Taux d'intérêt au plus bas : l'aubaine avant la double peine ?

Auteur(s)
Bernard cadeau, édité par la rédaction
Publié le 29 mai 2019 - 18:59
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Des pancartes d'agences immobilières.
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©Philippe Huguen/AFP
Le moment reste opportun pour les acheteurs... avant un retournement?
©Philippe Huguen/AFP

Les taux d'intérêt immobiliers n'en finissent pas de flirter avec le plancher laisant craindre une réaction brutale en cas de remontée. Une perspective possible dont la rapidité et l'intensité joueront pour beaucoup dans les conséquences. L'analyse de Bernard Cadeau, ancien président du réseau Orpi, pour France-Soir.

Selon l’expression consacrée, "les arbres ne montent pas jusqu’au ciel", nous le savons bien. Mais, que dire des taux d’intérêt? Dirions-nous qu’ils ne "descendent pas jusqu’aux abysses"?

Je ne sais pas, mais force est de constater qu’ils battent record sur record à la baisse, depuis de longs mois maintenant.

Sur un plan macroéconomique et financier, la baisse des OAT et la politique de taux de la BCE (qui finance les établissements bancaires) expliquent cette baisse continue. Doit-on s’en réjouir ou bien s’en inquiéter?

Certes l’euro sert de bouclier, mais la masse monétaire augmente, et la France continue de s’endetter à des taux très faibles. Quid alors, de nos comptes publics et de notre balance commerciale, en cas de remontée des taux? L’avenir le dira bien sûr. Notons par ailleurs, que, fort heureusement, la crise sociale actuelle, ne se double pas d’une crise financière.

Pour l’heure, et si nous revenons au marché immobilier, emprunter pour acheter, revient à bénéficier d’un taux négatif! En effet, le taux moyen des crédits en avril s’établissait à 1,35 %, pour une inflation à 1,8 % . Le calcul est rapide.

L’augmentation tendancielle de la durée des emprunts, et la baisse de l’apport personnel requis, conduisent à une augmentation mécanique du pouvoir d’achat. Les jeunes et les revenus modestes peuvent ainsi plus facilement entrer sur le marché. Cette situation devrait perdurer plusieurs trimestres, voire semestres, les spécialistes n’anticipant aucune remontée avant 2020.

Lire aussi: Les agences immobilières de Stéphane Plaza accusées de discrimination raciale (vidéo)

Cet effet d’aubaine profite évidemment aux acquéreurs, qui n’ont jamais eu d’aussi bonnes conditions pour emprunter. Il leur est donc vivement conseillé de mener à bien leur projet d’achat, s’ils sont encore hésitants. Ceci vaut pour la résidence principale, comme pour l’investissement locatif. En comparaison d’autres placement, rappelons que l’immobilier offre des rendements de l’ordre de 4% avant impôt (voire plus), ce qui est tout à fait honorable. Le levier du crédit est particulièrement judicieux.

Dans ce contexte, et, en zones tendues c’est-à-dire les zones à forte densité (Paris, Bordeaux, Lyon, etc.) où la demande excède l’offre, les prix grimpent et battent eux aussi des records. Le nombre de biens disponibles baisse en proportion. La flexibilité des prix est nulle. Les vendeurs se doivent d’être raisonnables, car malgré les superbes conditions d’emprunt, arrive un moment où le pouvoir d’achat ne suit plus, et les acquéreurs ne peuvent plus acheter …les arbres ne grimpent toujours pas jusqu’au ciel! Attention donc à ne pas bloquer le marché faute d’acquéreurs solvables!

Une question revient en permanence : qu’adviendra-t-il en cas de remontée des taux? Les acquéreurs subiront ils une sorte de double peine, à savoir, une remontée des taux couplée à un niveau élevé des prix?

Rappelons ici que les emprunts sont réalisés à taux fixes en France. Il faut saluer cette pratique qui met les emprunteurs à l’abri de mauvaises surprises. Ce système, couplé à la solvabilité de l’emprunteur plutôt qu’à la valeur du bien, a fait ses preuves dans le passé, notamment durant la crise des subprimes en 2008.

Pour mesurer les conséquences d’une remontée des taux, il faudra considérer deux facteurs: l’augmentation et le tempo. L’augmentation, bien sûr, car par hypothèse, passer brutalement de 1,35% à 2%, aurait des conséquences immédiates sur le marché. Le tempo aura également son importance, car, dans mon exemple, passer à 2% en 12 mois n’aurait pas le même impact qu’en trois mois!    

Alors, quelles leçons pouvons-nous tirer, et quelles perspectives à court terme?

Tout d’abord, cette analyse met en exergue l’immense différence de marché entre les zones dites non tendues où les prix augmentent peu voire régressent, et les zones tendues dans lesquelles l’offre est plus rare face à une demande très forte et des prix qui grimpent. Aussi longtemps que l’on ne se donnera pas les moyens de rééquilibrer offre et demande via une politique de construction massive et de mobilisation du parc existant, cette situation perdurera. Quand verrons-nous ce choc de l’offre promis?

Coté acquéreurs, mon conseil est à l’évidence de profiter des conditions actuelles pour mener à bien leur projet, après l’avoir bien analysé.

Coté vendeurs, je mets en garde contre une tentation de prix trop élevés, qui ne rencontreraient pas d’acheteurs potentiels. Nous avons déjà connu cette situation délicate et dangereuse par le passé: des prix trop forts abaissent l’offre, le temps de la prise de conscience est de plusieurs mois et le marché se bloque … avant de voir les prix baisser de nouveau.

Bon sens et pragmatisme: plus que jamais, chacun devra méditer cela dans les mois à venir!

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