Ehpad privés : Orpea limoge son patron, le groupe visé par une "action collective" de familles
Accusé de graves manquements dans la prise en charge des résidents de ses maisons de retraite, le groupe Orpea a tenté d'allumer un contre-feu en limogeant son directeur général avant la convocation mardi de ses dirigeants par le gouvernement, et s'expose désormais à une "action collective" des familles.
Le conseil d'administration de l'entreprise a annoncé le départ d'Yves Le Masne, directeur général depuis plus de dix ans. Il a été remplacé par Philippe Charrier, promu de président non exécutif à PDG.
Un nouveau patron chargé de "garantir que les meilleures pratiques sont appliquées dans toute l'entreprise et de faire toute la lumière sur les allégations" qui ébranlent depuis une semaine le géant français des maisons de retraite - 1.156 établissements, plus de 116.000 lits dans 23 pays-, indique le groupe dans un communiqué.
A l'origine de ce séisme, le livre-enquête "Les Fossoyeurs" du journaliste indépendant Victor Castanet décrit un système où les soins d'hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents sont "rationnés" pour améliorer la rentabilité de l'entreprise. Et ce alors que les séjours sont facturés au prix fort.
- Vers plus de contrôles ? -
Avec le directeur d'Orpea France, Jean-Christophe Romersi, le nouveau PDG est attendu mardi matin dans le bureau de la ministre déléguée chargée de l'Autonomie des personnes âgées, Brigitte Bourguignon. La ministre a convoqué les deux dirigeants "pour les entendre sur les accusations étayées et d'une gravité exceptionnelle" contenues dans le livre, a-t-elle précisé sur Twitter.
Sur le plan judiciaire, Orpea est par ailleurs sous la menace d'une "action collective conjointe" lancée par des familles de résidents en colère. En portant plainte simultanément, ces familles "entendent faire nombre, avoir du poids face à un géant", a expliqué lundi leur avocate, Me Sarah Saldmann, qui veut lancer cette procédure d'ici quelques semaines pour, selon les dossiers, "homicide involontaire, mise en danger délibérée de la vie d'autrui, violence par négligence" ou "non-assistance à personne en danger".
Particulièrement pointé du doigt dans "Les Fossoyeurs", l'Ehpad Orpea "Les bords de Seine", à Neuilly-sur-Seine, fait par ailleurs l'objet d'une enquête préliminaire ouverte en 2020 par le parquet de Nanterre, à la suite d'un dépôt de plainte pour des faits d'homicide involontaire concernant une résidente. "Nous n'avons pas connaissance d'une telle plainte", a réagi lundi soir Orpea, interrogé par l'AFP.
C'est également cet établissement qui a été inspecté vendredi sur demande de l'agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France et du conseil départemental des Hauts-de-Seine.
Les maisons de retraite privées n'ont "rien à cacher" et le secteur est même demandeur d'une multiplication des contrôles, a insisté lundi le Synerpa, principal syndicat des Ehpad privés. "Cette crise met en avant la nécessité de revoir urgemment les systèmes de contrôle et d'évaluation de la qualité en Ehpad", a souligné lors d'un point presse sa déléguée générale Florence Arnaiz-Maumé. L'organisation professionnelle va par ailleurs se doter prochainement d'une commission d'élaboration d'une "charte éthique", a précisé cette responsable.
- "Mesure de façade" -
Acculé, le groupe Orpea conteste toujours tout manquement: la révocation de M. Le Masne "ne présage en rien que les accusations sont fondées", selon une source proche du groupe. L'entreprise souhaite "laver (son) honneur" et "améliorer le système s'il y a eu des dysfonctionnements", ajoute cette source.
Le titre Orpea, qui avait a fondu de moitié en Bourse la semaine dernière, a à nouveau perdu 7,35% lundi, dans un marché en légère hausse.
Pour Camille Lamarche, qui a été juriste pendant près d'un an chez Orpea en 2018 au service des ressources humaines et témoigne dans le livre de Victor Castanet, le limogeage du directeur est "une mesure de façade".
La gestion des ressources humaines chez Orpea "est une politique systématique et réfléchie qui permet de faire des économies au détriment des conditions de travail des salariés", a-t-elle affirmé lundi sur France Inter. "Les syndicats, la CGT surtout, sont la bête noire des RH". La direction a mis en place "un syndicat maison", le syndicat Arc-en-ciel, selon elle.
Ces "méthodes antisyndicales" ont "participé à la non-manifestation de la vérité sur les graves agissements du système Orpea", a commenté de son côté la CGT, qui a réclamé des "enquêtes indépendantes" auprès de l'ensemble des entreprises du groupe.
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