Un barème "indicatif" des indemnités prud'homales : pour quel impact ?

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 16 mars 2016 - 08:36
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Un code du travail.
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©Gile Michel/Sipa
Face à la contestation des syndicats, le gouvernement a accepté que le barème des indemnités prud'homales soit simplement "indicatif".
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Manuel Valls a annoncé lundi la mise en place d'un barème "indicatif" des indemnités prud'homales pour licenciement abusif. Quel impact sur les salariés et les employeurs? Et les recours aux prud'hommes sont-ils vraiment un frein à l'embauche, comme l'assure le patronat?

L'avant-projet de la loi Travail  prévoyait un plafonnement à 15 mois de salaire pour 20 années d'ancienneté. Salué par le patronat, il était décrié par syndicats, avocats, politiques, économistes qui ont agité le risque d'une flambée de licenciements abusifs.

Face à la bronca, Manuel Valls a revu la copie, annonçant la création d'un barème indicatif, "qui sera une aide pour les juges prud'homaux – mais pas un carcan".

Pour Me Déborah David, avocate chez Jeantet (côté entreprise), le plafonnement "était une mesure nécessaire". Mettre en place un référentiel "ne servira pas à rassurer les employeurs contraints de licencier pour motif économique ou n'importe quel autre motif".

Me Frédéric Chhum, spécialiste du droit du travail, y voit une "mesure symbolique", sans aucun effet sur les pratiques des juges. Un barème "indicatif" existe déjà, mais ils n'en tiennent pas compte, relèvent les avocats.

Les détracteurs du plafonnement applaudissent. "On sort de cette logique inacceptable selon laquelle une entreprise pouvait calculer à l'avance, au centime près, le coût d'un licenciement injustifié", salue Pascal Lokiec, professeur de droit à Nanterre.

Est-ce qu'il y aura un dispositif qui conduirait à "forcer la main" du juge? Quels critères seront pris en compte (ancienneté, durée du chômage, âge...)? Est-ce qu'il y aura un plancher, comme c'est le cas actuellement ?

Le ministre de l'Economie Emmanuel Macron s'était dit favorable à l'instauration d'un plancher, toutefois M. Valls n'en a pas parlé lundi. Un décret fixera le barème indicatif. Il devrait reprendre le plafonnement initialement prévu, mais Matignon ne ferme pas la porte à la mise en place d'un plancher ou au relèvement du plafond.

Actuellement, le plancher est obligatoire: un salarié de plus de deux ans d'expérience dans une société de plus de dix salariés doit percevoir une indemnité d'au moins six mois de salaire.

"Ce plancher a un effet dissuasif pour l'employeur et est incitatif pour le salarié, qui a la garantie de ne pas perdre plus d'argent (en frais de justice) qu'il ne va en gagner" en dommages et intérêts, explique Me Van der Vlist, trésorier du collectif Syndicat des avocats de France.

Les indemnités prud'homales sont présentées par le patronat comme "une loterie", "une cause vraiment importante de la peur d'embaucher", selon le président du Medef, Pierre Gattaz. L'argument est repris par l'exécutif, confronté au chômage de masse.

Or une récente étude du Centre d'études de l'emploi remet en question ces craintes: "Ce ne sont pas les procès prud'homaux qui contribueraient à augmenter le chômage, mais la hausse de celui-ci qui provoquerait un recours plus élevé aux arbitrages judiciaires".

Il a calculé une "grande stabilité" des recours entre 1983 et 2012: entre 150.000 et 170.000 nouvelles affaires par an, soit 7,8 recours pour 1.000 salariés du privé, alors que la moyenne européenne est de 10,6.

Considérer que les prud'hommes freinent les embauches, "c'est partir du principe que les patrons sont voyous et qu'ils embauchent pour licencier de manière abusive", ironise Michel Demoule, responsable CGT spécialisé des prud'hommes.

Il rappelle que la décision aux prud'hommes est prise de façon paritaire, par deux représentants de salariés et deux représentants de l'employeur. "Les prud'hommes, ce n'est pas un repaire de salariés qui veulent saigner à blanc le patron", ajoute-t-il. Les décisions sont en moyenne favorables au demandeur à 70%.

Les indemnités sont fixées librement en fonction du préjudice subi. Les juges prennent également en compte l'âge, l'ancienneté, la taille de l'entreprise et surtout les difficultés éprouvées à trouver un emploi après le licenciement.

La pratique veut que les dommages et intérêts soient proportionnels à l'ancienneté: 10 mois de salaire pour 12 ans d'ancienneté et un maximum de 30 mois de salaire pour 30 années d'ancienneté, selon les avocats.

La loi Macron instaurait un barème basé sur l'ancienneté et la taille de l'entreprise, avec un plafond (27 mois) et un plancher (3 mois), mais le Conseil constitutionnel l'a retoqué jugeant que le critère de la taille était sans lien avec le préjudice.

 

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