Bescherelle : des conjugaisons au point médian, un repère contesté
Le nom de Bescherelle est un repère pour la langue française, depuis le grammairien du XIXe siècle spécialiste des conjugaisons jusqu'à l'éditeur d'aujourd'hui, confronté à un public qui supporte moins bien les carcans.
Dans la "Chronologie de l'histoire de la langue française", qui paraît mercredi, les auteurs publiés sous la marque Bescherelle prennent notamment position sur le très controversé point médian.
Ce signe veut marquer dans l'écriture inclusive une égalité entre masculin et féminin, comme dans "les artisan·e·s" (exemple tiré d'un manuel scolaire de 2017). Mais d'après le Bescherelle, il "ne contribue pas à simplifier l'orthographe" - ce qui n'est pas son but - et, plus fâcheux, "ne correspond pas à une prononciation".
Si le Bescherelle est irremplaçable pour apprendre la conjugaison de moudre, est-il une référence aujourd'hui ?
Pour beaucoup de parents et d'enseignants, oui. Les éditions Hatier, qui revendiquent la place de numéro un en France du "parascolaire" (ouvrages destinés aux élèves en dehors de leur établissement), font vivre la marque avec succès depuis 1913.
Les éditions de certains de leurs manuels de conjugaison ont dépassé le million d'exemplaires. Fin août, ils ressurgissent systématiquement parmi les meilleures ventes en librairie.
- Mer pleine d'écueils -
D'autres trouvent un côté suranné à ces tableaux normatifs, comme Sylvain Wagnon, professeur en Sciences de l'éducation. "Le Bescherelle, en se fondant exclusivement sur un apprentissage par cœur, ne prend pas en compte l'évolution de l'enseignement", accusait-il dans un article.
Comme le rappelle la "Chronologie de la langue française", le concept est âgé de 180 ans. Les frères Bescherelle publient en 1842 "Véritable manuel des conjugaisons", manuel de 700 pages pour enfin naviguer dans cette mer pleine d'écueils que sont les verbes français.
Le bibliothécaire et grammairien Louis-Nicolas Bescherelle (1802-1883) n'a pas laissé sur la langue la même empreinte qu'Émile Littré, Pierre Larousse, Maurice Grevisse, ou même Édouard Bled. Un grand linguiste de notre siècle, Alain Rey, interrogé par l'AFP en 2013, s'étonnait même de la popularité de la marque.
Mais le succès d'une parodie, en 2014, a prouvé son immense notoriété, voire sa cote d'amour. Son créateur Sylvain Szewczyk avait eu l'audace de s'approprier le nom d'utilisateur @Bescherelle sur Twitter, de créer la marque "Bescherelle ta mère". Il corrigeait les fautes de français les plus absurdes.
Bescherelle avait alors créé son compte, @BescherelleFR. "C'était notre entrée sur les réseaux sociaux. Et c'était sympa de voir combien de gens s'intéressaient à la langue et aux fautes de français", dit à l'AFP Véronique Cabon-Tournier, des éditions Hatier.
- "Besoin de références" -
Par moments, ce compte passe pour trop directif. En mars, il écrivait que "le mot après-midi est masculin et invariable". Or, le féminin est fréquent à l'oral comme à l'écrit, ce que même l'Académie française reconnaît. Et la très officielle réforme orthographique de 1990 adoube "les après-midis".
"On connaît le système français, l'enseignement très centralisé, l'attachement au bien-parler et au bien-écrire... Ce besoin de références se fait ressentir. Mais nous ne sommes pas un dictionnaire, ni une autorité qui légifère", commente l'éditrice du Bescherelle.
Louis-Nicolas Bescherelle et son frère avaient pourtant publié en leur temps un "Dictionnaire national" tombé en désuétude face à ses concurrents. Ils affirmaient en introduction: "La langue a besoin non pas d'être bornée, mais fixée, ce qui est une tout autre chose".
Leurs successeurs se sont lancés dans d'autres aventures. Il y a 25 ans, ils s'attaquaient aux langues étrangères: l'espagnol d'abord, puis l'anglais, l'allemand, l'italien et le chinois.
Ils publient, mercredi également, deux premiers ouvrages de mathématiques, "Bescherelle maths école" et "collège".
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