"Paterson" : la poésie tranquille et quotidienne de Jim Jarmusch (VIDEO)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 18 décembre 2016 - 12:24
Mis à jour le 21 décembre 2016 - 10:56
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Film Paterson Golshifteh Farahani Adam Driver
Crédits
©Mary Cybulski/Le Pacte
Golshifteh Farahani et Adam Driver, jeune couple tranquille et amoureux.
©Mary Cybulski/Le Pacte
Présenté au dernier Festival de Cannes et ce mercredi dans les salles, "Paterson", du réalisateur américain Jim Jarmusch, est un film dont le personnage principal, un chauffeur de bus, pratique la poésie au quotidien.

Trois en un: le titre du nouveau film de Jim Jarmusch, Paterson (ce mercredi 21 sur les écrans français), a une triple explication. C'est le nom du personnage principal. C'est le nom de la ville ouvrière du New Jersey, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de New York, où se situe l'histoire. Et c'est le nom du plus célèbre livre, consacré à cette ville, du poète américain William Carlos Williams (1883-1963).

Et le film est donc, hommage à cet écrivain, une petite merveille de poésie dans un monde quotidien, banal, tranquille, sans drames ni passions.

Tous les matins Paterson, chauffeur du bus n°23 de la ville, se réveille à la même heure, dépose un baiser sur l'épaule de sa femme Laura endormie, et part au travail. Il a un petit carnet dans lequel il écrit de courts poèmes, qui parlent avec simplicité et concision de la vie de tous les jours.

Pendant qu'il est au travail, Laura multiplie les idées de décoration dans leur petite maison, peint les rideaux en noir et blanc, commande une guitare pour apprendre à chanter, fait des cup-cakes qu'elle compte aller vendre au marché.

Tous les soirs, après le repas où ils se racontent leur journée, Paterson va promener leur chien Marvin, un bouledogue blanc qu'il attache devant un bar où il va boire une dernière bière. Régulièrement, Laura dit à Paterson qu'il devrait faire une copie de ses poèmes et les envoyer à un éditeur: "Un jour, tu permettras peut-être au monde de les lire…"

Adam Driver, l'une des dernières coqueluches d'Hollywood, révélé au grand public par la série Girls et l'an dernier par son rôle de méchant dans Star Wars-VII, interprète le rôle de Paterson. Laura a les traits de Golshifteh Farahani, l'actrice iranienne exilée en France et qui s'est fait connaître notamment par ses rôles dans Mensonges d'État, de Ridley Scott, et plus récemment dans Les deux amis, de son ex-compagnon Louis Garrel.

"Paterson raconte une histoire tranquille, sans conflit dramatique à proprement parler. Sa structure est simple: il s’agit de suivre sept journées dans la vie de ses personnages", explique Jim Jarmusch, dont le film a été présenté en compétition au dernier Festival de Cannes (mais sans obtenir de prix).

"Paterson rend hommage à la poésie des détails, des variations et échanges quotidiens", ajoute-t-il. "Le film se veut un antidote à la noirceur et à la lourdeur des films dramatiques et du cinéma d’action. C’est un film que le spectateur devrait laisser flotter sous ses yeux, comme des images qu’on voit par la fenêtre d’un bus qui glisse, comme une gondole, à travers les rues d’une petite ville oubliée".

De fait, l'intrigue est minimaliste, on craint qu'il arrive quelque chose dans cette histoire –et heureusement il n'en est rien (ou presque). Ce Paterson est un film d'ambiance, où l'on n'a pas besoin de réfléchir mais où l'on goûte l'absence de rythme, l'ode à la lenteur et à la banalité, la quiétude, la simplicité, les répliques souvent cocasses.

Pas de téléphone portable, un petit carnet où il note ses idées, un amour pour la littérature et une sympathie pour les anti-héros: le personnage de Paterson ressemble à Jim Jarmusch, 63 ans, dans une espèce d'autoportrait inavoué. Et l'on retrouve dans ce film l'atmosphère, l'humour décalé et la manière de raconter les histoires du réalisateur de Stranger Than Paradise, Dead Man ou Broken Flowers.

Marvin le bouledogue, des allumettes à bout bleu, des céréales rondes dans un bol de lait, un bar au néon rouge dont le patron joue seul aux échecs, des conversations de passagers dans le bus, un amoureux transi dans le bar, un T-shirt et un pantalon pliés sur une chaise, une boîte aux lettres extérieure sur un poteau penché, des bâtiments en brique rouge, une tarte au cheddar et aux choux de Bruxelles, un pont métallique enjambant les chutes d'eau d'une rivière, une adolescente et un touriste japonais amoureux des jolis textes, des jumelles: il se dégage du film et de ses images, ses dialogues, ses courtes scènes une incroyable poésie qu'on ne voit pas venir et qui s'installe –discrète mais omniprésente, modeste mais puissante, loin de la fureur et du bruit de l'époque actuelle mais ancrée dans la simplicité du quotidien.

(Voir ci-dessous la bande-annonce du film):

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