant pour les petits épargnants pourrait bien se trouver de ce côté-là.
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