Chasse à la baleine au Japon : un secteur économique à l'agonie et subventionné

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Damien Durand
Publié le 26 décembre 2018 - 16:57
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Viande de baleine en boîte
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Le secteur de la viande de baleine est en grande difficulté.
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Le Japon a annoncé ce mercredi sa sortie de la Commission baleinière internationale (CBI) et sa reprise de la chasse à la baleine à visée commerciale (et plus seulement "scientifique"). Le secteur souffre pourtant d'une désaffection des Japonais pour la viande de baleine, et ne survit que par de coûteuses subventions décidées par les pouvoirs publics pour sauver une activité qui garde un fort attachement symbolique.

L'annonce a sonné comme un coup de tonnerre pour ceux qui sont engagés pour la défense des baleines contre la poignée de pays qui les chassent encore: le gouvernement japonais a annoncé ce mercredi 26 qu'il se retirait de la Commission baleinière internationale. En conséquence, l'archipel n'est plus tenu à l'interdiction de la chasse à la baleine. Il jouait jusque-là sur une ambigüité légale qui autorisait la chasse à des fins de "recherches scientifiques", ce qui limitait cependant les quotas autorisés. La décision de ce mercredi, qui ne prendra effet que le 30 juin prochain, met fin à toutes limitations autres que celles définies par la législation japonaise. Celles-ci sont déjà connues d'ailleurs: le porte-parole du gouvernement a annoncé que la pêche se limitera aux eaux territoriales et à la zone économique exclusive du Japon, soit tout de même quatre millions de kilomètres carrés (septième zone maritime mondiale).

Si les spéculations sur les raisons motivant ce choix semblent tourner autour de considérations diplomatiques, ce n'est pas le poids économique du secteur de la pêche à la baleine qui a pu justifier une telle décision lourde de conséquences.  

Si la viande de baleine a pu être un met populaire au Japon, cette tendance fait partie d'un passé déjà lointain. En 1962, les Japonais consommaient 233.000 tonnes de viande de baleine, mais ce chiffre a chuté à 5.000 tonnes en 2011 et à 3.000 tonnes en 2016 selon les données gouvernementales nippones. De plus, selon des chiffres datant de 2013, l'industrie de la viande de baleine employait 1.000 personnes au maximum. Et cette activité n'est absolument pas rentable, ne survivant que grâce aux subventions de l'Etat japonais qui verse chaque année l'équivalent de 45 millions d'euros aux acteurs du secteur, selon le chiffre de l'ONG Sea Shepherd (voir ici une tribune de l'organisation), opposée à la chasse aux baleines. La plupart de l'activité est d'ailleurs concentrée autour du port de Shimonoseki, dans la préfecture du Yamaguchi, un territoire rural au sud-ouest du Japon, qui est aussi le fief électoral de Shinzô Abe.

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Le choix japonais répond donc à des motivations hors du champ de l'économie et du mode de vie. Primo, les Japonais semblent majoritairement attachés à la pêche à la baleine même quand ils n'en consomment pas (60% y sont favorables selon un sondage en avril du quotidien Asahi Shimbun). Ou, plus précisément, les Japonais semblent agacés majoritairement de se voir imposer une législation supranationale sur une question intérieure aussi symbolique. Secundo, le Japon répond ainsi au rejet en septembre dernier par la Commission baleinière internationale de son projet d'autoriser la chasse commerciale (et non plus seulement les quotas "scientifiques" limités) pour les espèces qui ne sont plus en voie de disparition. Le texte avait été rejeté, et le Japon, devant le camouflet, avait menacé de se retirer. La menace a donc été mise à exécution. Pas sûr qu'elle poussera les consommateurs nippons à se réintéresser massivement à la viande de baleine. Mais le secteur d'activité agissant sur des considérations politiques et non plus de marché, cela ne pourrait guère compter au moment où les baleiniers prendront la mer à la recherche de proies.

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