À l'occasion de la Journée internationale des infirmières, nous avons souhaité donner la parole à deux infirmiers d'un hôpital privé de l'Est. Frankie a travaillé pendant onze ans aux urgences, et travaille aujourd’hui en SSPI (salle de soins post interventionnelle) depuis deux ans. Sandra travaille quant à elle en bloc opératoire depuis 25 ans. Ils nous livrent aujourd’hui leurs visions du métier, les évolutions qu’ils ont observées, ce pourquoi ils continuent à l’exercer et les difficultés qu’ils rencontrent parfois. Le métier d’infirmiers, applaudi tous les jours pendant le premier confinement, est un métier éprouvant, mais lorsque c'est par passion qu'il est exercé, la reconnaissance des patients l’emporte sur la fatigue.
Par rapport à votre ambition initiale, est-ce que vous retrouvez les valeurs pour lesquelles vous vous êtes engagés ? Si oui qu’est ce qui continue à vous motiver, et si non qu’est-ce-qui a changé ?
Sandra : Mon travail est en constante évolution mais je trouve tous les jours les valeurs pour lesquelles je me suis engagée. Après tout ce temps, ma motivation est différente mais intacte. Ce qui me motive, c'est le travail en équipe autour du patient, les actions que chaque jour on peut mettre en place pour améliorer la prise en charge du patient.
Bien sûr, c’est un travail éprouvant et ce n'est pas tous les jours facile. Les exigences de traçabilité, de rentabilité et de performances sont souvent pesantes et cela fait partie du métier que de trouver des solutions afin d'améliorer le quotidien. Actuellement, la surcharge de travail nous fige et nous empêche d’exercer le métier comme on aime, c’est regrettable.
Avez-vous remarqué des évolutions au fil du temps dans la relation patients-infirmiers et dans l’attente des patients vis-à-vis du monde médical ?
Frankie : Je pense que la relation patients/infirmiers dépend beaucoup du service dans lequel on travaille. Aux urgences, cette relation est beaucoup plus conflictuelle, le patient doit souvent attendre longtemps, dans la douleur et le stress. Son urgence à lui n'est pas forcement la même urgence que pour les soignants. Cela engendre des tensions qui sont délétères et nuisent à une bonne relation entre les patients et le soignant. En SSPI le patient est programmé et préparé pour aller au bloc opératoire, son attitude est donc différente et il a besoin du soignant pour le rassurer et le soigner. La relation est donc plus facile et le patient plus reconnaissant.
Cette relation a évolué car actuellement le patient devient un consommateur de soins, c'est-à-dire qu'il est considéré comme un client. Cette notion modifie la relation car le patient "client" fait souvent plus valoir ses droits en oubliant qu'il a aussi des devoirs envers le soignant. La crise du covid a mis en avant le travail des soignants, la pénibilité, le manque de reconnaissance et le sous-effectif dans certaines spécialités.
Pourquoi selon vous vos patients préfèrent-ils se faire soigner dans le privé ? Qu’est-ce qui selon vous justifie ce choix ?
Frankie : Certains patients préfèrent se faire soigner dans le privé, car ils se sentent rassurés de payer, c’est le gage d’une prise en charge de qualité. De plus, les cliniques privées sont souvent de plus petite taille que les grands centres hospitaliers, l'ambiance est plus familiale. L’existence d’hôpitaux privés peut entraîner une médecine à deux vitesses, entre ceux qui peuvent payer et les autres… Cependant les grands centres hospitaliers sont indispensables, car certaines spécialités très pointues et très coûteuses ne peuvent être réalisées dans le privé (réanimation, recherche, cancérologie…).
Y a-t-il quelque chose en particulier dans votre métier dans lequel vous vous accomplissez particulièrement ?
Frankie : Tout d’abord, l'évolution constante des techniques opératoires en chirurgie permet de soulager les conditions de travail. Ces évolutions, combinées aux contacts positifs et bienveillants avec les patients et l'équipe pluridisciplinaire me permettent de supporter les conditions de travail et me poussent à être meilleur tous les jours. La prise en charge psychologique du patient comme du soignant devient primordiale aujourd'hui, si l'on veut faire évoluer le soin, il faut comprendre qu'un soignant épanoui est un soignant bienveillant envers son patient.
Sandra : Le contact avec le patient est un élément fondamental de notre métier. La finalité est le bien-être du patient. Soulager ses douleurs, son stress et créer un environnement apaisant malgré des soins souvent douloureux est un défi de tous les jours. Chaque patient est unique et chaque prise en charge est différente et enrichissante. La réalisation de différents gestes techniques est également un élément important et motivant pour moi, ainsi que le travail en équipe. C’est surtout le remerciement verbal des patients qui est gratifiant et me motive à revenir le lendemain.