Eléphantes en danger : l'association One Voice s'attaque aux cirques, "zones de non-droit"
TRIBUNE - Lechmee, c’est une vieille dame éléphant. Elle est née en Asie dans les années 60. Et depuis 45 ans, elle vit aux côtés de Mina et de Kamala, ses compagnes, nées elles aussi libres et arrachées à leur famille pendant leur petite enfance.
Une fois importées comme des objets, et vendues à un cirque, leur vie n’a plus été que dressage par la force sous les coups de pique, des camions en guise de cage, la route sur des milliers de kilomètres chaque année, et les parades dans les villes, avant de se voir exhibées une à deux fois par jour sur la piste, entre musique tonitruante et lumières éblouissantes.
A présent, Lechmee est handicapée d’une patte, et ne voit plus. Elle dépend de Mina pour s’alimenter. Cette dernière lui fourre gentiment de la nourriture dans la bouche, et, avec Kamala, l’entoure avec bienveillance et attention quand elles doivent parader dans les rues. Leur amie a tant de mal à marcher... Et à savoir où aller.
Sur la piste désormais, sa trompe cherche à tâtons à se repérer dans l’espace. Mais sans ses amies elle ne traverse en vain qu’un air obscur et sombre. Le dresseur s’agace, et fait s’abattre sur elle une pluie de coups de pique d’ankus, ce bâton dont l’extrémité est un double pic en acier, conçu pour se faire "respecter" des éléphants... En marge des spectacles, chaque virage que prend le camion, chaque coup de frein est un coup de poignard sous le pied. Son poids est devenu insupportable, elle réussit tant bien que mal à ne pas s’écrouler. Chaque été ce sont plus de 1.600 kilomètres qui sont engloutis par le cirque qui les détient, elle et ses soeurs de destin. Leur exploitation lucrative chante toujours le même refrain: Camion, ankus, chaine, ennui, parade, ankus, piste, ankus, route... stress, souffrance.
Voir: Indignation face au calvaire de l'éléphante Lechmee dans un cirque à Nice (vidéo)
Pendant de nombreuses années, les autorités ne reconnaissaient ni intelligence ni sensibilité aux animaux, on disait même qu’ils ne ressentaient pas la douleur. Ce temps est révolu! Les avancées de la science et l’évolution du droit rendent certaines activités -quand bien même seraient-elles traditionnelles- dépassées. Les cirques doivent se réinventer, c’est le sens de l’Histoire!
Depuis trois ans que One Voice alerte sur le sort de Mina, Kamala et Lechmee, nous avons filmé, lancé des procédures inédites pour des éléphantes, et lancé une pétition pour elles (voir lien en fin d'article). Nous avons écrit, suivi et attaqué de nouveau en justice. Nous réclamons que ces trois éléphantes nous soient confiées, afin de pouvoir procéder à leur transfert dans l’un des sanctuaires avec lequel nous sommes partenaires.
Rien que les six derniers mois, nous avons dénoncé, vidéos à l’appui: une décharge électrique utilisée comme moyen de coercition sur Kamala, un coup de poing violent d’un des "soigneurs" reçu par Mina à la face, et un enclos quinze fois plus petit que la réglementation l’impose.
Oui, il y a un problème de respect du droit pour les animaux dans les cirques en France. Ces éléphantes sont en danger. Et nous allons plus loin, tous les animaux sont en danger dans ces lieux, qui sont des zones de non-droit.
Notre plainte pour mauvais traitements est en cours d’instruction. Mais au delà du cas de ces trois malheureuses, One Voice a attaqué l’arrêté interministériel dit "cirques" du 18 mai 2011, pour faire interdire la possession et l’exploitation de tous les animaux par les cirques et réclamer leur transfert dans des sanctuaires, où ils pourront vivre une vie décente, au plus près de ce qu’elle aurait pu et dû être hors des chapiteaux.
Nous étions donc jeudi dernier le 25 octobre 2018 au Conseil d’Etat, contre le représentant du ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, qui a affirmé sans ciller que tout allait bien pour les animaux dans les cirques.
Pourtant, l'Ordre national des vétérinaires ainsi que la Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF), autorités nationales des vétérinaires confirment ce que leurs homologues européens avaient annoncé: vouloir aller vers "l'interdiction de l'usage des mammifères sauvages dans le cadre de cirques itinérants", et que les "conditions dans lesquelles les animaux sont détenus ne peuvent satisfaire à leurs besoins physiologiques et sociaux". Dans le rapport Picket on peut lire que la vie des animaux dans les cirques "ne vaut pas la peine d’être vécue". Mieux vaudrait donc être mort que de subir cela... Quant aux psychologues, ils affirment que de montrer le spectacle de la violence banalisée aux enfants altère leur capacité à ressentir de la compassion et de l’empathie, au point qu’ils ne pourraient plus à l’âge adulte les protéger. Est-ce de cette société là que nous voulons, alors que la main de l'Homme est déjà derrière la sixième extinction de masse des espèces animales?
Lire: La Terre a perdu 60% de ses animaux sauvages en 44 ans
Les risques vitaux ne sont pas nuls pour les spectateurs ou les habitants des villes dans lesquelles les cirques font escale. Fin 2013, l’éléphante Samba, refusant de rejouer la mort de sa famille, a tué un vieil homme en tentant de s’enfuir. Elle fut battue par le dresseur, puis rebaptisée et continue d’être exhibée partout. Il y a tout juste un an, la tigresse Mévy, a payé de sa vie d’un coup de fusil à pompe en plein Paris les seules 30 minutes de liberté de sa courte existence... Nous ne souhaitons cela à personne. Faisons évoluer notre société, vers des cirques sans animaux.
> Pour signer la pétition de One Voice pour Mina, Kamala et Lechmee: cliquer ici
[Edit vendredi 2 novembre à 12h44: suite à la parution de cette tribune, le cirque propriétaire des animaux a exercé son droit de réponse. Celui-ci est à lire en cliquant ici].
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