"Faire vivre le village", la gageure de maires ruraux soumis à rude épreuve
"La mairie c'est tout le temps": les maires ruraux ne comptent pas leurs heures pour "faire vivre le village" malgré la difficulté grandissante d'une fonction parfois malmenée.
"Je suis loin d'être aux 35 heures. La mairie c'est tout le temps", déclare Adrien Pellegrini (LR), constructeur immobilier de 40 ans et maire de La Longeville (Doubs) depuis 2014. Cette commune boisée de 800 habitants, qui compte neuf fermes laitières et de nombreux travailleurs frontaliers, est située dans le Jura, près de la frontière suisse.
Le premier magistrat du village se lève toute la semaine à 6H00, passe à la mairie et arrive au travail à 7H00. Au bureau, sa boîte mail professionnelle côtoie celle de la mairie. Sur son téléphone portable: la cartographie des réseaux d'eau et d'assainissement. "Si je suis au travail et que j'ai une demande pour construire une maison, je vois immédiatement si le terrain est constructible et si l'eau passe dessus", explique-t-il.
"Par contre, j'ai fait comprendre que je n'étais pas le maire des crottes de chien et des bruits de voisinage, ce n'est pas ça qui fait avancer une commune." Adrien Pellegrini a d'autres soucis comme la mise en sécurité de la voirie ou le projet de création d'un bâtiment pour accueillir les activités périscolaire et la cantine de l'école.
Mais être maire d'une commune rurale, peut aussi être douloureux. "C'est au maire de constater et d'annoncer les décès. C'est dur. On n'est pas formé psychologiquement pour ça… ", confie M. Pellegrini.
Il n'oubliera jamais ce jour funeste de février 2016 où deux adolescents du village décèdent dans un accident de car scolaire, ni celui où un agriculteur meurt, écrasé sous une balle de foin.
Le maire de Belmont et président de l'Association des maires ruraux du Doubs, Daniel Cassard, 76 ans, constate chaque jour que "le moral n'est globalement pas bon" parmi les 430 maires de l'association.
- Querelles de voisinage -
"Beaucoup de petites communes vont avoir du mal à constituer une liste lors des prochaines élections municipales et on s'attend à 50% de renouvellement, contre environ 35% en général", prédit l'édile de 76 ans qui achèvera son sixième mandat en mars.
L'avènement de l'intercommunalité a "dépouillé le maire de ses prérogatives", il est "de plus en plus relégué à gérer les querelles de voisinage, les gens ne supportent plus rien", regrette-t-il.
Dans les communes rurales de moins de 3.500 habitants l'indemnité est modeste, de 661 à 1.673 euros brut par mois, selon leur population.
Daniel Cassard, dont l'épouse fleurit bénévolement la commune depuis 37 ans, dénonce également "les incivilités", voir "la violence physique" à l'encontre des élus locaux, évoquant le décès du maire de Signes (Var), Jean-Mathieu Michel, dans l'exercice de ses fonctions.
Lundi, 85 parlementaires de la majorité LREM-MoDem ont lancé un appel intitulé "Touche pas à mon maire !" pour dénoncer cette violence.
Malgré les difficultés du mandat, "beaucoup de maires se bougent" pour "faire vivre le village", souligne cependant Jean-Nicolas Gruneisen, élu à Cubry (Doubs), petite commune de 87 habitants.
Devenu maire sans étiquette un peu par hasard en 2017, ce père de famille de 49 ans consacre beaucoup d'énergie à la vie de sa commune. "J'ouvre le courrier tous les soirs en rentrant du travail" et "j'ai passé des week-end entiers à faire des dossiers de subventions", raconte ce cadre commercial du secteur agricole.
Motivé par la satisfaction des habitants, il a fait rénover la mairie, l'église et la chapelle du château néogothique de la commune, militant aussi pour l'ouverture d’une 4e classe dans l'école des enfants du village.
Pour lui, "dans un village rural, on a la chance de pouvoir s'auto-administrer" et "avec de l'enthousiasme et un peu d'investissement, on peut faire bouger beaucoup de choses".
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