Economie du partage : les syndicats dénoncent la destruction des droits sociaux

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 15 mars 2016 - 10:49
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Un téléphone affichant l'application Uber.
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Pour certains responsables syndicaux, des entreprises comme Uber profitent du travail d'employés sans jamais devoir payer de charges sociales.
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Des responsables syndicaux européens s'inquiètent de l'impact de "l'économie du partage" et de ses acteur sur les droits des salariés, et appellent les gouvernements à anticiper les évolutions qu'implique le développement de cette économie.

L'explosion de "l'économie du partage" menace de détruire les droits sociaux durement acquis par les salariés depuis le XIXe siècle, ont averti cette semaine plusieurs responsables syndicaux réunis à Rome.

Des études récentes, commandées par ces syndicats, révèlent par exemple que près d'un adulte sur huit en Suède travaille pour ce secteur, où modes de consommation traditionnels et certains modèles sociaux sont remis en cause, ont souligné ces responsables, qui appellent les gouvernements à anticiper dès maintenant ces bouleversements pour l'essentiel encore à venir.

Philip Jennings, secrétaire général de l'UNI Global Union, une fédération mondiale des syndicats des services, juge ainsi que le monde syndical fait face à un défi énorme dans ses tentatives d'introduire des règles dans un secteur qui tente systématiquement de les mettre de côté, particulièrement en matière sociale.

"Il y a une prise de conscience croissante que cette fois, c'est différent", a-t-il affirmé à l'AFP, en marge de cette conférence. "Il est clair pour nous que le +capitalisme digital+ est aussi dur et impitoyable que ses ancêtres de la révolution industrielle ont pu l'être", assure-t-il. Cette économie qui réduit le sort d'un salarié à un simple clic ne peut pas réduire ainsi les droits des salariés, explique ce syndicaliste.

M. Jennings juge que les gouvernements commencent à réaliser que des entreprises comme Uber profitent du travail d'employés sans jamais devoir payer de charges sociales ou respecter les autres obligations des employeurs, en ayant recours à des travailleurs indépendants.

"En tant que syndicats nous avons réalisé ce problème en partant du point de vue de la dignité dans le travail. Ils (les gouvernements) réalisent que ce système détruit aussi un modèle d'assurance sociale qui existe en Europe depuis (Otto von) Bismark", le premier chancelier de l'empire allemand au XIXe siècle.

Susanna Camusso, secrétaire générale du principal syndicat italien, la CGIL, estime de son côté que la précarité croissante inhérente au développement de "l'économie du partage" est une indication de la façon dont l'Union européenne a abandonné tout intérêt à promouvoir un minimum de règles sociales communes en son sein.

"Il est tout à fait approprié de se réunir dans la ville qui a vu naître l'UE parce que ce que nous voulons c'est une Europe comme elle était à ses débuts et non comme elle est maintenant", a-t-elle expliqué.

Pour Frank Bsirske, chef du puissant syndicat allemand des services, verdi, les dirigeants des plates-formes digitales, de type Uber ou autres, n'en croyaient pas leurs yeux quand ils ont vu qu'il était possible d'employer du personnel aussi longtemps qu'elles le voulaient et de s'en débarrasser au moment précis où elles n'en avaient plus besoin.

"Les gens ne savent pas s'ils vont travailler d'une semaine sur l'autre, voire d'une heure sur l'autre", assure-t-il. "Il n'y a pas de congés payés, pas de retraite et aucune assurance maladie", déplore encore ce syndicaliste.

Pour M. Bsirske, la priorité en ce qui concerne les syndicats est d'obtenir que les personnels employés sur une base temporaire à certaines tâches via des plates-formes sur internet, soient reconnus en tant que salariés pour pouvoir bénéficier des lois sociales existantes, ce qui n'est bien souvent pas le cas vu leur statut d'indépendant.

Un centre d'études suédois a révélé que 12% de la population active en Suède (environ 737.000 personnes) travaillaient déjà dans cette nouvelle économie et que 24% d'entre eux cherchaient un travail dans ce secteur. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par d'autres études menées en Grande-Bretagne et publiées l'an dernier.

D'autres études de ce type doivent être prochainement publiées en Autriche, Allemagne, France, Espagne, Pays-Bas, Hongrie et Belgique.

Les syndicats vont devoir se battre avec acharnement pour faire admettre au monde politique les problèmes provoqués par cette nouvelle économie face au lobby intense de multinationales comme Uber et Amazon, qui disposent de moyens considérables

"Ils s'efforcent de faire vaciller les modèles que nous avons en Europe", explique-t-il. "Les enjeux sont élevés", ajoute-t-il, "et ce n'est pas le moment pour les gouvernements de tourner la tête".

 

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