"Pas en nombre", les sages-femmes hospitalières s'épuisent

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Par Laurence COUSTAL - Paris (AFP)
Publié le 06 octobre 2021 - 20:21
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Quelque 2.000 de sage-femmes défilent à Paris pour réclamer une revalorisation de leur travail, le 04 octobre 2011
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© MIGUEL MEDINA / AFP/Archives
Quelque 2.000 de sage-femmes défilent à Paris pour réclamer une revalorisation de leur travail, le 04 octobre 2011
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AFP - "Courir tout le temps" "pour un salaire de +misère+ par rapport à tout ce qu'elles font": les sages-femmes de l'hôpital Cochin-Port-Royal à Paris souffrent de "la pénibilité de leur travail" et d'avoir "de plus en plus de choses à faire, avec de moins en moins de temps".

Aux différents étages de cette maternité de l'AP-HP, une des plus grosses de France, sont alitées, une femme qui a rompu la poche des eaux dans la nuit, une future maman en travail installée sur un ballon, une femme avec "ses plaquettes dans les chaussettes", une autre au "col utérin très raccourci"... et aussi Fatoumata, une petite fille vieille de deux heures, qui attend, dans les bras d'une soignante, que sa mère récupère de sa péridurale.

Et circulant de chambres en chambres: les sages-femmes. Dont Clémence Loscul aujourd'hui affectée aux urgences et Françoise Le Rhun en charge des hospitalisations, un service qui accueille "les patientes enceintes ou accouchées qui présentent de grosses complications". Hypertension, bébés trop petits pour le terme, menace d'accouchement prématuré, triplés...

"Les 6.000 pas, ils sont fait à midi !", s'amuse Françoise Le Rhun.

Comme bon nombre de leurs collègues, les deux femmes sont en grève depuis le 24 septembre. Celles qui ne sont pas assignées descendront dans la rue jeudi, pour la sixième fois cette année.

Depuis 30 ans au sein de la même maternité, Françoise Le Rhun raconte avoir vu leurs conditions de travail se dégrader avec "de plus en plus de choses à faire, avec de moins en moins de temps, avec de moins en moins de personnes".

Soixante-dix-huit sages-femmes travaillent à la maternité de Port-Royal. "Nos grosses maternités où l'on prend beaucoup de femmes enceintes qui ont des pathologies ne peuvent absolument pas fonctionner sans les sages-femmes. Elles gèrent les trois quarts des problèmes posés par ces grossesses", assure le Pr François Goffinet. Ce chef du service soutient les revendications des sages-femmes hospitalières "qui ont l'impression de courir tout le temps, de ne plus faire un travail de qualité vis-à-vis des femmes".

Selon lui, redonner de l'attractivité à ce métier passera "immanquablement par une rémunération à la hauteur de ce qu'elle font quotidiennement". "Il est évident qu'elles ont un salaire de +misère+ par rapport à tout ce qu'elles font", ajoute-t-il.

Mais également par une réévaluation des décrets de périnatalité car "il faut absolument qu'elles soient plus nombreuses en salle de naissance et aux urgences", assure le gynécologue obstétricien. Les deux postes "les plus épuisants" pour Karine Hillion, cadre de service.

- "Semaines de dingues" -

Une équipe du SAMU pousse les portes. Sur le brancard: une femme enceinte de 5 mois, transférée d'une maternité voisine avec "une menace d'accouchement prématuré très sévère". Dans le calme, elle est installée dans un des boxes des urgences. D'une autre chambre, s'échappent les bruits du cœur d'un bébé dont la mère a été placée sous monitoring.

Si, du fait de sa renommée, cette maternité a longtemps échappé aux problèmes de recrutement, depuis quelques temps, "les demandes de départ s'accroissent énormément" et le nombre de CV reçus, en dehors de ceux des jeunes diplômés, baisse "considérablement", explique Karine Hillion pointant du doigt "la pénibilité du travail". Avec parfois des "semaines de dingues", notamment du fait des heures supplémentaires pour palier les postes vacants.

En salle des naissances, "le cœur de la maternité", et dans les bureaux des sages femmes des photos de nouveaux-nés et des faire-part sont accompagnés de lettres de parents. Il y est question de "personnes exceptionnelles", de "douceur" et de "gratitude".

Mais pour cela, Clémence Loscu, travaille "en garde de 12 heures, soit la journée soit la nuit", "vois de 10 et 30 patientes par jour aux urgences, 2 à 3 si elle est en salle d'accouchement". "Nous ne sommes pas en nombre. Avec la fermeture de petites maternités, on se retrouve, dans les grands centres, a absorber toute l'activité", ajoute la jeune femme avouant qu'elle ne va "pas tenir longtemps. Comme beaucoup de sages-femmes".

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