Comment Apple a échappé à l'impôt
D'abord, enregistrer en Irlande l'ensemble des bénéfices en Europe, puis s'arranger avec Dublin pour ne soumettre à l'impôt qu'une infime partie de ce montant, afin de placer le reste dans une sorte de siège fantôme: la recette d'Apple pour échapper à l'impôt, selon la Commission européenne. Car l'exécutif européen n'a pas seulement sommé le géant américain de l'informatique de rembourser la somme record d'au moins 13 milliards d'euros à l'Irlande. Elle a aussi détaillé sa méthode d'optimisation fiscale agressive, avec, semble-t-il, la complicité irlandaise.
Deux entités d'Apple basées en Irlande sont concernées: "Apple Sales International", chargé de vendre les produits du groupe en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et en Inde, générant des milliards d'euros de profit, et "Apple Operations Europe", qui fabrique certaines gammes d'ordinateurs, à l'activité beaucoup moins importante. Toutes deux ont le droit de distribuer les produits Apple en Europe dans le cadre d'un accord avec la maison mère américaine, qu'elles financent à hauteur de 2 milliards d'euros par an (déductibles) afin de soutenir une partie de la recherche et développement du groupe. Ensuite, la technique est simple: enregistrer en Irlande l'ensemble des bénéfices engendrés par les ventes en Europe. Un iPhone acheté par un Français dans un Apple Store à Paris? Les bénéfices partent à Dublin
C'est ensuite qu'entre en scène l'Etat irlandais. Qu'il s'agisse d'"Apple Sales International" ou d'"Apple Operations Europe", la méthode est la même: depuis 1991, il avalise une répartition interne totalement artificielle des bénéfices. Une partie infime du produit des ventes, issues pourtant de toute l'Europe, est ainsi comptabilisée dans la partie irlandaise de chaque entité et soumis à un impôt sur les sociétés de 12,5%. Le reste, pour ne pas dire l'écrasante majorité des bénéfices, part dans un hypothétique "siège" situé hors du pays, sur lequel l'Etat irlandais se refuse à avoir un droit de regard.
Qu'a retrouvé la Commission européenne sur ces deux "sièges" fantômes ? Rien, ou presque: pas de salariés spécifiques, pas de locaux et aucune capacité opérationnelle lui permettant d'exercer la moindre activité concrète. Seul signe d'existence, des réunions occasionnelles des deux Conseils d'administrations, composés de cadres d'Apple employés à temps plein en Irlande. On y cause dividendes, arrangements administratifs et gestion de trésorerie. Ces sièges hypothétiques n'existent donc que sur le papier, mais ils permettent à Apple d'éviter l'impôt. Le groupe n'a payé que 0,05% d'impôt sur ses bénéfices annuels totaux en 2011. Le pourcentage, déjà effarant, descend même à 0,005% en 2014.
La courbe ne va pas plus bas: l'accord passé avec Dublin ne s'applique plus depuis 2015, date à laquelle Apple a changé sa structure en Irlande. Dernier détail souligné par la Commission: l'Irlande n'est pas le seul pays concerné par ce remboursement. Si un pays s'estimait lésé d'avoir vu pendant des années le produit de ventes réalisées sur son territoire partir en Irlande pour échapper à l'impôt, il pourrait lui aussi réclamer sa part de gâteau, réduisant mécaniquement le montant dû à Dublin.
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