L'accident mortel d'une Tesla influe sur l'avenir de la voiture autonome
La mort du conducteur d'une Tesla équipée d'un système de pilotage automatique activé est un contretemps fâcheux pour le développement des voitures autonomes dont il va retarder l'arrivée sur les routes, estiment les experts.
"Clairement c'est une chose horrible mais dans l'ensemble ça ne va pas affecter la technologie" autonome, résume Richard Wallace du Center for Automotive Research à Ann Harbor (Michigan, Nord des Etats-Unis). Ce tragique accident devrait toutefois à court terme "affecter la perception de la technologie", concède l'analyste.
Les autorités américaines ont ouvert jeudi 30 juin une enquête après l'accident mortel d'une berline de luxe, la "Model S", de Tesla équipée d'Autopilot, un système maison permettant à la voiture d'effectuer seule des manœuvres comme changer de voie, accélérer, décélérer, freiner et stationner.... Il est activé et désactivé par le conducteur.
Ce système était actif lorsqu'"un camion a pris un tournant à gauche en face d'une Model S à une intersection", le 7 mai, sur une route de Floride (sud-est), selon l'agence américaine de la sécurité routière (NHTSA). D'après les déclarations aux médias américains du conducteur du poids lourd, Frank Baressi, le propriétaire de la Model S, Joshua Brown, regardait un film au moment de l'accident. Lors de l'introduction en 2015 d'Autopilot, Tesla avait conseillé à ses clients de rester vigilants.
Ce tout premier accident mortel d'une voiture en pilotage automatique fragilise l'argument des défenseurs de cette technologie qui mettaient en avant sa sécurité et estimaient qu'elle devrait permettre de réduire les accidents de la route, dont 90% sont dues à des erreurs humaines, et fluidifier la circulation.
Nouvelle frontière pour les régulateurs et les assureurs, la technologie autonome est basée sur des capteurs sophistiqués, des ordinateurs et des caméras mais soulève des interrogations sur le partage des responsabilités en cas d'accident et des dilemmes éthiques, comme celui de savoir si le véhicule doit sacrifier ses occupants pour éviter la collision avec des piétons.
"Ni Autopilot ni le conducteur n'ont détecté la manœuvre du poids lourd (...) donc les freins n'ont pas été enclenchés", a par exemple assuré Tesla en référence à l'accident de Floride. "Mon inquiétude, ma crainte est que cet accident aurait pu être évité", confie à l'AFP Mary Cummings, responsable du laboratoire de l'autonomie à la Duke University. "Je crains qu'il ne fasse faire un pas en arrière à l'industrie", ajoute-t-elle, regrettant que Tesla n'ait pas réglé les "points aveugles" attachés, selon elle, à Autopilot.
En début d'année devant des parlementaires américains, Mme Cummings avait déjà appelé à n'autoriser la voiture autonome sur les routes que lorsque la technologie aura été complètement éprouvée. Des voitures semi-autonomes sont déjà en circulation. "Il y aura des inconnues, des points qui vont être des surprises pour les ingénieurs et ça je peux l'accepter", avait-elle défendu.
Cet accident est "très triste", a réagi vendredi Harald Krüger, le patron de BMW, tout en promettant la première voiture autonome du groupe d'ici 2021. "La sécurité prime sur le reste", a-t-il affirmé.
Le potentiel de la voiture autonome considérée avec l'électrique comme l'avenir de l'automobile a entraîné une course contre la montre entre Detroit, berceau de l'automobile américaine, et la Silicon Valley, temple de la technologie, pour savoir qui sera le premier à l'introduire sur les routes d'ici 2020. De General Motors à Apple en passant par Ford, Google, Fiat Chrysler et Uber, les projets, les alliances stratégiques et les acquisitions de start-ups spécialisées affluent.
L'accident tragique de la Model S devrait tempérer cet enthousiasme, avance Ron Montoya chez le cabinet Edmunds.com. Les consommateurs "n'auront peut-être pas envie (maintenant) de faire confiance à un tel système", souligne-t-il. "Nous nous attendons à ce que nos machines soient parfaites et quand ce n'est pas le cas, ça fait peur", ajoute-t-il se disant "persuadé que la technologie autonome est l'avenir des voitures".
Les régulateurs américains sont censés publier au courant de l'été un premier guide sur les voitures autonomes pour à la fois répondre aux impatiences des constructeurs et apaiser les craintes des consommateurs comme des assureurs.
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