Victoire de Trump : le Canada s'inquiète pour son accord de libre-échange
L'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, animée par des relents protectionnistes, suscite une vive inquiétude au Canada, lié depuis près de trente ans par un accord de libre-échange avec son voisin américain, qui absorbe les trois quarts de ses exportations. En campagne électorale, Donald Trump a promis de renégocier, voire de retirer son pays de l'Accord de libre-échange nord-américain (Aléna), étendu au Mexique en 1994 à partir d'un précédent traité conclu par le Canada et les Etats-Unis en 1989.
Cette éventualité suscite bien des craintes au Canada, immense pays regorgeant de matières premières pour qui le maintien d'une frontière ouverte est un impératif vital compte tenu de la petitesse de son marché intérieur de 36 millions de personnes. Le Canada et les Etats-Unis sont des partenaires commerciaux privilégiés, avec des échanges qui ont totalisé 670 milliards de dollars américains (550 milliards d'euros) en 2015, soit 1,3 million chaque minute. "Il est vital pour le commerce bilatéral que la frontière entre nos pays demeure ouverte pour assurer le passage rapide des biens", selon le président de la Chambre de commerce du Canada, Perrin Beatty.
L'arrivée à la présidence du candidat républicain n'annonce "rien de bon" pour le Canada, estime Louis Bélanger, politologue à l'université Laval à Québec et spécialiste des accords de libre-échange. "Cela va être extrêmement difficile si le président Trump met en oeuvre les politiques que le candidat Trump a promises". En fait, confie-t-il à l'AFP, "la grande question est de savoir comment une administration Trump va réagir devant la réalité des choses. C'est vrai pour tout et pas juste le commerce". "Dans l'ensemble, l'impact risque d'être négatif", convient Charles St-Arnaud, analyste de la banque Nomura.
La remise en question de l'Aléna serait d'autant plus grave pour le Canada que le pays est engagé depuis 27 ans "dans une restructuration industrielle basée sur une spécialisation de production en vue de satisfaire un marché nord-américain intégré", explique Louis Bélanger. "Alors, demain, remettre cela en question (...), c'est pas une petite chose". "L'incertitude", enchaîne-t-il, "va avoir des effets des deux côtés de la frontière, et le Canada les ressentira davantage", avec 20% de son produit intérieur brut tiré de ses exportations vers les Etats-Unis. La banque Desjardins de Montréal, juste avant le scrutin, prévoyait "une récession canadienne" en cas de retrait américain de l'Aléna.
Mais le commerce avec le Canada est aussi important pour les Etats-Unis, car 12,5% de leurs exportations y aboutissent, indique Charles St-Arnaud. Le Premier ministre du Québec, Philippe Couillard, n'attend "pas de perturbations majeures à part sur le dossier du bois d'oeuvre" (litige commercial en cours, NDLR), soulignant que le Canada est le premier partenaire commercial de 34 Etats américains. Les emplois de près de 9 millions d'Américains dépendent aussi de ces échanges, selon les données du gouvernement canadien. "Il faut s'attendre à des soutiens au Congrès pour l'Aléna", estime Stephen Randall, professeur à l'université de Calgary (Alberta, ouest) spécialisé dans les relations nord-américaines. "La pression va être mise sur le Mexique, pas le Canada", croit-il.
L'énergie est l'un des seuls secteurs au Canada qui pourrait véritablement tirer profit de l'élection de Donald Trump, avec sa promesse de relancer le projet d'oléoduc transfrontalier Keystone XL entre l'Alberta et les raffineries du Texas sur le golfe du Mexique. "Il y a gens en Alberta qui commencent à voir la lumière au bout du tunnel", après deux ans de récession provoquée par la chute des cours du pétrole, note M. Randall. "Il y a de l'espoir pour le Keystone XL", même si Donald Trump a aussi parlé de taxer les exportations canadiennes d'hydrocarbures.
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