"Au revoir là-haut" : Albert Dupontel raconte les gueules cassées et les cœurs brisés de la Grande Guerre (vidéo)

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Jean-Michel Comte
Publié le 05 octobre 2017 - 02:08
Mis à jour le 25 octobre 2017 - 13:16
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Albert Dupontel Film Au Revoir Là-haut
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©Jérôme Prébois/ADCB Films/Gaumont
Le difficile retour à la vie civile de deux Poilus de 14-18, un petit comptable (Albert Dupontel, à gauche) et une "gueule cassée" au bas du visage arraché (Nahuel Pérez Biscayart).
©Jérôme Prébois/ADCB Films/Gaumont
Adapté du Prix Goncourt 2013, "Au revoir là-haut", le sixième film d'Albert Dupontel comme réalisateur, sort ce mercredi dans les salles. Il raconte le difficile et mouvementé retour à la vie civile de deux Poilus de 14-18, dont l'un a été à moitié défiguré par la guerre.

Les grands livres ne donnent pas toujours de grands films, mais ici c'est le cas: l'acteur-réalisateur Albert Dupontel adapte avec brio Au revoir là-haut, le Prix Goncourt 2013 de Pierre Lemaitre, histoire de deux survivants de la guerre 14-18 qui tentent tant bien que mal de revenir à la vie civile (ce mercredi 25 sur les écrans).

Albert Maillard, modeste comptable (Albert Dupontel), et Edouard Péricourt, talentueux dessinateur fils d'une famille de la haute bourgeoisie (Nahuel Pérez Biscayart), attendent l'Armistice dans les tranchées quand leur chef, le lieutenant Pradelle (Laurent Lafitte), sadique et autoritaire, ordonne un dernier assaut contre les Allemands. Albert manque d'être enterré vivant mais est sauvé in extremis par Edouard, avant qu'un éclat d'obus ne les plonge dans le coma.

Quand les deux hommes se réveillent à l'infirmerie, Edouard découvre avec horreur qu'il a tout le bas du visage arraché. Gueule cassée, il demande à son ami Albert de l'achever, mais celui-ci se contente de changer son identité et de le faire passer pour mort, l'aide à se soigner et l'emmène avec lui à Paris pour leur retour douloureux à la vie civile.

Rejeté par son père, le riche et antipathique homme d'affaires Marcel Péricourt (Niels Arestrup), Edouard refuse de revoir sa famille et vit caché avec Albert, en se fabriquant des masques artistiques pour dissimuler le bas de son visage et en s'exprimant par gestes. Albert, lui, exerce de petits boulots pour assurer leur survie: groom d'ascenseur au Bon Marché, homme-sandwich pour de la pub.

Pour gagner de l'argent et se venger de l'ingratitude de l'Etat envers les anciens combattants, les deux laissés-pour-compte décident alors de monter une arnaque aux monuments aux morts. Une affaire dangereuse dans laquelle Albert va être amené à revoir Pradelle, aussi ignoble et arriviste dans la vie civile que sous l'uniforme, et à rencontrer Marcel Péricourt…

Dans le livre de Pierre Lemaitre, "j'ai vu un pamphlet élégamment déguisé contre l’époque actuelle", explique Albert Dupontel. "Tous les personnages me paraissaient d’une modernité confondante. Une petite minorité, cupide et avide, domine le monde, les multinationales actuelles sont remplies de Pradelle et de Marcel Péricourt, sans foi ni loi, qui font souffrir les innombrables Maillard qui eux aussi persévèrent à survivre à travers les siècles. Le récit contenait également une histoire universelle, dans le rapport d’un père plein de remords, à un fils délaissé et incompris".

Entre burlesque et tragique, entre suspense et émotion, entre humour noir et humanisme, le film rend hommage à la génération sacrifiée des Poilus de 14-18, peu aidés par l'Etat et la société à leur retour dans la vie civile. Le tout agrémenté d'une histoire de famille et d'épisodes sentimentaux.

C'est le sixième film d'Albert Dupontel comme réalisateur, après notamment Bernie (César 1997 du meilleur premier film) et plus récemment 9 mois ferme (en 2013). Et c'est le plus réussi, avec une histoire aux nombreux rebondissements (le livre fait 600 pages) et une mise en images riche d'inventions visuelles dignes des plus grands réalisateurs. Les scènes de tranchées, au début du film, sont impressionnantes, mais ensuite les séquences plus intimistes, le découpage de l'histoire, la reconstitution historique, les masques d'Edouard et la colorisation particulière des images sont d'une beauté et d'une efficacité remarquables ("l'histoire impose un certain lyrisme à la mise en scène", explique Dupontel).

Le réalisateur n'avait pas prévu au départ d'interpréter lui-même l'un des deux personnages principaux, mais la défection de l'acteur auquel il pensait (Bouli Lanners, qu'il avait dirigé dans Enfermés dehors, Le vilain et 9 mois ferme) l'a obligé à le faire, et l'on ne s'en plaindra pas.

Albert Dupontel est de presque toutes les scènes, mais c'est surtout Nahuel Pérez Biscayart, jeune acteur argentin remarqué récemment dans 120 battements par minute, qui retient l'attention dans un rôle presque muet où il n'exprime ses émotions que par le regard. Et le réalisateur a soigné aussi, dans cette histoire foisonnante, les seconds rôles: outre les personnages interprétés par Laurent Lafitte et Niels Arestrup, il y a notamment Emilie Dequenne, Mélanie Thierry, André Marcon, Michel Vuillermoz et la petite Héloïse Balster qui joue la petite orpheline amie et porte-parole d'Edouard.

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